§ 3. — Comparaisons.
L’ensemble des races dites Mongoliques se comporte, nous l’avons dit déjà, au point de vue de la morphologie
crânienne, à peu près de même façon que celui que forment les races nigritiques, océaniennes
et africaines, précédemment étudiées. Ici comme là, les proportions céphaliques sont extrêmement variables,,
puisqu’elles parcourent la série presque entière des indices. 11 y a toutefois d’un groupe à l’autre
une différence, signalée déjà par Retzius et par quelques-uns de ses suooesseurs, et sur laquelle nous
devons appeler une fois encore l’attention. Tandis que, chez les Nègres, ce sont les brachycéphales qui
forment en Asie et en Afrique l’élément le moins important, chez les Mongols les dolichocéphales, au
contraire, se montrent beaucoup moins nombreux, les brachycéphales vrais, les sous-brachycéphales
et les mésaticéphales constituant la meilleure partie de la population asiatique (t).
Ces variations d’indices coïncident d’ailleurs avec des altérations quelquefois fort profondes de la plupart
des caractères importants; ainsi la brièveté des diamètres verticaux, si remarquable chez les
nomades des déserts de la Haute-Asie, fait le contraste le plus 'frappant avec rextenjnon des mêmes
diamètres chez les Chinois ou chez les Eskimos.
Si l’on prend un par un chacun des traits assignés aux populations mongoliques dans les descriptions
générales qu’on leur a consacrées, on arrive à constater que, de pes diverses particularités, une .seule est
commune au plus grand nombre des groupes secondaires qui constituent l'ensemble des races jaunes;
c’est la forme losângique de la face, déterminée par la dilatation transverse des maxillaires et des
jugaux. Aucune des moyennes du diamètre bizygomatique, calculées dans les laldeaux du précédent chapi-r-
tre, ne descend, chez l’homme, au-dessous de 0”,130 et plusieurs des chiffres atteignent 0", 139 et 0", 140.
Tous les autres caractères invoqués comme plus ou moins constants chez les Mongoliques ;,Taplatisse-
ment du squelette nasal, l’élargissement de l’espace interorbitaire, la mésorrhiniè, la saillie du bord
inférieur de l’orbite, l’effacement du bord tranchant du plancher des fosses nasales, etCi , font assez souvent
défaut, pour qu’on soit autorisé à en contester la valeur, en tant quejéterminatifs du groupe pris dans
son ensemble.
Ces caractères et quelques antres encore qu’il serait trop long d’énumérer prendront toute leur valeur’
le jour où il sera possible de stfbdrviser l’ensemble des races mongoliques en groupes secondaires. En
introduisant chez les Noirs certaines subdivisions, il nous est devenu possible d’établir l’homogénéité
relative des nègres proprement dits et de les distinguer des autres éléments nigritiques qui n’ont, en
commun avec ceux-oiv que des traits,généraux. Une certaine homogénéité pourra s’établir également,
entre les Mongoliques de la Haute-Asie, de 1 Indo-Chine, etc., lorsque les autres groupes que nous avons
laissés confondus avec eux dans une même synthèse auront conquis définitivement une q>îaoe bien distincte
dans -la classification dont on entrevoit dès à présent le prochain établissement. Rappelons d’ailleurs
que cette classification devra reposer sur des considérations tirées de ïensemb^ de tous les caractères
et que les rapprochements fondés sur des considérations crâniographiques seulement, bien que concordant
fort souvent avec le résultat méthodique, sont toujours plus ou moins systématiques, en donnant à ce mot
la signification qu’il a dans le langage des naturalistes classificateurs (2). 1 2
(1) On se rappellera que les Estimes, pour ne citer qn’em parmi les dolichocéphales mongoliques, ne formaient au Groenland en
1866 [ T o u r d u m o n d e , sept. 1867) qu’une population de 9481 habitants; an Labrador on comptait, en IS50, 1200 Eskimos seulement
fixés autour des établissements européens, etc.
(2) A. de Quatrbfages. R a p p o r t s u r l e s p r o g r è s d e l 'a n t h r o p o l o g i e . A p p e n d i c e .
