De Grandpré (1), Marsden, Boyce (2), Prichard (3) avaient signalé des affinités entre les langues des Nègres
du Congo et celles qui se parlent chez les Noirs de la côte Orientale. M. Eugène de Froberville (4)
a démontré devant la Société ethnologique de Paris, par des
rapprochements fort nombreux, la parenté ethnologique qui
résulte des ressemblances étroites de- ces langues entre les populations
de l’est et de l’ouest de la région sud équatoriale Africaine.
Une carte, publiée par le même voyageur en 1851 (5),;;
permet de saisir d’un seul coup d’oeil les liens qui rattachent les
Ostro-Nègres aux Congos, etc.
M. de Froberville ne s’est point contenté des comparaisons do
cet ordre. Il est parvenu à former une collection de soixante
bustes, moulés et peints d’après nature, représentant des sujets
typiques de la plupart des peuples qui vivent entre les Gallas et
les Cafres, de la côte aux grands lacs (6). Quelques-uns de' ces-
bustes, par le développement relatif de leurs dimensions transversales,
leur prognathisme peu accusé, etc., sé rapprochent des
Congos et des Loangos. C’est surtout chez les Maravis et les
Wa-Dhiaoa que se remarquent ces caractères physionomiques (7),
qui ne se rencontrent point d’ailleurs d’une manière constante
chez. eux. Dumoutier a fait des observations semblables chez les Nêgfës du Mozambique importés-à
Bourbon (fig. 306).
Tous ces peuples sont extrêmement mélangés. Les variations que présentent les individus dont
M. E. de Froberville nous a conservé les traits dépassent même tout ce que donnait à supposer la lecture
des descriptions très sommaires publiées jusqu’à présent sur les Nègres équatoriaux.
Ch a p it r e X. — Ra c e s N o u ba e t K a n o r i .
§ i . — Historique.
Les Noubas, qu’il ne faut pas confondre avec les Nubiens (8), sont des Nègres d’un type spécial qui habitent
une partie du Soudan et surtout le sud du Kordofan, les montagnes du Bertha, le Takalé, etc. Leur
histoire est fort ancienne, mais très-courte. Mentionnés pour la première fois par Eratosthène, comme
une grande nation de Lybie, indépendante des Éthiopiens, et formant de nombreux royaumes (9), les-
(1) D e Grandpré. 0p. cit., t.1 , p. 223.
(2) Marsden, ap. Tuckey. 0p. cit., t. II, p. 303-305.. — B oyce. Introduction to James Archbell’s Bechuana Grammar. Graham’s
Town, 1837, in-8°, p. xv-xvi.
(3) J.-C. P richard. 0p. cit., vol. II, p. 315.
(4) E. de F roberville. Analyse d’un mémoire sur les langues et les races de VAfrique Orientale au sud de l'Équateur [Bull. Soc. Ethno-
log. de Paris, 1.1 , p. 90-99,1846).
1852)ÏD synoptique indi9uant la parenté analogique des langues de l’Afrique méridionale (Bull. Soç. de Géogr., 4« série, t. III,
(6) M. de Froberville a bien voulu autoriser la reproduction d’un exemplaire de cette précieuse collection, qui fait aujourd’hui l’un
des ornements de la salle africaine de notre galerie d’Arithropologie.
p ) . Quand vous allez au nord, en pays Cafte, disait déjà L. Martin, vons observez jm passage graduel dans les traits et dans la
teinte des tribus, vers les races noires ou nègres du Congo (W. L. Martin. 0p. cit., p. 289).
(8) Vivien de Saint-Martin. Les Nubæ de la Haute Éthiopie, étude historique et ethnologique {Bull. Soc. de Géogr.. 5° sé rie, t. IV,.
p. 221.1862).. 9
(9) S tbaion, 1. XVII, càp. i (Script. Broeç. Bibl.itS XLVH, p. 6 6 9 ).B M. Vivien de Saint-Martin, dans le mémoire que, non*
Noubas s’étendaient au nord jusqu’au désert de Bahiouda, ou, comme dit Bion (4), jusqu’à huit journées
du pays des Semberritès (Sennaar). Ptolémée s’étant mépris sur leur véritable nom, et les Nobates ou Nou-
bades, race fort différente, étant intervenus activement dès :1e troisième: siècle dans la vallée.du Nil,-on
ottblià les vrais: Noubas, ou plutôt on les xonfondit avec les nouveaux-.venus :sous une appellation commune
que tes Arabes firent passer dans l’usage habituel, et qui a- été-;le point de départ du terme Nubiens
des géographes modernes. Les choses:«! sont maintenues telles, quelles jusqu’au jour oh. Bruce a appris
qu’il existait un pays appelé Nouba, et consacré quelques lignes de son récit à la courte description d un
groupe de Nègres, de cette contrée qu’il rencontra au:Sennaar:(2).-. h-, ■’ •: ' .
