constater des différences bien moins étendues entre les contours c et a de la seconde, qu’entre ceux qui
dans la première portent ces deux mêmes lettres.
Le crâne n° 2 de Grenelle est donc très-voisin de celui de Cro-Magnon n° 2; et comme il est bien moins
mutilé, nous l’avons choisi pour en donner la figure de grandeur naturelle. Notre planche VI, qui le montre
de profil, met en évidence les caractères ethniques et sexuels signalés ci-dessus dans notre description de
la femme de Cro-Magnon. On y peut voir fout ensemble l’atténuation des caractères dus à la race, et de
ceux que l’influence sexuelle amoindrit.
A tout ce que nous avons signalé dans les pages que l’on vient de lire, s’ajoute la morphologie d’une
base, moins mouvementée sans doute et moins robuste, mais dont les lignes rappellent fort bien celles
si caractéristiques des sujets masculins de la Vézère., La mâchoire supérieure est aussi plus complète. La
superposition des normes verticales (fig. 81 c) fait voir que le prognathisme est plus accentué sur le sujet
de Grenelle dont toutes les courbes faciales débordent en avant les lignes correspondantes de celui de
Cro-Magnon. Les orbites sont moins développés en dehors et sensiblement plus hauts pour leur largeur.
Le centre de la face a peu varié.
Les mâchoires portent deux magnifiques rangées de dents admirablement plantées, quoique leurs
racines soient généralement courtes, et qu’elles soient un peu saillantes. Ces dents dont les caractères nous
sont connus par les descriptions données plus haut, sont usées conformément aux règles que nous avons
posées. Nous n’y voyons de spécial à mentionner que la bifidité de la canine inférieure gauche, fort aplatie
latéralement et portée sur deux racines parfaitement distinctes. On a déjà mentionné cette disposition sur
les alvéoles canins de la mâchoire de Smeermass (p. 78).
La mâchoire inférieure de Grenelle, à laquelle il ne manque que la moitié postérieure de la branche
montante gauche verticalement brisée, permet d’étudier complètement les formes féminines de cet os
dans notre seconde race quaternaire. Les formes générales déjà signalées et figurées dans le sexe masculin
se reconnaissent bien encore chez la femme, mais elles sont singulièrement adoucies. Les branches
horizontales sont toujours divergentes, mais leur jonction est moins anguleuse. En même temps la saillie
mentonnière est beaucoup moins accusée, quoique l’angle alvéolo-mentonnier s’ouvre seulement un peu
plus (114°). L’os est encore robuste et épais surtout en arrière, et porte des insertions musculaires bien
accusées, qui circonscrivent un menton triangulaire dont la pointe est relevée en avant, comme le montre
notre planche VII. La face interne rappelle celle des sujets mâles, un peu atténuée toutefois. Enfin
la branche montante reliée à l’horizontale sous un angle de 68° par un fort bourrelet massétérien moins
étalé que sur les sujets masculins les plus accentués, se fait toutefois remarquer encore par ses dimensions
en largeur supérieures à celles des sujets masculins de nos races françaises actuelles dont elles atteignent
presque le maximum. La largeur transverse moyenne des sujets parisiens mâles mesurée par
M. Broca est de 0m, 033 environ avec un maximum de 0“, 040 ; cette même mesure sur la femme de
Grenelle atteint 0“, 0385. La largeur oblique des mêmes maxillaires parisiens est de 0m,0355, supérieure
par conséquent a la largeur transverse; sur la femme de Grenelle, comme sur les hommes de même race,
cette dimension reste inférieure à la dimension transversale; elle est de 0m, 037. 11 y a un talon rudimentaire;
l’angle postérieur, moins arrondi qu’à l’ordinaire, est un peu extroversé. L’apophyse coro-
noïde est forte mais courte, la courbe sigmoïde peu profondément découpée, enfin le condyle porté
sur un col court et épais est robuste et fortement convexe.
Crâne de Grenelle, n ° 3. — Les figures 80 et 81 montrent les relations de courbures de cette voûte de
crâne avec les précédentes. On voit qu’elle s’en écarte peu dans son profil comme dans la vue d’en haut.
