sur le Séniavine, rencontrait le premier’des Papouas en Micronésie (l),:où quelques années plus tard Y Astrolabe
et la Zélée, puis la Danaide allaient de nouveau constater leur existence.
Tandis que les Français et les Russes faisaient, pour le plus grand avantage de la science, ces divers
voyages de découvertes, les Hollandais multipliaient dans un but moins désintéressé leurs explorations à la
côte occidentale de la Nouvelle-Guinée, autrefois reconnue par Pool, Keys, etc., et qu’ils annexaient à
leurs possessions Malaises.
Kolff, sur le Dourga, Bastiaansee su rl’im , Modéra à bord du Triton, Kool à bord du Postillon, etc.,
ont tour a tour visité de 1825 a 1835 les terres qui s etendent depuis le Baaik jusqu’à l’îlè Frédéric-
Henri, et les résultats scientifiques de ces voyages sont consignés en majeure partie dans un splendide
ouvrage publié de 1839 à 1844 par une commission Néerlandaise. On trouve entre autres dans cette grande
publication des renseignements intéressants et étendus, rédigés par S. Müller (2) sur les Papouas du détroit
de la Princesse Marianne, de l’Outanata, et surtout de la baie du Triton; trois crânes de la tribu de
Lobo y sont rapidement décrits v(3).
La mission de l'Astrolabe et de la Zélée, dont nous avons déjà eu l’occasion de signaler le rôle si important
dans l’histoire de l’anthropologie océanienne, ne procura pas seulement des documents sur cette même
tribu. Les collections anthropologiques de ce voyage, en partie publiées dans le grand atlas souvent cité
plus haut, ont fait connaître la morphologie céphalique jusqu’alors inconnue des Papouas du détroit de
Torrès, des Alfourous de la Nouvelle-Guinée, des Salomoniens, de certains Noirs de la Sonde et de la Micronésie,
enfin des insulaires des Viti (4), que Wilkes, H. Haie et Pickering allaient à leur tour longuement
étudier durant le voyage du Vincennes (5). Les Papouas du détroit de Torrès ont été de nouveau l’objet de recherches
scientifiques pendant les croisières du navire anglais Fly, de 1842 à 1845 (6), et Jukes, naturaliste
de l’expédition, apu rapporter au collège des chirurgiens de Londres une collection crâniologique intéressante.
Le voyage du Battlesnake fournit à Mac-Gillivray (7) l’occasion de comparer aux habitants de ces îles ceux
qui peuplent une partie du Sud-Est de la Nouvelle-Guinée et de l’archipel de la Louisiade, et de signaler
entre les deux populations dés différences très-sensibles qui ont, du reste, attiré de nouveau l’attention
des récents explorateurs de cette région nouvelle (8).
(1) Fr. Lutke. Voyage autour du monde sur la corvette le Séniavine, durant les années 1826, 1827, 1828 et 1829. Partie historique.
T. H, p. 25,66, 67. Paris, 1835, in-8°. — Cf. H . von K ittlitz. Denkwûrdigkeiten einerReise nach dem Russisches Amerika, nach Mikro-
nesien und durch Eamtschatka. Gotha, 1858, in-8°. T. II, p. 70?
(2) S. Müller. Bijdragen tôt de Kennis van Nieuw-Guinea ('Verhandelingen over de Natuurlijke Geschiedenis der Nederlandsche overze-
esche besittigen door de Leden den Natuurkundige Commissie in Indie en andere Schrijvers. — Land en Volkenkunde: Leiden, in-f®, 1839-
1841, p. 39, 44, 55, etc., et pl. Y à VIII). — Cf. Kolff. Voyages of the Butch brig of war Dourga through the southern and little known
parts of the Moluccan archipelago and along the previously unknown Southern Coast of New Guinea, trad. angl. London, 1840, in-8®
(l’édition originale est de .1828), — Modeba. Verhaal van eene Seize naar de Zuid-West Kust van Niew Guinea. Haarlem, 1830, in-8®,
passim; — etc. — On trouvera une analyse de ces travaux en anglais dans l’ouvrage souvent cité de G.-W. Earl (ch. II et suiv.) etune
autre en français à la fin du troisième volume de l’o u vrage de Temminck (Temminck. Coup dloeil sur les possessions Néerlandaises dans
l’Inde Archipélagique. Leiden, 1849, in-8°).
(3) S. Muller. Lob. cil.-, p. 64-65 n. — A cette série d'explorations S8 rattache encore celle bien .postérieure du schooner CM dont
on récit détaillé a été donné par M. DaBruijnKops. Ce texte publié en hollandais a .été traduit en, anglais dans le journal de logon.
G.-F. ne B rouh Kors. Contributions to the knowledge o f the north and, East Coasts of NewrGuinm (The Journ. of the Ini. Archipel, and
East Asia, vol. VI, p. 303-348, 1852).
(4) D umont d’U rville. Voy. cit. Anthrop. Atlas, pl. 4, 5, 6, 7, 11,112, 16, 33 à 35, 37 e t 38.
(5) Ch. W ilkes. Narrative of the United States exploring expedition during the years 1838-1842, vol. I ll, passim. Philadelphia, 1844,
in-4®. - H . Hale. Ethnography and Philology {Ibid. vol. VI, p. 47, 1846, in-4»). - Ch. P ickering. The Races of Mar (Ibid., vol. ix ’
p. 47-69j 1840, in-4®).
(6) J.-B. J ukes. Narrative of the Surveying Voyage of H. M. S. Fly commanded by Cdpt. Blackwood... during the years 1842-1846.
