Blumenbaçh sentit plus vivement què ses prédécesseurs la nécessité , de s'entourer de grandes séries
avant,d’abnrder l’étude de la crâniologie ethnique, dont il fut le fondateur. Il réunit à Goettingue la
collection à laquelle il a laissé, son nom et dont il publia les principales pièces dans sés célèbres
Décades (1), auxquelles nous avons plusieurs
fois déjà emprunté de précieux renseignements.
Cet ouvrage contient près de cent
descriptions de crânes et soixante-cinq planches
in-v-quarto, auxquelles on ne peut adresser
qu’un reproche vraiment sérieux, eu
égard à l’époque et aux conditions dans lesquelles
elles paraissaient, c’est de se présenter
dans des attitudes tellement différentes
que les comparaisons sont extrêmement
difficiles de race à race. Voici, par exemple,
quatre crânes mongoliques tirés par
Roulin de l’oeuvre de Blumenbaçh pour son
édition française de Prichard. Le premier est
vu de profil et un peu incliné, les autres
sont dessinés de deux tiers, de trois
quarts, etc,, si bien que quelques caractères
seulement peuvent être étudiés comparativement
avec fruit. Blumenbaçh n’attachait 4
d’importance sérieuse qu’à sa mrma verti-
caiis qu’il imagina pour suppléer aux imperfections
de l’angle de Camper (2). Il lui
Fig. 184. — Cosaque du Don. Fig. 185. — Mongol.
Quatre crânes mongoliques tirés de Blumenbaçh et présentés dans des
attitudes différentes.
paraissait impossible de ramener à l’ouverture plus ou moins grande d’un angle les caractères si variés
qu offrent les races humaines dans, leur morphologie céphalique, et il préconisa la vue d'en haut sans
en préciser bien exactement les conditions,
parce qu’elle lui permettait d’embrasser d’un
seul coup d’oeil la largeur ou l’étroitesse du
crâne, l’aplatissement et la saillie du front,
la projection en avant de la mâchoire du
Nègre, la projection en dehors des arcs zygomatiques
du Mongol, etc., etc. Blumenbaçh,
s’aidant principalement de cetté norme verticale,
a exposé d’une manière .souvent fort
nette les caractères céphaliques principaux,
characteres primant, de la plupart des races
Fig. 186. — Crâne de Nègre,
Fig. 187. — Crâne de Mongol.
Norma verticalis de Blumenbaçh.
humaines, en y joignant des observations presque toujours fort intéressantes e t ,dont nous aurons
souvent à tirer parti plus loin.
(1) J. F .. B lumenbaçh. Deeas Collectionis suæ craniorum diversarum gentium illustrais. Goettingæ, 1790; in-4°. —Decas altéra etc.
Ibid., 1793. .Décos tertia, 1795 ; guarta, 1800 ; quinta, m S ’yséæta, 1820: Nma Penlas» 1828, vr M. H. von Jhering a publié récemment
cinq piâtfehés de Blumenbaçh. demeurées méditas (I,; F re i Blumentaclm nma Pentes Collectionis suæ mmiomm tdnquam cOimle-
mentu/m pnorum decadum. Goettingen. 1873, in-.4°). .... , . ;; ■ ■■., mm. *• * ™, ib-u:, »«t, wbbwbwhbi tilïtios cramorum depiiendos, p. 203-205. .
Une de cès racés, l’Égyptienne, a même été de sa part l’objet d’une sorte de monographie qui serait la
première par ordre de date à laquelle aient donné lieu les études anthropologiques (1), si Soemmering
n'avait pas publié, dès-1785, le célèbre parallèle du Nègre et du Blanc, qui a inspiré longtemps *les
travaux de même nature (2). Köhler, Ludwig, Rosenmüller furent les premiers disciples' allemands de
Blumenbaçh et de Soemmering (3).- En Angleterre, les premiers représentants de l’anthropologie se
rattachent aux mêmes maîtres. Ch. White leur emprunte les éléments crâniologiques de son mémoire
sur la gradation des animaux à l’homme (4). J. Barclay combine l’emploi des diamètres basilo-coronal,
inio-glabeilaire et inantinial avec celui des angles faciaux qu’il multiplie en en modifiant l’horizontale de
trois manières différentes (5). Il est l’auteur d’un crâniomètre qui, avec le goniomètre de Leach, a été
longtemps en usage en Angleterre (6ÿ. Gibson et Ch. Bell étudient l’équilibre de la tête et s’efforcent
d’eD tirer pour le parallèle des races des conséquences plus ingénieuses que solides, et qu’il est inutile
de discuter ici (7).
