Crâne du Port-Western. —- C’est au Port-Western, au S.-E. de Melbourne, que M. Huxley a, pour
la première fois, signalé l’existence d’individus présentant les formes crâniennes (1) dont l'homme du
Neanderthal est l’exemple le plus accusé. Le crâne masculin, qu’il a superposé à celui de la grotte du
Néanderthal avait déjà frappé l’attention de M. R. Owen. Par son étroitesse, son front bas et fuyant,
ses orbites aux bords obtus et proéminents, la saillie de ses mâchoires et la position avancée des canines
de sa mandibule, ce crâne présente, dit ce savant anatomiste, dans son Catalogue du Musée des Chirurgiens,
« le type le plus bas » de l’humanité telle qu’elle est représentée dans cette collection; mais,
ajoute-t-il, « dans tous ses traits essentiels », il reste humain et se maintient à distance des types gorille
et chimpanzé (2).
Crânes du Port-P hilipp. — Nous avons mentionné, dans la première partie de cet ouvrage (3), les tribus
de Port-Philipp parmi celles que l’on pourrait rattacher aux néanderthaloïdes. Port-Philipp est le nom
de la vaste baie, au fond de laquelle est bâtie Melbourne, immédiatement à l’ouest du Port-Western,
dont il vient d’être question. Les anciens habitants des rives de ce golfe ont été spécialement décrits
par quelques voyageurs tels que Wedge, Meredith, Gellibrands. Malheureusement les documents anatomiques,
publiés jusqu’ici sur ces sauvages, manquent de la précision nécessaire. Les diamètres verticaux,
en particulier, n'ont point été donnés par les auteurs, et la platycéphalie ne se manifeste, par conséquent,
qu’avec un certain vague dans leurs écrits. Ainsi, le crâne d’indigène dont M. Recker a parlé dans
son rapport, ayant appartenu à un sujet avancé en âge, dolichocéphale à 71,18 (d.-a. p. 0m,177 ; d. tr.
max. 0m,126), se faisait principalement remarquer par la dépression de son vertex, profondément sillonné,
surtout dans sa partie postérieure. Durabub, l’Australien du Port-Philipp, de la collection Morton, dont
le crâne était le plus « simien » que le célèbre anthropologiste ait jamais vu, présentait un front « excessivement
plat et fuyant, la tête allongée en totalité et déprimée le long de la région coronale, » la base
du crâne également aplatie, tandis que, par son prognathisme, la mâchoire supérieure « dégénérait
presque en museau. » L arcade alvéolaire, au lieu d’être ronde ou ovale dans son contour, « est presque
carrée... et les apophyses mastoïdes sont très-larges et très-grossières. Les orbites immenses sont
débordées par de lourds arcs surciliers (4).
M. Meigs (5) rapproche, à propos de ce dernier trait, le crâne de Durabub de celui du mont Abrupt
cité plus haut, et reconnaît que, si les deux pièces présentent, en général, « la même apparence brutale » ,
le type varie de l’un à l’autre dans une cértaine mesure.
vergence des lignes courbes temporales qui se fait à plus de 4 centimètres au-dessus des orbites, l’extrême simplicité de toutes les sutures,
l’énorme développement de toute la face, la dilatation des narines, l’existence d’un vestibule prénasal très-marqué, etc. (Mus.
Retzius, n° 1643).
(1) La tribu de Kiama (Nouvelles-Galles du Sud) est représentée au Musée de Sydney par deux crânes de sexe indéterminé.
Les diamètres publiés par M. G. Krefft montrent ces deux pièces dolichocéphales (d. a.-p. 0m,179 et 0“ ,176j d. tr. max. 0m,130 et
0“,133; ind. céph. 72,62 et 75,56), mais plus larges que hautes (d. bas.-bregm. 0“,128 et 0m,123; ind. larg.-haut. 98,46 et 92,48).
N ayant que ce renseignement, emprunté à une source peu sûre, c’est sous toutes réserves que nous mentionnons à cette place ces deux
pièces. Outre ces crânes, celui de Rockhampton, dont il a été parlé plus haut, et un autre de Port-Fairy dont il sera question plus loin,
le Musée de Sydney renferme encore neuf têtes classées comme australiennes, et dont la largeur surpasse la hauteur (ind. haut.-
larg. 99,29; 98,61 ; 98,46; 97,70 ; 95,77; 95,41 ; 94,11; 93,52; enfin 91,91). Quatre de ces crânes, ayant en même tempe des indices
céphaliques horizontaux de 78,53 ; 79,53; 81,60 et 86,62, pourraient être des crânes d’Europe confondus dans une même série avec
les Australiens. Quatre sont plus douteux et rentrent dans la catégorie du crâne féminin de Rockhampton (p. 307); un dernier qui,
en même temps qu’il est très-aplati (d. bas.-bregm. 0“,125), est relativement fort allongé (d.-a. p. 0“,187; d. tr.. 0“,131) et a les
indices 70,05 ; 66,84 et 95,41, semble pouvoir être groupé à côté de ceux que nous étudions en ce moment.
