de départ des théories ethnogéniques dont nous avons fait l’histoire (1), le savant Suédois pose les bases
de son système crâniologique. Les têtes dans lesquelles la plus grande longueur l’emporte d’un quart
sur la plus grande largeur et qui, par. conséquent, présentent le rapport de 9 à 7, sont dolichocéphales;
les autres, avec le rapport * et la différence de la longueur à la largeur réduite à et même à s o n t brachycéphales.
Il y a, parmi les unes et les autres* ce que Prichard appelait des têtes prognathes ; celles qui ne le
sont pas sont dites orthognathes. Retzius subordonne le caractère tiré de la saillie des mâchoires à celui
que fournit la forme générale de la tête et range toutes les races humaines dans les quatre groupes qui
résultent de la combinaison ainsi effectuée. Les premières recherches commencées dès 1840, mais
publiées seulement en 1842, se poursuivent jusqu’en 1857. A cette époque Retzius, qui a, chemin faisant,
donné un certain nombre dé descriptions de détail, et formé un musée qui est encore aujourd hui un
dès plus intéressants de l’Europe, publie le grand mémoire intitulé : Coup d'oeil sur ïètat actuel de
l'ethnologie au point de vue de la forme du crâne osseux (2), dans lequel se trouvent développées les idées
qu’il professe sur le rôle de la morphologie crânienne dans la classification.
Dans toute son oeuvre ethnologique, l’anthropologiste de Stockholm s’inspire directement de
Rlumenbach, dont on peut dire qu’il fut. en Europe le véritable continuateur. Morton, en Amérique, se
rattache également au célèbre professeur de Goettingen dans ses monographies des races d’Amérique et
d’Égypte (3). Mais tandis que Retzius sait se mettre à l’abri des principales critiques dirigées contre les
Décades, Morton les imite jusque dans leurs plus graves défauts. Il suffit de comparer aux Crania Americana
le petit atlas publié à la fin des Ethnologische Schriften pour se rendre compte de la distance qui
sépare les deux oeuvres. Morton a fait école aux États-Unis; Gliddon,Wyman, MM. Nott, Aitken Meigs, etc.
sont ses principaux élèves. Son initiative a influencé, dans une large mesure, les publications européennes.
Ses monographies ont été imitées, développées et améliorées, et les Crania Americana peuvent passer,
jusqu’à un certain point, pour les inspirateurs des Crania Britannica de MM. J. B. Davis et Thurnam, des
Crania Germanioe Meridionalis de M. Ecker, -des Crania Helvetica de MM. His et Rütimeyer, enfin des
Crania Selecta de M. 6. E. de Baër, ouvrage que Ton peut encore, malgré son extrême cpncision, donner
comme un modèle.
La France qui, avec Buffon, avait la première tracé les principaux linéaments de l’anthropologie descriptive
et qui, en la personne de Daubenton, avait introduit dans la crâniologie les méthodes rigoureuses
qui lui ont donné sa précision actuelle, ne peut rien opposer à l'oeuvre de Prichard; quelques
monographies de Quoy et Gaimard, de Desmoulins, de Lesson et Garnôt, etc., sur diverses races dont,les
voyages lointains permettent d’aborder l’étude, sont les seuls travaux français que l’on puisse rapprocher,
à certains égards, de ceux de Retzius ou de Morton (4). Les ouvrages généraux de Yirey, de Lacépède,
de Bory de Saint-Vincent, etc. (5), ajoutent peu de chose à ce que l ’on connaissait déjà. Et il faut
arriver à W. Edwards et .à la Société d’Ethnologie pour voir l’école Française reprendre le rang
qu’elle a perdu et contribuer de nouveau efficacement à faire progresser l’histoire naturelle de l’homme. 1 2 3 4 5
(1) "Voyez plus haut, p. 99.
(2) A. Retzius. Blick pa ethnologiens Nârvarande Standpunkt med afseendepn formen af hufvudskalens ben stomme, Christiania,
1857, br. in-12, trad. fr., in Bibl.üniv. Arch. des Sc. Phys, et Nat., 5° sér., t. VII, 1860, p. 151-172, 256-278..
(3) S. G. Morton. Crania Americana or a Comparative View of the skulls of various aboriginal nations of N. and S. America. Philadelphia,
.1839, in-f°. — Crania Ægyptiaca or Observations on Egyptian Ethnography derived from Anatomy, Eistory and the Monuments.
Philadelphia, 1844, in-4°.
(4) Desmoulins. Histoire naturelle des races humaines du Nord-Est de t Europe, de l'Asie Boréale et Orientale et de l'Afrique Australe.
Paris, 1824, in-8®.— Quoy et Gaimard. Observations sur la constitution physique des Papous qui habitent les lies de Bcvwach et de Waigiou
{Ann. Sc.nat., t. VU, p. 27,1826). — Lesson et Garnot. Mémoire sur les Papous, les Tasmaniens, les Alfourous et les Australiens (Ibid.,
t. X, p. ,93, 149, 1827).