Lawrence n’a guère fait que développer Blumenbaçh, au moins en ce qui concerne l’étiide de la
tête (8). R. Owen s’est borné à substituer à la norma verticalis la vue de la base (fig. 188). Enfin Prichard
qui n’a pas donné à i’étude de la tête le rôle prépondérant qu’elle doit être
appelée à jouer dans les recherches ethnologiques, s’est cependant efforcé de
tenir compte des travaux de ses prédécesseurs, et d’appliquer les données
positives dont ils avaient enrichi la science à la diagnose des races. Il a distingué
trois formes principales de crânes humains : la forme symétrique ou ovale,
qui est celle des nations d'Europe ou de l’Asie occidentale ; la forme étroite et
allongée, qui appartient aux nègres ; la forme courte, à face carrée, qui est particulière
aux nations Touraniénnes. Il a de plus introduit dans la science deux
données èssentielles, celle du prognathisme principalement étudié dans les races
noires (9) et celle de la conformation pyramidale considérée comme un élément
ethnologique important chez les Mongols (10). Prichard a enfin donné quelque Flg' m!
attention aux rapports des diamètres crâniens, à la projection des zygoma,
à la capacité crânienne, aux différences de texture et à quelques autres points moins importants de la
crâniologie ethnique (11).
Sans négliger l’ensemble de ces éléments différentiels, Retzius s’est surtout attaché, dans ses
descriptions, à l’étude des diamètres et de leurs rapports. Dans son célèbre mémoire de 1842, p
(1) J. F. Blumenbach. Beyträge zur Naturgeschichte. Th.'Il, Goettingen, 1806, in-18.
(2) Soemmering. Abhandlung ueber die körperliche Verschiedenheit des Negers vom Europæer. Frankfurt, 1785, in-8®.
•. • (3) Rosenmüller a résumé les. travaux de cette école dans sa Dissertatio de singularibus et nativis ossium çorporis humani varieta-
tibus. Lipsiae, 1804, in-4°.
(4) Ch. W hite. An account of the'regular gradation in Man and ih different Animais arid' Vegetables, and from the former to the latter.
London, 1799, in-4°.
|$p j. Barclay. A new anatomical Nomenclature relating to the terms which are expressive of position and ospect in the animal System.
Edinburgh, 1803, in-8°. — Le diamètre basilo-coronal de Barclay va du menton au vertex, Pinio-glabellaire ressemble à celui qu’on
emploie encore aujourd’hui, l’inantinial se mesure de l’inion à la pointe du menton. Les trois angles sont: Yorifacial, formé par l’in-
tërsection de la ligne faciale de Camper avec le plan de mastication ; le basifacial supérieur, qui avec la môme ligne faciale combine
une horizontale passant par la voûte palatine; le basifacial inférieur, 'oïl l’horizontale touche les angles postérieurs et le bord inférieur
de la svmphyse du maxillaire inférieur (Barclay. Op. cit., p. 152 et pl. IH et IV).
(6) The'Edinburgh Encyclopædia conducted by D. Brewster, v° Craniometry, vol: VU, part. I, 4819, in-4°, et pl. 218, fig. 6 et 7.
(1) W. Gibson. Dissertatio inauguralis de forma ossium gentilitia. Edinburgh, 1809.H Ch. Bell. The Anatomy of the Expression.
(8) L awrence. Lectures on Physiology, Zoology, and Natural HistCryof Man. 1819, iîï-8 0.'
(9) J. C. Prichard. Researches into the Physical History of Mankitid, 4e éd., vol. I, London, 1841, in-$®, p. 281 et suiv.
(40) Id., ibid., p. 284 et suiv.— L’un de nous a proposé remploi d’ün instrument spécial pour ïnesurer l’anglë formé par les
lignes indiquées par Prichard. (A. de Quatrefages. Note sur le goniomètre pariétal [l'Institut, 1858, et Compte rendu de l’Association
française pour l’avancement des sciences, l re session, 1873, p. 735.]) '
. (11) Id., ibid., p. 305 èt suiv.