dont nous allons parler d’abord, parce qu’ils sont les premiers Nègres de petite taille sur lesquels on ait
eu des documents tout à fait positifs.
C’est à Andrew Battell, dont Purchas a édité les récits (1), que l’on doit les premiers renseignements
sur ce qu’il appelle «une espèce de Pygmées >>, les Matimbas, qui habitent au Nord-Est du ManiKesoch,
G’est-à-dire dans le pays même où nous trouverons établis les Akoas, Okoas, ou Bongos. Dapper, que
nous venons de citer, dans sa célèbre description de l’Afrique (2);, a mentionné l’existence, au coeur du
Loango. d’une.province pleine de forêts, ou il n’y avait que des nains appelés Mimos et Bakke-Bakke; ce
sont les Babonkos sur lesquels MM. Bastian et Falkenstein ont récemment attiré l’attention (3)* et dont
M. Koelle semble avoir voulu parler sous le nom de Betsans et de Kenkobs (4).
D’autre part M. Harris avait signalé des Pygmées dans le sud du Kafa, les Simbiwas de M. des Avrân-
chers, ou peut être les Areyas ou les Cincallés du même voyageur (5). D’autres Pygmées sont appelés
Dokos par le missionnaire Krapf, qui a vu à Barawa, sur la côte Est, un représentant de la race, qu’il a
sommairement décrit, sans rien dire malheureusement de la forme de sa tête (6). M. Hartmann a publié
aussi sur les Dokos, qu’il place dans la même région que M. Harris, des renseignements recueillis
dans le Fazogl, mais qui sont surtout de l’ordrè ethnographique (7).
Les premières descriptions précises de ces petits nègres de l’Est sont dues àM. Schweinfürth (8). Les
Akkas ou Tikki Tikkis, que ce savant voyageur a rencontrés chez les Mombouttous et dont il a rapidement
donné les caractères dans sa remarquable relation, sont devenus le type de la race. On sait que Miani, qui
a suivi de près M. Sfchweinfürth, avait réussi à se procurer deux jeunes Akkas vivants, qui, ramenés après
sa mort, d’abord en Égypte, puis en Italie, ont fourni le sujet de dissertations nombreuses et variées. Sir
R. Owen, Colucci-Pacha, M. Cornalia, au Caire (9); MM. Mantegazza, Zanetti, Panizza, Miniscalchi-Erizzo,'
en Italie(lO); Broca, de Quatrefages, en France (11),'Ont étudié Ou commenté les traits plus ou moins caractéristiques
de ces petits Nègres. M. Marnô a depuis lors inséré dans le recueil de la Société d’Anthropologie
de Vienne, deux observations détaillées de femmes pygmées, pendant que les Babonkos, les
Akoas, etc., dont la taille ët la morphologie crânienne rappellent tout à fait celles des Akkas, étaient découverts
par les voyageurs allemands et français au Gabon, au Loango, etc. 1 2 3 4 *7 8 9 10 1
(1) PuRcha's. His Pilgrims in fine Books. The second Part. London, 1625, in-f°, vol. Il, p. 983.
(2) Dapper. Description de la Basse Éthiopie {L'Afrique, Ed. fr. Amsterdam, 1686, in-f", p. 332 et 358).
(3) R. H artmann. Die Nigritier, Bd. I, s. 497,. Berlin, 1876, in-8°.
(4) Koelle. Polyglotta africana, p. 11-12. London, 1854, in-8°.
• (5) L. des A vranchers. Lettre à M. A. d’Abbadie {Bull. Soc. Géàgr., 5® sér., t. XIV, p. 171, 1876). « La présence des Pygmées est un
fait certain, dit ce voyageur. Les Areya, qui habitent en face des Doggo au sud du fleuve (Uno) sont, dit-on, très trapus; plus au
sud est un peuple appelé Cincallé (ce qui veut dire quelle merveille!) que l’on dit être de la stature des enfants de dix à douze ans
Sur la foi de nombreux rapports, je crois à l’existence des Pygmées de l’Afrique. A Zanzibar, on leur donne le nom de Wa-Beri-
kimo (peuple de deux pieds). Je pense que cette race de nains doit être située sous l’équateur ; on les place ici au sud du lac Baras
et les Çomali les mettent au sud du lac El-Boo. Ici, dans le royaume de Géra, il existe beaucoup de ces nains, êtres difformes,
trapus, à grosse tête, ayant tout au plus quatre pieds de haut. »
,(6) Les renseignements de M. d’Ëscayrac de Lauture sur le même sujet semblent fort analogues à ceux de Krapf.
(7) R. Hartmann. Op. rit., Bd. I, s. 495. — Cf. Id. lieber Zwergvölker in Afrika (Petermann’s Miltheilungen. Bd. XVII, 139, 1871).
(8) Schweinfurth. Im Herzen von Africa, Bd. II, s. 130-155. Leipzig, 1874, in-8°.
(9) R. Owen. Examen de deux Nègres Pygmées de la tribu des Akkas (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2* sér., t. IX, p. 255, 1874).— Cf.
Bull. Instit. Égypt., 1872-1874, pass.
(10) Mantegazza et Z anetti. I due Akka del Miani (Archiv, per l’Anthropolog., vol. IV, p. 137-163, 1874). — P anizza. Sur les Akkas
(Bull. Soc. d'Anlhrop. de Paris, 2® sér., t. IX, p. 464. 1874). — Miniscalchi-Erizzo, Les Akkas (Congr. Internat, des Sc. Géograph.,
1875, 1.1,p. 300).