Les voyageurs européens entrèrent bientôt en-communication plus intime avec les Noubas. Burckhardt,
en 1814, en fit nne petite description assez vague pour donner à croire que cè peuple offrait des caractères
intermédiaires à-ceux des Nègres: et des Berbères ou des: Arabes- Mais Rüppel et Russegger qui, en 1824
et en 1837Ç visitèrent.le Kordofan, ont montré que le portrait tracé par Burckhardt s’appliquait seulement
aune partie des Noubas et non pas à tous (3). .Ceux des plaines centrales, et du nord semblent bien être,
en-effet, des métis; maisîéS vrais Noubas indépendants des montagnes du snd forment une race nègre
spéciale, dont les traits: extérieurs, mis en lumière par les auteurs que nous venons de citer et quelques
autres qui les ont suivis, offrent un ensemble de caractères dans .l’analyse desquels nous ne pouvons entrer
ici, mais qui s’accordent avec ceux que leur ostéologie a depuis fait connaître.
Les seuls documents .anatomiques1 publiés jusqu’ici sur ces Noubas sont contenus dans le mémoire de
M. Alex. Ecker .sur les crânes du nord-ouest de l’Afrique, imprimé'.A Francfort sur le Mein, eu 1866 (4)-.-
Nous avons été:assez heureux pour pouvoir nous procurer quelques nouveaux matériaux descriptifs,
dont nous allons combiner l’étude à celle des types de la oollection Bilharz, : en commençant .par les
Noubas proprement dits:,, pour passer ensuite suért&sivement en revue les autres: grimpes de même race,
‘Fertits, Haoussas, etc.
Nous terminerons: ce chapitre par l’examen des: rares documents que l’on possède sur la race Kanoj||i
dont les peuples s’interposent aux tribus Noubas et HaoUssa, et qui, autant qtSÉnous en pouvons juger,
sont aussi des mésaticéphales.
§ 2. — Description.
Crânes de Noubas proprement dits; .— Les dessins et les descriptions de M. Alex. Ecker montrent
que les1 d e u x c r â n e s , -’Noubas (5 ); du Musée de Fribourg ien Brisgau sont mésaticéphales, avec des
indices de 78,6'$|dtia. p. 0*,178; d. tr. max. 0", 140) et de 77,84 (d. a. p. 01“, 176 ; d. tr. max. 0“,13^j,
et que leur diamètre vértical est fort inférieur au transverse. Leur front bas et fuyant se porte en arrière
venons de citer, montre que, d’après Ératôslhène, ils dovaient VcÙuper, au moins en partie, te désert actuel de Bahiouda, dans la
grande oourhe que décrit le Nil, au-dessons du confluent de l’Atbara.
(1) , P lin, Lib. VI, ç. 35. ; .. .
(2) Bruce. Travelsto discover the source of the'Nile. Edimburgh, 1790, ih-4°, vol. IV,‘j i 420. . . . n i e »
1 ‘ JJ B orckh'ardt. Traveîs in Nubta, p.‘ 57S.B--.Bbï R omel. M x m K iM s n , Urdofan, iiM An Pefmftctoi Aro6.cn. Prankf. a. M.
1829 in-8°, s. 141. — Russegger. Reise in Egypten, Nubien und Ost-Sudan, 2 Th. Stuttgart, 1844, H H 9 1^0.
(*)’Al. Ecker. SehMelNmiostafliltmischtr VSUer w ? dm Vfm Trof. Bilharz in Caire U M m t Sammbmg {Abhandl. des Senehenb.
Gesellsch. Bd VI. s. — Frankf. i. M. 1866, , ' I ' _ .. | H H - ,V> JJ . ,
(5) De ces deux crânes, l’un a appartenu à un sujet dont la suture sphéno-basilaire était encore ouverte, e on es en s e
sagesse n’avaient point encore émergé, l’autre est un crâne d’adulte. Ils se ressemblent d ailleurs très étroitement.
Voit» leurs mesures, comparables aux nôtres, que donne le Catalogue tout fraîchement imprimé du musée de Fribourg.
N - 18. Càp. cràn., 1260«. Cifc. hdriz., 0»,470!;D: a. 0 0«,178; tr. max.,0-,t40;:vèrtic. (mai.) 0-,W5; nas.bas,, 0»,100; courb.
front., 0“ ,120; par., 0“ ,120 j oie-J/0-,110. Ind. céph., 78,6, Bas:, 88,1. H
N» 19.!Cap. crân., 1260“ . Cire. hoHz„ D-,490. D. a: p., 0-.176; tr. max.:, 0»,I37.; vertte. (max.) 0-,131 ; nas. bas.,.0-,1^courir-
frdnt 0“,120 : par., Ôm,120 ; detâj O^ylOO: Ind. éépb:, 77(8, nàs., 59,1.
Nous ajournons l’examen d’un crâne de la même collection (n«20) qui est-dit celui d’ûn Nonba Fazogl, et dont noos parlerons
plus loin à propos des vrais nègres.