Rattlesnake, Mac-Gillivray, avait signalé aux îles Brummer et Dufaure, dans les mêmes parages, des faits
de même ordre. Les traits de ces insulaires avaient paru à ce dernier «< présenter presque autant de différences
qu’il en peut exister dans un rassemblement d'individus mêlés d’une nation quelconque d’Europe. »
Seulement, si cette population lui semblait pouvoir se résoudre en plusieurs types, il reconnaissait que ces
types n’étaient pas nettement séparés, mais qu’on pouvait passer de l’un à l’autre par une série d’intermédiaires.
Ainsi il distinguait des individus présentant à un haut degré les caractères extérieurs propres
aux Papouas et d’autres qui s’offraient à lui sous des traits qui lui semblaient « parfaitement Malais (1) » .
M. Moresby emploie cette même expression pour caractériser les indigènes de Robert-Hall Sound, de
Redscar-Bay, de Port-Moresby, de l’île Hayter, etc. (2), qu’il distingue sans hésitation de ceux du détroit
de Torrès, « Papouas noirs» dont l’habitat finit vers le cap Possession. Il se déclare cependant incapable
de fixer entre les deux peuples une ligne de démarcation bien tranchée , « les deux types de races se
trouvant en présence », et les sauvages qu’il a vus sur la côte offrant de grandes variations « de couleur, de
taille et de traits. » Il ajoute que l’étude des moeurs, des usages, etc., « confirme l’idée d’un mélange de
races, » et en cite plusieurs exemples. Mais l’élément ethnique, que Mac-Gillivray et M. Moresby appellent
Malais, et qui a paru à M. d’Albertis et à M. Stone se rapprocher à bien des égards du Polynésien (3),
dominerait franchement à l’Est de Hood-Point. C’est probablement à l’intervention de ce dernier élément
que sont dues*, en partie, les variations considérables que l’on observe dans la collection crânienne faite
par M. Comrie à bord du Basilisk lors de sa dernière croisière.
A s’en tenir simplement aux chiffres moyens que fournissent les pièces des deux sexes, recueillies par
ce chirurgien le long des côtes S.-E. de la Nouvelle-Guinée (4), les différences crâniennes seraient aussi
peu sensibles que le croit M. Comrie, du détroit de Torrès au cap Est. Un peu moins de volume, et des
proportions un peu moins allongées, voilà tout ce que l’on constate en comparant les diamètres et les
indices crâniens de la collection du Basilisk avec ceux des dix-neuf pièces du détroit de Torrès et de ses”
côtes'septentrionales décrites précédemment. En passant de cette dernière série à l’autre, on voit le diamètre
antéro-postérieur descendre de 0“,180 a 0m,172, mais, en même temps, le transverse maximum de-
0m,130 tomber au-dessous de 0“,127, et l’indice de 72,38 s’élever seulement à 73,40. A la face les différences
sont déjà plus accusées, la largeur, par exemple, mesurée par l’écartement des arcades zygomatiques,
se réduit à 0™, 121, l'indice nasal descend à 52,24, etc.
Mais les variations s’accentuent bien davantage quand on entre dans l’étude détaillée de chaque
pièce prise isolément. On voit alors se manifester quelque chose de comparable à ce que nous avons
trouvé en analysant la collection de Kordo (5). Trois crânes s’écartent tout d’abord des douze autres
d’une manière fort sensible par la diminution de leur longueur, l’augmentation de leur largeur, et l’élévation
de l’indice qui de 72 environ qu’il est en bloc pour les douze crânes dolichocéphales ou sous-dolichocéphales
monte pour ces trois têtes sous-brachycéphales à 80,60, sans aucun intermédiaire. Ces têtes
voient en même temps leur hauteur diminuer au crâne, où elle tend à égaler la largeur, et à la face, dont
les dimensions .transverses ne changeant pas, les indices sont beaucoup plus forts. L’indice nasal, par
exemple, de 51,06 qu’il a chez les douze dolichocéphales s’élève à 56,81.
On pourrait encore établir, mais avec moins de netteté, entre les douze crânes du S.-E. de la Nouvelle-
Guinée, qui conservent bien accusée l’empreinte Papoua, des distinctions nouvelles. En effet, au milieu
d’individus dont les mesures semblent correspondre à des apparences semblables à celles des Papouas
(1) <f. Mac Gillivray, Narrativeof the Voyage of H. M. S . Rattlesnake. London, 4852:, in-8°, vol. I, p. 275-277, 286.
(2) J. Moresby. Op. cit., p. 139, 157, 176, 202.— Cf. O. C. Stone. Description of the Gountry and Natives of Port Moresby and
Neighbour hood (The Journ. of the Roy. Geogr. Soc. of London, vol. XLVI, p. 40, 1876),
- (3) L.-M. d’Albertis. Letters to G. Bennett on New-Guinea (The Sydney Moming Herald. December 21, 1875).
