n’a rien pris à l’art Égyptien de son goût si décidé pour l’ethnographie. 11 traite alors la figure humaine
suivant un type uniforme et voulu, type national qu’il répète indéfiniment dans les nombreuses figures
de Khorsabad et de Nimrud. Ce n’est qu’à une époque plus récente, qu’entraîné par son génie réaliste
et désireux d’ajouter à l’exactitude des pages historiques dont il orne les murailles des palais de
Koyundjik, l’artiste Ninivite s’efforce de rendre avec quelque fidélité
le type des races que la sienne a vaincues et subjuguées. Il s’inspire
rarement dans cette anthropographie des modèles Égyptiens,
il copie directement la nature avec sa rudesse habituelle, mais avec
assez de vérité, pour qu’il ne soit pas très-malaisé de distinguer
dans son oeuvre, quoi qu’en ait dit M. Beulé (1), des types ethniques
assez divers, et tout aussi remarquables aux traits de leur visage
qu’à leurs vêtements ou à leurs armes. Ces types ne- sont ni aussi
nombreux ni aussi nettement tranchés que Nott et Gliddon l’estimaient.
Nous ne croyons pas, pour notre part, pouvoir attribuer,
avec ces auteurs, telles ou telles représentations du type Sémite
aux' Juifs, aux Élamites, aux Arméniens (2), etc. 11 nous paraît,
comme à M. G. Rawlinson (3), que « le front droit, mais peu élevé,
le sourcil fourni, l’oeil large et en amande, le nez aquilin. un peu épais et déprimé en s’amincissant vers
son extrémité, la bouche forte et ferme, avec les lèvres quelque peu épaisses, le menton bien formé... la
chevelure abondante et la barbe ample, toutes deux coloriées en noir », sont des traits communs pour la
plupart aux Sémites en général, et ne peuvent pas servir à distinguer parmi les peuples de cette race des
groupes particuliers. Mais à côté de ce type général, commun aux races sémitiques, nous trouvons quelques
autres types bien tranchés, un type babylonien et un type Susien (4), par exemple, déjà distingués
par le savant auteur de l’histoire des grandes monarchies orientales. Nous croyons pouvoir y ajouter
avec certitude le type grec que des troupes auxiliaires, probablement cypriotes, présentent dans les
bas-reliefs d’Assurbanipal V, et avec plus de réserve un Aryen qui peut être Médique ou Perse, et que l’on
trouve plus rarement dans les monuments de la même époque. Nous avons fait graver très-fidèlement,
d’après les originaux du Musée du Louvre, quatre figures qni donneront une idée fort exacte de l’état des
connaissances des Assyriens du vu® siècle avant notre ère sur les caractères ethniques de la tête. La première
(fig. 176) représente un Assyrien, c’est Asourbanipal lui-même, type très-pur de la race. Au-dessous
de lui est un Babylonien aux traits mongoliques que l’on pourra rapprocher de quelques-uns de ceux que
M. Rawlinson a fait représenter; puis viennent le Grec et le Susien, le Grec, un auxiliaire cypriote (5) avec
les traits bien connus de sa race (fig. 178), le Susien, produit probable de quelque métissage de Kouschite
et de nègre (fig. 179). Ce dernier est plus remarquable encore que celui dont M. Rawlinson a fait l’objet
de ses observations (6). Son nez, relativement plat, ses narines dilatées, ses pommettes saillantes, ses
lèvres épaisses, etc., en font un type de race bien observé et bien rendu.
Les Babyloniens ne sont pas inférieurs aux Assyriens dans les très-rares représentations de leur
type national qui sont parvenues jusqu’à nous. La plupart des sculptures de l’ancien Empire de Chaldée,
fragments de statues ou cylindres gravés, étaient grossières et ne pouvaient offrir qu’un faible intérêt
(1) Beulé, L’art Assyrien (Joiirn. des Sav., 1870, p. 420).
(2) Nott and Gliddon, Types of Mankinds. London, 1854, in-8°, p. 126, etc.
(3) Rawlinson, The five.great Monarchies of the Ancient Eastern World or the History, Geography and Antiquities of Ghaldæa, Assyria,
Babylonia, Media and Persia. London, 2° Ed. 1871, in-8°, Vol. 1, p. 238-239.