(5) Virey. Histoire naturelle du genre humain. Paris, 1824, 3 vol. in-8°. — Lacépède. Histoire naturelle, de l’homme. Paris, 1827,
in-8°. — Bory de Saint-Vincent. L’homme (homo). Essai zoologique sur le genre humain. Paris, 1827, 2 vol. in-8®
CLASSIFICATIONS CRANIOLOGIQUES. 161
Oh sait la part que pstte Société a prisa dans l’évdlufion des sciences anthropologiques, non-seulement par
ses propres travaux, mais aussi par son exemple.
La Société d’anthropologie, qui a repris sa tâche trop tôt interrompue, s est donné pour mission de
développer tout spécialement l’étude de l’anatomiejoomparée des races humaines et de la crâmologié
ethnique en - particulier. Faite ici -l’histoire, détaillée des travaux spéciaux qu’elle a produits depuis sa
fondation, exigerait des développements qu’il nous est interdit d’aborder. Nous ne voulons cependant pas .
clore cepOng chapitre sans mentionner les recherches du. savant secrétaire général .de.cette compagnie. Le
nom de M. Broca est intimement lié; à l'histoire des-progrès,de la crâniologie générale et particulière.
Ses -recherches sur les .points singuliers, les angles?aurîcülâires,-des;- capacités crâniennes, les plans horizontaux,
les indices.céphaliques, nasal, orbitaire;, etc., ont Considérablement perfectionné l étude scientifique
de la tête. 11 a en outre publié un certain nombre dc descriptions de crânes de races dans lesquelles
il a mis en oeuvre, d’une manière très-heureuse, les méthodes nouvelles qu'il préconisait. M. Pruper-Bey a
aussi beaucoup étudiéÿheauconp comparé, tout en suivant une méthode différente. Ses Résultats de.Crdni6-
mètrie forment un ensemble extrêmement utile à consulter; et ses Mémoires desoriptifs n ont pas pem.con-
tribué à éclairer certaines questions ethnogéniques obscures. Les nombreux emprunts que nous avons faits
à ces-deux collègues# aux autres collaborateurs du Bulletin-.de la Société di Anthropologie de Pans permettent
de se rendre compte de l'importance de ce Recueil,'elles Mémoires que publie la même Société
renferment des monographies importantes sur lesquelles nous aurons fréquemment à revenir.
Les Sociétés fondées àL’étranger à l’imitation de la nôtre dans-ces dernières années suivent d un pas
inégal à peu près la même marche. Les recherches crâniologiquesty tiennent presque partout la première
place, et-dii retrouve ces études occupant un rang distingué jusque dàns les Recueils des compagnies
savantes demeurées-les plus étrangères juiqùjâioes-derniers temps à ce genre de travaux-. Les nomade
Thurnam,"Williamson, MM. R. Owen, Busk, Huxley, B. Davis, Carter Blake, etc., en Angleterre ; deWagner,
de Watts, de MM. Welcker, Ecker, Lues. VirchouR Schaaffhausen, etc., en Allemagne ; de MM. C. Vogt, His,
Rütimeyer, en Suisse; de MM. Hyrtl, Weisbach, Langer, etc., en Autriche; de V-rolik, VanderHoeven, de
MM. Swaving, Sasse, Lubach, etc., etc., «mHollande; de MM. Retzius, van Düben, en Snede tCi-E. de.
Baer, Bôgdanow, Landzert, en Russie; Nioolucci,. Calori, Mantegazza, Zanetti, Morselli, e t c , etc., en
Italie, sont attaohés à de nombreuses et importantes.publications. Nous nous efforcerons de tirer.lemed-
leur parti-possible de tous ces documents dan^lpsrohapitres qui suivent -èn combinant leur étude avec
celle des nombreux matériaux dont nous disposons.
CHAPITRE I I . ----- CLASSIFICATIONS. — RACES NÈGRES EN GÉNÉRAL.
§ |. - Classifications crâniologiques.
Nous avons , en plusieurs fon^'occasion, dans les pages qui précèdent^ d’appeler i’ajtenfion sur diverses
tentatives de. classification des races humaines par la forme deijleur.,crâne. La plus ancienne, .celle. de
Spigel, distinguait, on l’a vu, quatre types crâniens, et attribuait chacun dé ces types, à titre d exemplesy
à un on plusieurs peuples. Soemmering, White, etc."|ie tiennent compte que du Blanc et du Negre.
Buffon, qui subordonne la forme à la couleur (1), admet six variétés principales,.dans le genre humain ;
Linné, qui donne au même caractère la même prépondérance, en avait reconnu quatre (2).
C’est à ce même nombre que Lavater s’est arrêté, en distinguant par leur morphologie le çrâne^Alle-
mand, pris comme type de l’Européen, le Calmonk, type du Mongol;,- l’Éthiopien ou Nègre,,- et l’habitant
des Indes Orientales équivalant au Malais.
(1) Buffon. Hist. nat., t. III, p. 37Î. — "Voÿ. la note 3 de la page 155. ,
« Syitma nature, 10- ê d ./B o lm iæ , 1758, in -8 -, - Nous laissons, bien entendu, de côté, 1 homo f r m « l hem mmstimm.
Cf. B endyshe. On the anthropology of Linnæus {Mem. rend before theAnthrop. Soc. of London, vol. I, p. 421-458).
Qüatrefages et Hamy.