(4) J- Comrie. Anthropological Notes on New-Guinea (The Journ. ofthe Anthrop. lnstit., vol. VI, p. 102-103).
(5) Voyez plus haut, p. 205.
précédemment examinés, on en trouve qui s’en écartent considérablement à certaiçs égards, et principalement
par une sorte de compression latérale de la face tout entière, et du nez en particulier, compression
dont nous retrouverons des exemples parmi les populations mélano-polynésiennes et mélano-microné-
siennes. Aussi voit-on, dans cette série plus que dans aucune autre, osciller énormément l’indice nasal
qui descend parfois à 44, pour monter à 58.
M. Comrie a cru pouvoir tirer dé l’amplitude de ces variations un argument sérieux contre les idées
formulées par M. Broca à la suite de ses études sur l’indice nasal (1). Nous y voyons toute autre chose.
Les modifications considérables dans la forme du squelette du nez que signalent les tableaux de
M. Comrie, et qui, tantôt, coïncident avec d’autres manifestations anatomiques similaires, tantôt au contraire
se heurtent'à des modifications inverses venant juxtaposer sur le même sujet des traits disharmoniques,
nous semblent devoir s’interpréter de la même façon qu’ont été interprétées les différences constatées
à ce point de vue entre les deux séries de Néo-Calédoniens distinguées par M. Bourgarel. La
crâniologie, loin de fournir, comme le pense M. Comrie, des arguments contre l’idée d’un métissage
Papoua-Polynésien dans le sud-est de la Nouvelle-Guinée, se montrerait donc favorable à une assimilation
des phénomènes ethniques qui se sont opérés dans cette région, à ceux que l’on a constatés à la
côte orientale de la Nouvelle-Calédonie, aux îles les plus méridionales de l’archipel Salomon, aux îles Viti
et jusqu’au coeur de la Micronésie (2).
Crânes de Massims de la Louisiade, Muju, etc. (fig. 249). — Le peu que l’on sait des Papouas des
îles de la Louisiade qui terminent au S.-E. l’archipel Néo-Guinéèn, permet de supposer qu’ils présentent
un mélange comparable à celui dont il vient d’être question en dernier lieu. La race qui prédomine paraît
bien être Papoua, ainsi que le montre l’examen de la seule tête rapportée jusqu’à présent, mais Labil-
lardière avait déjà distingué deux types parmi les naturels du groupe de Bonvouloir (3), et les naturalistes
du Rattlesnake ont pu constater que les insulaires de l’île du Cochon (Pig Island),, présentent également
des variations considérables dans leurs caractères extérieurs. Mac-Gillivray (4) parle, entre autres, d’un
personnage de cette île, « l’homme rouge »,. comme il le nomme, à cause de sa peau d’un jaune brunâtre
clair, dont il décrit en particulier le front étroit et fuyant, comme s’il avait été artificiellement déformé, et
1-occiput large et proéminent. Ce sujet lui avait paru d’abord appartenir à une autre race, mais il en a retrouvé
depuis les traits céphaliques chez d’autres individus se rapprochant à certains égards des véritables
Papouas. Divers documents, recueillis par le même observateur à l’île Brierly, dans le même groupe, font
connaître d’autres affinités remarquables de certains indigènes de la Louisiade avec les races jaunes du
Pacifique, et les montrent s’écartant dans la même mesure des Papouas du détroit de Torrès (5).
Ils sont cependant en majorité de sang Papoua, et le seul crâne que l’on ait rapporté jusqu’ici de leur
Archipel paraît offrir la plupart des caractères détaillés ci-dessus. Ce crâne, recueilli par M. Comrie à l’île
Teste, cube 1370cc. Ses diamètres longitudinal et transverse mesurent respectivement 0m,180 èt 0m,129,
et 1 indice que l ’on tire de leur comparaison est de 71,66. Le diamètre vertical, qui est un maximum pris
suivant les procédés de M. Busk, est trop grand par rapport à notre diamètre basilo-bregmatique (0“ , 136) ;
il n’en montre que plus manifestement la prépondérance relative du développement en hauteur. Ce crâne
se rapproche d’ailleurs par tous ses autres traits des vrais Papouas, et l’on ne trouve à noter de spécial dans
son ossature que l’effacement de ses arcs zygomatiques.
(1) Comrie. Loc. cit., p. 103.
(2) 11 n’y a là qu’une confirmation de règles plus générales sur lesquelles l’un de nous a insisté depuis longtemps et à diverses
reprises (A. de Quatrefages, Rapp.cit., p. 428 et 450, et Rev. scient., 1871)’ p. 613.)
(3) Labillardière. Op. cit., t. II, p. 276.
(4) J. Mac Gillivray. Narrative ofthe Voyage'of H. M. S. Rattlesnake, commanded by the late Gaptain Owen Stanley, etc. Vol. I,
p. 189 n. London, 1852, in-8°.,_, ,?
(5) Id. Ibid., p. 232-233.