(11) P. Broca. Les Akka, race Pygmée de l'Afrique Centrale (Rev. d'Anthrop.y t. III, p. 279, 1874); — Id. Nouveaux renseignements sur
les Akkas (Ibid., t. Ill, p. 462).— A. de Quatrefages. Observations sur les races naines africaines y àpropos des Akkas (Bulh Soc, d’Anthrop.
de Paris, 2* sér», t. IX, p. 500, 1874).
Il devenait dès lors possible de s’élever,jus;qu’à'ila synthèse de ;1® race, et; c’est ce qu’a fait l’un des
auteurs de cet ouvrage dans un mémoire ,(f) présenté, à la Société d’Anthropologie, et qui conclut à la
communauté d’origine des divers groupes de petits Nègres qui viennent d’être énumérés et dont nous
allons maintenant étudier rapidement les caractères crâniens.
§ 2. — Description.
Cr â n e s d ’A k k a s o u Tikki-Tjkkis. — Lorsque M. Schweinfürth vit pour la première fois en 1871, à
la cour de Munza, roi des Mombouttous, Adamokoo, un de ces nains, devenus si rapidement célèbres
.goüs le nom d’Akkas, il s’attacha non seulement à obtenir de lui le plus de renseignements possible sur
son pays et sur sa race, mais encore à déterminer bien exactement les caractères physiques du petit personnage,
dont il pratiqua la mensuration détaillée, en même temps qu’il en exécutait un portrait ressemblant.
Mesures et portrait ont malheureusement disparu, détruits par le feu, avec une grande partie des
notes du voyageur, et M. Schweinfürth n’a pu donner, dans la communication qu’il a faite à l’Institut:
Égyptien, et dans le récit de son voyage, que des renseignements relativement vagues et les portraits de
profil de deux autres Akkas, Bomby et Newue, qu’il avait seuls conservés. Les traits ostéologiques qui semblent
surtout avoir frappé le voyageur russe sont la brachycéphalie et le prognathisme de la face. Devant
l’Institut Égyptien, il a parlé de têtes rondes; dans son livre il dit que le crâne Akka est presque sphérique (2).
Les Akkas seraient d’après cela brachycéphales y ou tout au moins sous-brachycéphales.
L’examen des deux sujets de Miani, Tebo et Chairallah, amenés en Italie après la mort de ce courageux
vôyagèùr, a confirmé, dans une certaine mesure, ce que M. Schweinfürth avait dit de la forme générale du
crâne de ces Nègres nains. Le comte Miniscalchi-Erizzo, qui s’était chargé de l’éducation de Tebo et dé
Ghairallah, a; fait connaître, dans une intéressante communication adressée au Congrès international des
sciences géographiques de 1875, quelques-unes des mesures prises sur la tête de ses élèves (3);. Tebo, l’aîné,
né à Eboto, avait en juillet 1875, pour diamètre antéro-postérieur 0m,172, pour diamètre transverse maximum
G”,138, et par conséquent pour indice céphalique 80,23. Les diamètres de Chairallah, le plus jeune,
né à Chenga, étaient de 0m,178 et de 0m,138, et son indice égalait, par suite, 77,52. Le plus grand mesurait
alors lm,280, le plus petit lm,162. On sait d’ailleurs que les deux élèves du comte Miniscalchi
étaient encore enfants.
M. Marnô a publié presque en même temps l’observation d’une jeune fille de 13 à 15 ans, de la même-
race,' vue à la seriba Ghaba Chambi, sur le Bahr el Gebel. Elle était haute de 1™,01 ; le diamètre antéro
postérieur de sa tête était de 0m,170, le diamètre transverse de 0m,130, et l’indice céphalique de 76,47.
Ces trois têtes de jeunes sujets ont donc en moyenne 0m,173 de long, 0m,135 .de large et leur indicé céphalique
égale 78,03. L’indice, formé à l’aide des dimensions correspondantes prises sur le crâne sec, ne serait
pas inférieur à 77 (4).
A ne juger que par ces observations, les Akkas seraient donc mésaticéphales. Mais l’on est en droit de
se demander si le développement proportionnel de leur crâne en largeur n’est pas sous l’influence de l’âge-
bien plus que sous celle de la race, et si, comme chez les Papouas par exemple, ou chez les Australiens
étudiés plus haut, les jeunes sujets sous-brachycéphales ou mésaticéphales ne doivent point devenir dolichocéphales
à l’âge adulte. Fort heureusement la seconde observation de M. Marnô, prise sur une femme de
(1 ) E.-T. Hahy. Essai de coordination des matériaux récemment recueillis sur l'ethnologie des Négrilles ou Pygmées de l'Afrique équatoriale
(Bull. Soc. d'Antlirop., 3® sér., t. H, p. 79t 1879).
(2) G. Schweinfürth. Op. rit., vol. II, p . 117.
(3) Miniscalchi-Erizzo. Les Akkas (Congr. Internat. desSc. géograph., 1875, 1.1, p. 300)., -,,
(4) E. Marnô. Ein Akka-Madchen (Mitlheil. der Anlhropologisch. Gesellsch. in Wien. Bd V, s. 157, u. Taf. 1875).
Quatrefages et Hamy. 42