en usage chez l’une et parfois aussi chez l'autre, compliquent singulièrement leur étude comparée.
Les descriptions de notre chapitre VI vont mettre complètement en lumière les différences très-grandes
qui existent entre les Négritos-Papous et les véritables Papouas. L’écart est plus considérable encore quand
on compare à ces derniers les Papous de Rawak, Boni, etc.
A Papuis nostris loto coelo differunt î s’écriait en 1859 M. de Baer(l) en parlant des crânes de Quoy et
Gaimard rapprochés de ceux que Peitsch avait offerts à l’académie de Pétersbourg.
Nous juxtaposons ci-dessus (fig. 226) à la novma verticalis du Rawak de notre planche XIX, celle du
Papoua de la planche XXII. Le lecteur se rendra compte ainsi par un simple coup d’oeil des différences
énormes qui séparent ces deux groupes que Quoy et Gaimard, et plus tard Lesson et Garnot avaient d’ailleurs
très-nettement^distingués, et qu’ont mises pour la première fois en évidence les planches des
voyages de l’Uranie et delà Coquille (2).
Nous ne nous arrêterons pas à discuter en terminant ce chapitre les opinions exprimées par les continuateurs
de Nysten. Ce que nous avons dit précédemment des différences considérables qui séparent les Australiens
des Négritos proprement dits, s’applique plus volontiers aux Papous de Rawak, plus éloignés encore
des habitants de la Nouvelle-Hollande. Aucun anthropologiste n’acceptera donc que les Papous puissent
être ce que MM. Littré et Ch. Robin appellent « une race dé l’espèce Australienne (3) ».
Quant à 1 hypothèse des mêmes auteurs qui font de ces Noirs des métis de Polynésiens et d’Australiens,
elle est absolument inacceptable, ainsi que le démontreront les comparaisons que nous serons amenés à
établir dans la suite de ce livre. A elles seules les particularités du teint et de la chevelure doivent faire
écarter toute idée de ce genre.
Nous montrerons plus tard qu au point de vue où nous sommes ici placés, ces deux types n’offrent presque
aucun point de contact ave^ celui que MM. Littré et Ch. Robin en supposent issu.
Ch a p it r e V. — R ace t a sm a n ie n n e .
La race Négrito-Papoue, dont nous venons de terminer l’examen, constitue à quelques, égards un lien
entre les Négritos proprement dits et les Tasmanièns dont nous allons’'maintenant aborder l’étude.
L indice céphalique, par exemple, qui sert de base à notre classification des Nègres Océaniens, s’élevait
en moyenne à 81,79 sur les Négritos proprement dits, il devient 80,15 chez les Négrifos-Papous non déformés,
et 75,69 chez les Tasmanièns.
On désigne habituellement sous ce nom les premiers habitants de la grande île de Van Diemen ou Tasmanie
située au sud de P extrémité sud-est de l’Australie, et séparée de cette terre par un canal d’environ
180 kilomètres de large.
Cette île a été découverte le 24 novembre 1642 par Abel Jansz Tasman dont elle porte aujourd’hui le
nom (4). Mais c est 1 expédition de Marion qui a recueilli sur ses habitants les premiers renseignements
assez vagues d ailleurs (5). Cook et Anderson (6), La Billardière (7), Péron (8), nous ont transmis de ces
rait tout à fait, suivant Earl, du Papou de Quoy et Gaimard (R. G. L.vtham. The natural History of the Varieties of Man. London,
1850, in-8°, p. 213). §|
(1) G.-E. dbBaer. Crania selecla ex thesauris anthropologicis Acad. Imp. Petropol. Petropoli, 1859, in-4°, p. 9.
(2) Quoy et Gaimard. Op. cit., pl. I et IL — Lesson et Garnot. Op. cil., pl. I.
(3) Littré et Ch. Robin. Dict. de nildecine de Nysten, 13® édition, 1873, art. Homme.
(4) A.-J. Tasman. Op. cit. (J. Burney. A Chronological History, etc., vol. J II, p. 63. London, 1813, in-4®).
(5) Crozet. Op. cit., p. 28.
J6) J. Cook. Troisième Voyage ou voyage à l'océan Pacifique, etc! Trad. fr., Paris, 1785, in-4®, 1.1, p. 125, 144, 149, et pl. p. 130.
(7) La Billardière. Relation du voyage à la recherché de la Pérouse fait par ordre de l'Assemblée Constituante, Paris, an VII, in-4®, t. I
p. 167 et suiv., t. II, ch. X et XI, passim, et Atlas, pl. 6,7 et 8.
(8) Pénor. Voyage de découvertes aux terres Australes. Hist., 1.1, ch. 12 et suiv., et Atlas, pl. VIII à XII.
insulaires des descriptions plus détaillées, accompagnées de nombreux portraits dont quelques-uns, au
moins, étaient assez soignés pour permettre d’apprécier assez bien la morphologie générale de la tête
Tasmanienne.
Bass et Flinders, Collins, Jeffreys, Evans (1), Dumont d’Urville (2), Laplace (3) ont successivement rassemblé
de nouveaux renseignements qui se sont considérablement multipliés à l’époque où les Tasma-
niens, réduits à un petit.nombre par la guerre féroce que leur faisaient les envahisseurs de leur pays, furent
internés dans les îles du détroit de Bass (4) et ensuite à Oyster Cove.