London, 1847, in-8®, vol. I, passim, vol. H, ch. IX.
(7) Mac-Gillivray. Narrative of the Voyage ofH. M. S. Rattlesnake commanded by the late Capt. Owen Stanley during the years 1846-
1850, London, 1,852, 2 vol. in-8®. - , > J y 9
(8) J. Moresby. Discoveries and Surveys in New-Guinea and the d’Entrecasteaux Island. London, 1876, in-8®.
Les nombreux écrits dont nous venons de dresser la liste sont habituellement consacrés à des descriptions
spéciales plus ou moins étendues et plus ou moins précises. Leurs auteurs s’élèvent pourtant quelquefois
à des considérations d’un ordre plus élevé, et l’on en voit plusieurs discuter des questions générales, parmi
lesquelles figurent au premier rang l’étude des relations de parenté' qui existent entre les diverses populations
noires qu’ils ont vues en Océanie, et l’examen de leurs rapports avec les peuples polynésiens et malais.
Forster le père, par exemple, s’attache à distinguer parmi les insulaires des mers du Sud qu’il avait
vus, deux races qui correspondent à nos races Polynésienne et Papoua, et sépare la dernière de l'Australienne;
considérée comme absolument différente (1). Forrest, Labillardière, Quoy et Gaimard, Lesson,
Mac Gillivrây, etc., tentent, avec plus ou moins de bonheur, de décomposer le groupe. Papoua, encore
beaucoup trop complexe et qui ne se présente pas avec une suffisante homogénéité.
Et cependant Earl, qui dans un petit volume resté justement célèbre s’est efforcé de coordonner, pour
la première fois, les matériaux recueillis avant lui sur une partie des Papouas (2), revient en 1853 au
système de Forster. Nous avons déjà dit que tout Nègre océanien était pour Earl un Papoua, quelle que
fût sa provenance, et qu’il ne distinguait, comme son célèbre devancier, dans cette partie du monde que
deux races noires, la race Papoua et la race Australienne. Mais Forster n’avait connu ni Tasmaniens ni
Négritos, ou du moins ce qu’il avait vu de ce dernier groupe ne pouvait lui laisser dans l’esprit rien de
bien arrêté (3). De nos jours, au contraire, l’ethnologie de cës races est assez largement étudiée pour que
leur séparation s’impose aux anthropologistes, et l’un de nous a depuis longtemps donné avec détail les raisons
qui militent en faveur de cette distinction (4). Le nom de Papoua doit donc se restreindre aux tribus
qui peuplent la plus grande partie de la Nouvelle-Guinée et des îles voisines, en y comprenant quelques
points des Moluqueset de la Sonde, quelques îles de la Micronésie, la Nouvelle-Bretagne, etc., les îles Salomon,
l’archipel Santa-Cruz, la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-Hébrides. La même race fait le fond
de la population des îles Viti ou Fidji. Enfin elle a contribué dans une limite assez restreinte au peuplement
de l’archipel de la Nouvelle-Zélande et a fourni un certain nombre d’éléments ethniques à Madagascar. •
M. C. E. de Baër a cru pouvoir réduire encore l’aire de la race Papoua, en constituant sous le nom
d’Alfours un groupe ethnique distinct, comprenant principalement les populations montagnardes de la Nouvelle
Guinée (5). C’était renouveler, jusqu’à un certain point, les conceptions de Lesson, critiquées ci-
dessus. Les documents recueillis par les voyageurs depuis la publication de M. de Baër n’ont point du tout
confirmé ses idées sur l’ethnologie Néo-Guinéenue, que Wagner avait, du reste, presque aussitôt combattues,
et lës Alfours de la Nouvelle-Guinée sont confondus aujourd’hui par presque tous les ethnologues
avec les autres Papouas de la même race.
M. C. E. de Baër n’en a pas moins rendu pour cela un signalé service à l’histoire naturelle de l’homme
en publiant le premier une monographie un peu détaillée des crânes Néo-Guinéens. On ne connaissait,
en effet, en 1859, en dehors des travaux mentionnés plus haut de Lesson, de S. Müller, de Dumoutier et
de M. Blanchard et des généralités que contient l’ouvrage de Prichard (6), qu’un très-petit nombre de no-
(1) Forster père. Observations faites pendant le second voyage de M. Cook dans l'hémisphère austral et autour du. monde, trad. fr. Paris,
1778, in-4®, p. 217-222. — C’est de la classification adoptée par Forster que sont sorties à peu près toutes celles que l’on a résumées
dans les ouvrages didactiques du commencement de ce siècle. Malle-Brun et Dumont d’Urville presque seuls ont conlinué à confondre
les Australiens et les Papouas.
(2) G.-W. Earl. The native Races ofthelndian Archipelago. Papuans. London, 1853, in-8®.— Cf. Otto Finsch. Neu-Guinea und seine
Béwohner. Bremen, 1865, in-8®.
(3) Les seuls individus, vus par Forster, qui pourraient se rattacher à ce groupe, seraient ceux des Nouvelles-Hébrides. Nousavons-
précédemment exprimé notre pensée sur cette assimilation (p. 210).
(4) A. de Quatrefages, Nègres asiatiques et mélanésiens (Gazette médicale de Paris, 1862).
(5) G. E. von Baer. Crania selecia, etc., p. 6-14. — 1d. Ueber Papuas und Alfuren (Mém. Acad. Imp. des S c . de Saint-Pétersbourg.
6® série, Sc. Nat. T. VIII, 1859).
^ x (6) P richard. Op. cit., vol. I, p. 298.
Quatrefages et Hamy. 31