Elle est seulement un peu plus fuyante en avant et un peu plus élevée. Sa courbe antéro-postérieure
(fig. 80 2?)extérieure à celles des deux autres crânes féminins auxquels elle est superposée, leur devient
intermédiaire un peu au-dessus du lambda. Sa courbe horizontale suit de très-près celle du crâne féminin
de Cro-Magnon, qu’elle déborde un peu dans la région pariétale pour en être débordée en arrière à
l’oCciput. Nous renvoyons à notre tableau VII pour l’étude de toutes les mensurations.
Crânes féminins de Solutré (fig. 86).g|p II nous reste à rapprocher des descriptions qui précèdent
cellés des crânes féminins trouvés à Solutré par
MM. Ducrost et de Fréminville, dans des condjr.
tions de gisement qui les mettent à l’abri de toute
espèce de critique. Le premier de ces crânes,
déposé au Muséum d’Histoire Naturelle de Lyon,
est incomplet et en mauvais état comme le crâne
masculin de la même collection. Ni l’une ni l’autre
de ces têtes ne se prête à des mesures précises.
Constatons cependant leur dolichocéphalie
considérable, et observons que les quelques renseignements
fournis par M. Lortet sur les maxillaires
(1) concordent d’une manière assez satisfaisante
avec ceux de la plupart de nos. descriptions
antérieures.
Le crâne féminin trouvé sur un foyer dans le
village de Solutré par M. de Fréminville, et qui
porte le n° 2 de sa collection, est beaucoup plus
intéressant. Sa ressemblance avec les autres crâ- lf>g- S6. — Crâne féminin de Solutré (vu de profil ‘/a grand. Coll.
• .. I ■ .• I I - , , •nés féminins que nous venons d ex ■'a. m ine r, av1 ec : de Fréminville. n° 2.)
le n° 2. de Grenelle en particulier, est extrêmement frappante. Il serait fastidieux de refaire à son propos
toute l’anatomie féminine que nous venons d’exposer dans les pages qui précèdent. Ce sont les mêmes
contours et les mêmes proportions, les mêmes accentuations musculaires et les mêmes anomalies d'ossification
postérieures. Le dessin diagraphé ci-contre (fig. 86) et les chiffres de nos tableaux VII et VIII
(p. 88 et 89) suffiront, nous l’espérons, à démontrer que cette belle pièce est en relations intimes de formes
et de dimensions avec celles dont l’étude précède.
Les analogies que nous indiquons se poursuivent jusque dans les moindres détails. Pour n’en mentionner
qu’un seul, nous ferons observer que les deux canines inférieures de la femme de Solutré sont
bifides comme la canine inférieure gauche du sujet n° 2 de Grenelle. Cette anomalie que le fossile de
Smeermass nous a déjà présentée (2), et dont nous connaissons trois exemples, par conséquent, dans la
race de Cro-Magnon, est beaucoup moins fréquente aujourd’hui. M. Magitot ne la croit pas aussi rare
que le donne.à penser le silence de la plupart des auteurs (3).; il a trouvé dans les collections de M. Tra-
mond une vingtaine de canines à deux racines sur deux mille, une pour cent par conséquent (4). La
proportion serait, d’après nos observations, de douze pour cent environ dans la race de Cro-Magnon ; la
valeur exacte de ce caractère nous échappe encore.
(1) D ucrost et Lortet. Op. cit., p. 32-33 et pl. I, IL — Suivant M. Lortet, les mesures de l’homme seraient les suivantes : a. p.
°m *98, d. tr. 0m 133, d. vertical (?) 0m 100, larg. aux pommettes, 0m 120. Pour la femme on trouverait : d. a. p, 0m 197, d. tr. 0m 132
d. vert. (?) 0m 110, larg. aux pommettes, 0m 100.
(2) Voyez plus haut, p. 78.
(3) Soemmering avait rencontré cette anomalie qu’il indique en passant dans son ostéologie (Traité d'Ostéologie, trad. fr. de VEn-
cyclop. Analom., p. 72. Paris, 1843, in-8°), mais certains auteurs spéciaux, M. Tomes entre autres, dont on vient de traduire la
Chirurgie dentaire, se taisent complètement à ce sujet. M. Prüner-Bey et M.. Broca, qui ont étudié de près, un fort grand nombre
de pièces, n’ont recueilli ensemble que quatre observations de canines inférieures bifides. Nous en avons sous les yeux d’autres en
petit nombre et de races variées, dont il sera fait mention au cours de cet ouvrage.
(4) Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2° série, t. IX, en préparation.