(4) Id., ibid., vol. II, p. 499 et 500.
(5) F. Lenormant, La langue primitive de la Chaldée el les idiomes Touraniens. Paris, 1875, iu-8°, p. 385, n 1.
(6) Rawlinson, Op.cit., vol. II, fig. 55.
HISTOIRE DE LA CRANIOLOG1E ETHNIQUE. 153
pour l’étude du type ethnique. Mais l’homme au chien de Senkereh, qui remonte au début du nouvel
empire Chaldéen et le bas-relief du roi Mardouk-idin-akhé, du xne siècle avant notre ère, dont
M. Lenormant vient de publier de fort belles
photogravures (1) nous montrent, reproduits
avec fidélité et dans un style qui se ressent
de l’influence Assyrienne, le type grossier
et le type fin de cette race Accadienne, que
les philologues rattachent presque unanimement
Fig. 178. — Type Grec.
au groupe Ougro-Finnois (2).
L’art Persan, autre dérivation de l’art
Assyrien, a également réussi à rendre les
différents types des races humaines avec
beaucoup de vérité (3). Le grand ouvrage
de Flandin et Coste renferme de nombreuses
et intéressantes séries de types ethniques
très-distincts, parmi lesquels on reconnaît
ceux des principales populations de l’Asie (4).
Ker Porter en a publié d’autres non moins
intéressantes.
On peut voir dans le voyage de Ch.
Texier (5) des figures Saces et Lyciennes
ethnologiquement très-remarquables. On
trouve enfin dans la Péninsule Cisgangéti-
que, sur un certain nombre de monuments
de diverses natures, des représentations plus
du moins anciennes, qu’il est possible de
rattacher à trois types ethniques bien distincts,
celui des grottes d’Elephanta, etc.,
■ ■
Fig. 177. — Type Babylonien.
■
étudié pour la première fois par W. Hunter
Fig. 179. — Type Susien.
et qui semble négroïde (6), celui du temple
Types ethniques tirés du monument d’Assourbanipal V, à Koyoundjik
de Sanchi qui est Touranien et dont nous
(Musée du Louvre.)
devons la connaissance à M. Louis Rousselet (7) ; et le type Aryen des grands monuments brahmaniques.
Il y aurait une certaine injustice à ne pas accorder quelque attention, en terminant cette revue rapide
des monuments antiques, aux ruines Américaines qui nous ont conservé, surtout à Palenqué, une iconographie
si frappante de la vieille race Toltèque (8). Le Mexique a eu aussi son anthropographie, quel-
(1) Lenormant. Op. cit., pl. I et II. — Le dessinateur a complètement travesti la physionomie du roi Mardouk dans le livre de
M. Rawlinson (vol. Il, p. 560). Le paysan, conduisant un chien, est aussi défiguré comme à plaisir, dans les livres de MM. Layard,
Nott et Gliddon. — Nott et Gliddon. Op. cit., p. 527, fig. 251. Layard, Niniveh and Babylon. London, 1867, in-12, p. 302.
(2) E. T. Hamy. Types humains des monuments de Babylone (Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris, 2° série, t. X, p. 34-36, 1875).
(3) Rawlinson. Op. cit., vol. III, p. 165.
(4) Flandin etGoste. Voyage en Perse. Paris, 4840-1841, in-f°, pl. 13, 18, 33, 43-44, 49-52, 95-101, 103-109, ètc., 178, 182,185, 186,
192,205, 225,228.
(5) Ch. Texier. Description de l'Asie Mineure. Paris, 1839, in-f®, pl. 75 et suiv., 132, 228, etc.
(6) "W. Hunter. Description de quelques cavernes artificielles creusées dans le voisinage de Bombay, trad. l'r. Paris, 1793, in-8®, p. 84.
(7) L. Rousselet. L’Inde des Rajahs. Voyage dans l'Inde Centrale et dans les présidences de Bombay et du Bengale. Paris, 1875, gr. in-4°.
(8) De 'Waldeck. Monuments anciens du Mexique. Paris, 1866, in-f°. — Cf. Stephens et Catherwood. Incidents ofTrdvel in Central
America, Chiapas and Yucatan. London, 1854, in-8®, passim — etc.
Quatrefages et Hamy. 20