(2) R. Owen. Ca t. cit., n° 5304, p. 823.
(3) Voy. plus haut, p. 40-41.
(4) Yoy. p. 41.
(5) A. Meigs. Ca ta lo g u e o f human crania i n th e c o lle c tio n o f the Academy o f n a tu r a l sc ien c es o f P h ila d e lp h ia , etc. Philadelphia, 1857 ;
in-8®, p. 96. — Le même catalogue mentionne un deuxième aborigène du Port-Philipp, âgé seulement de 16 ans, sans détails descriptifs
(p. 97). La capacité du premier est de 1325 ««; celle du second, de 1342“ .
Crâne du Port-F airy. — Le Musée de Sydney possède un crâne du Port-Fairy, à 3° environ dans
l’Ouest du Port-Philipp, dont la dolichoplatycéphalie est des plus manifestes.
Tandis que le diamètre antéro-postérieur maximum s’allonge
jusqu’à atteindre Qm,206, et que le diamètre transverse se développe au
point d’égaler 0m,142, le diamètre basilo-bregmatique s’abaisse à 0m,133,
et l’on obtient les indices céphaliques 68,93; 63,76 et 93,66. Il est fâcheux
que M. Krefft se soit contenté de ces seules indications numériques.
Cette dolichoplatycéphalie n’est point, d ailleurs, un caractère général
chez les Australiens du Port-Fairy. M. J.-B. Davis (1) a publié les mesures
d’un crâne de cette localité, dont 1 hypsisténocéphalie est très accentuée.
Crânes d’Adélaïde (fig. 296, 297 et 298). — Mais la tribu d’Adélaïde,
aujourd’hui éteinte, ou peu s’en faut, semble, à en juger par
les, pièces dont les musées anglais et notre Muséum possèdent des spécimens,
avoir entièrement appartenu à la seconde race australienne (2).
Que l’on examine, en effet, les dessins de crânes transformés en vases à
boire que Angas (3), Eyre (4), J.-B. Davis (5) ont publiés, ce dernier
reproduit ci-contre (fig. 395) ; qu’on lise au catalogue du Musée des Chirurgiens
Fig. 296. — Crâne d’Australienne
d'Adélaïde, converti en vase à eau
(J. B. Davis. Thés. Cran., fig. 79,
p. 259). : .
les descriptions de M. R. Owen (6), ou que l’on calcule les mesures du Thésaurus Cranio-
rum, on constatera que tous ces matériaux
d’étude se ressemblent d’une manière intime,
et présentent un ensemble de caractères qui
les différencie profondément de ceux que
nous avons groupés plus haut pour servir à
la connaissance de la race Australienne proprement
dite.
Nous donnons ci-contre (fig. 297) le profil
de la plus remarquable de toutes ces pièces.
C’est celle qui porte le n° 5331 du catalogue
du Musée des Chirurgiens de Londres, et
dont M. Huxley s’est particulièrement servi
dans les, dernières comparaisons, qu’il a instituées
entre les Australiens et les habitants
Fig. 297. — Crâne d’un naturel d’Adélaïde, vu de profil, 1/2 gr.
{Mus. Coll. Roy. o f Surg., n . 5331.).
primitifs de l’Europe occidentale. Elle est
réduite à sa portion crânienne et se fait surtout remarquer en avant par l’absence de sinus frontaux,
l’étendue de l’espace interorbitaire (0m,027), des arcades surcilières volumineuses et étalées, moins bien
circonscrites que nous ne l’avons vu dans le premier type Australien précédemment étudié et se con-
(1) Principales mesures d’un autre crâne du P ort-Fairy d e la collection Davis: cap. crân. 1452°°; d.-a. p. 0m,4 85; d. tr. 0m,l2 6 ,
ind. céph. 68,10; d. front, max. 0m,106 ; occ. m ax. 0m,1 0 4 ; vertical (max.) 0 “ ,142; bizyg. 0“ ,1 3 9 ; courb. horiz. tôt. 0m,518; front.
0m,l2 6 ; par. 0m,134; occip. 0m, l l6 .
(2) Nous observerons cependant que chez le che fK in g J ohn dont parle M. Becker, dans le mémoire déjà c ité, la partie supérieure
du crâne regardée en avant ou en arrière a une forme pyramidale constante, M. Becker n’a point donné d’ailleurs les chiffres
à l’aide desquels les proportions verticales de cette tète pourraient être rigoureusement appréciées. La dolichocéphalie de ce sujet
est représentée par l’indice, 71,11.
(3) G.-F. Angas. S o u th A u s tr a l ia illustratcd. London, 1846, in-f°, pi. X X V II , fig. 2 5 ^ ^
(4) E vre- Op. c it. vol. I l, p. 311.
(5) J.-B. Davis. T h é s , c ra n ., p. 259, fig. 79.
(6) R. Owen. Op. c if .|p . 828.