Strzelecki publia dans sa Description de la Tasmanie deux bons portraits (5). Deux artistes du .pays,
MM. Duterreau et Glover, dessinèrent ou peignirent quelques-uns des derniers Tasmanièns. MM. Wooley,
Nixon, etc., en firent des épreuves photographiques (6). Enfin un sculpteur anglais nommé Laid a modelé
d’après nature Truganina, la dernière Tasmanienne et son mari Worradey, le chef d el île Bruny (7).
Mais on peut affirmer, sans exagération, que c’est le’ voyage de Y Astrolabe et de la Zélée qui a le plus
fait pour la connaissance de l’ethnologie Tasmanienne.
Dumoutier, attaché à l’expédition comme anthropologiste, a en effet moulé sur le vif et colorié d après
nature six bustes de Tasmanièns aujourd’hui déposés dans les galeries du Muséum. Quatre de ces bustes
sont figurés dans l’Atlas anthropologique du voyage (8).
Il recueillait en même temps quatre têtes dont deux sont lithographiées de face et de profil dans le
même recueil (9).
C’était la première fois qu’on représentait complètement le crâne des Tasmanièns. Les pieces recueillies
par la Favorite (10) étaient demeurées inédites aussi bien que celles que venait de procurer le voyage de
Jules Verreaux, et des têtes des Musées Anglais deux seulement avaient été 1 objet de publications insuffisantes.
Prichard (11), qui faisait connaître la première en 1841, ne donnait aucun détail ; il se bornait à
émettre l’opinion que ce crâne présente les caractères de la race Papoua telle que Lesson l’a décrite et se
(1) M. Flinders. A Voyage to the Terra Australis undertaken for the purpose of completing the discoveries of that vast Country prosecuted
in the years 4801, 1802, and 1803, in H. M. S. The Investigator. London, 1814, in-4®, vol. I. Introd., p. CLXXXVI, etc. —
G. W. Evans. A geographical Ilistoiy and topographical. Description of Van Diemen's Land. London, 1822, in-8°, trad, fr., t. XVIII
de la Coll, des Voy. mod., trad, de l'Angl., publiés par les Ann. des Voy. Paris, 1823, in-8°, ch. Ier, elc.
(2) Dumont d’Urvillle. Voyage de la corvette l’Astrolabe pendant les années 1826, 1827,1828,1829. Hist., T. V, p. 91 et suiv., et
Atlas, pl, CLIII. Paris, 1833, in-8°.
(3) Laplace. Voyage autour du monde par les mers de l’Inde et de la Chine exécuté sur la corvette de l Etat la Favorite pendant les
années 1830, 1831 et 1832, t. Ü I, passim. Paris, 1835, in-8°. 1
(4) Les évaluations faites en 1803 à l’époque de la première colonisation de la Tasmanie par les Anglais portent à 7,000 le nombre des
insulaires (J.-E. Caldbr (de Hobart Town), Some accounts of the war of extirpation and habits of the natives of the Tasmania ([The Journ.
of the Anthropolog.lnstit. of Great Britain, and Ireland, 1873, t. HI, p. 7]). Il en restait 210 quand on transporta trente-deux ans plus
tard aux îles Swan et Gun-Carriage, puis à Flinders Island, les sauvages que Robinson avait réussi à réunir. Ce chiffre était
tombé à 82 en 1838 (De Blosseville, Histoire de la colonisation pénale, t. H, p. 90), et à 44, quand en octobre 1847, on ramena à
Oyster Cove les malheureux débris de la race. (P.-E de Strzelecki. Physical Description of New South Wales, and Van Diemen’s Land.
London, 1845, in-S°, p. 353). Il en réstait 12 à la fin de 1854. Le dernier mâle est mort le 3 mars 1869 (J. Bonwick. The last of
the Tasmanians or the Black War of Diemen's Land. London, 1870, in-8®, p. 393). La dernière Tasmanienne de race pure, Trouganina,
a succombé depuis. Les Tasmanièns dont il a été récemment question dans une communication faite à la société de Géographie de
Paris ne peuvent être que quelques-uns des métis issus de femmes tasmaniennes et de matelots ou pécheurs anglais du détroit de Bass.
(5) P.-E. de Strzelecki. Op. cit., front, et p. 333: — Cf. G.-Th. Lloyd. Thirty-three years in Tasmania and Victoria. London, 1862,
fti-12, p. 43-44.
(6) Bonwick. Op. cit., passim. — Giglioli. J. Tasmaniani (Archivio perl’anthropologiae la etnologia, vol. I, p. 13, tav. 1, 2, 3,1871).
(7) Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée... pendant les années 1837,1838, 1839 et 1840.
Anthropologie, Atlas. Paris, 1846, in-f®, pl. 23.
(8) Ibid., pl. 22 et 24.
(91) Ibid., pl. 36, fig. 3 à 6. Le crâne masculin de cette planche, que nous possédons au Muséum en original, n est pas un crâne de
Tasmanien, mais bien un crâne d’Australien mort en Tasmanie. —t Cf. Em. Blanchard. Ibid. Texte dé l'Anthropologie, p. 134-136.
(10) D. de Blainville. Rapport fait à P Académie des Sciences sur les collections d'histoire naturelle recueillies pendant le voyage de la
coi'vette la Favorite (Voy. cit., T. V, Zoologie, p. 8. Paris, 1839, in-S°).
(11) J.-C. P richard, op. cit., vol. 1.