Chapitre XIY. Races Malayo-Polynésiennes.
§ 1. — Historique.
Les insulaires du grand archipel d’Asie ont commencé dès les premières années du seizième siècle à
entrer en relation avec l’Europe, et ceux de la mer du Sud, visités par Magellan, Mendana, Quiros, etc.,
étaient bien connus depuis que Cook, Bougainville, etc., en avaient tracé les pprtraits dans leurs immortels
récits.
La morphologie crânienne des uns et des autres ne fut cependant décrite que par Blümenbach. L’auteur
des Décades fait connaître dans ce célèbre ouvrage le crâne d’un Javanais et celui d’un Boughis,
ceux d’une jeune Macassare et d’une jeune Balinaise provenant des voyages de Bligh et de Krusenstern,
enfin deux têtes de Polynésiens, l’une de Taïti, l’autre des îles Marquises (1). Les analogies que présentent
entre elles les quatre premières de ces pièces, l’identité des deux dernières, ressortaient assez
nettement de la publication de Blümenbach, et venaient confirmer ce que les voyageurs, Cook en particulier,
avàient annoncé de la parenté des insulaires du Grand Océan, et des liens qui les rattachent aux
Malais considérés en général.
L’histoire des travaux de Marsden, de Crawford, de Guillaume de Humboldt, de ßalbi, de Leyden, de
Junghuhn, etc., sur la question Malayo-Polynésienne, a été trop souvent faite pour qu’il soit nécessaire
de la reproduire ici. On sait que les études de ces savants écrivains et les discussions auxquelles leurs
publications tint donné lieu, ont eu pour résultat de grouper les Malais et les' Polynésiens dans une
synthèse linguistique incontestée.
Fondés principalement sur des considérations étrangères à l’anatomie des races, ces travaux ne pouvaient
pas seuls aboutir à la constitution d’un groupe ethnique absolument homogène. Or, les publications
anthropologiques qui se sont succédé depuis Blümenbach, et parmi lesquelles il faut mentionner celles
de Bory de Saint-Vincent, de Van der Hoeven, de Lesson, de Blanchard et Dumoutier, de Vrolik, de
Swaving, de Wyman, de MM. Davis, Schetelig, Virchow,Montano et les-nôtres (2), sont venues prouver
que si tous les Malais proprement dits sont intimement liés entre eux par les caractères physiques comme
par ceux que fournit l’étude de leur langue, de leur ethnographie, etc. ; Félément ethnique auquel se
juxtapose l’élément Malais dans l’archipel Indien, et qui comprend la plupart des populations d ei’intérieur
des grandes îles de Sumatra, Bornéo, Luçon, etc., s’en distingue par des caractères physiques assez
tranchés.
D’autre part les Polynésiens, que l’on avait trop intimement reliés aux Malais, se sont détachés de ceux-
ci, au point de vue des formes céphaliques, comme à bien d’autres égards. Considérés en général, ils
sont les dolichocéphales du groupe dont les Malais représentent l’élément brachycéphalique.
Nous glisserons rapidement sur la description de ces derniers ; les travaux des anthropologistes hollandais
ont tort bien fait connaître leurs formes crâniennes. Nous nous attacherons plus particulièrement
au contraire à l’examen des pièces qui se rapportent aux populations de l’intérieur, souvent appelées
Alfourous et auxquelles s’applique plus particulièrement aujourd’hui le nom d'Indonésiennes (3) ;
(i) J.-A. Blduenbach. O p . o i t . D e c . t e r t . tab. XXVI; q u a r t , tab. XXXIX; q u i n t , tab. XLIX, L ; s e x U tab. L1X, LX.
. . (2) Cf. W aitz. A n t h r o p o l o g i e d e r N a t u r v ö l k e r . Bd. V. s. 11. — P iuchard. O p . e i t . , p a s s . — Etc .
- (3) Cf. E.-T. Hamy. L e s A l f o u r o u s d e G i lo lo d ’a p r è s d e n o u v e a u x ■ r e n s e i g n e m e n t s ( B u l l . S o c . d e G é o g r . 2e série, t. XIII, p. 480-491
1877). :