modifié par M. Broca (1) présente des avantages réels. Toutefois il ne faut pas donner à l’indice le rôle
prépondérant qu’il avait pris tout d’abord.
Plus on étudie l’Homme, plus on reconnaît que ses races, pour être classées conformément à leurs
affinités naturelles, doivent être réparties dans les trois groupes admis par Cuvier. Chacun de ces groupes
désignés par Tun des auteurs de ce livre sous le nom de ù'oncs se divise en branches (2), les branches
se subdivisent en rameaux, etc. Introduisons dans cette classification les données crâniologiques, distinguons
autant que faire se pourra des familles de races brachycéphales, sous-brachycéphales, mésaticé-
phales, sous-dolichocéphales et dolichocéphales. Si ces subdivisions, fondées sur l’étude d’un seul caractère,
laissent parfois à désirer, du moins auront-elles leur raison d’être dans un ouvrage de crâ-
niologie, où l’on est contraint de tenir principalement compte des caractères céphaliques.
Nous aurons ainsi successivement à étudier chez les Nègres d’Océanie et d’Afrique, chez les Mongols, etc.,
des groupes crâniologiques répartis dans les cinq catégories de M. Broca. Ce seront dans la première
branche du tronc Nègre, les Négritos, les Tasmaniens, les Papuas, etc. ; dans la seconde, les Négrilles,
les vrais Nègres, etc., puis les Bosjesmans, etc., etc.
Mais avant d’aborder l’étude particulière de chacune de ces branches du tronc nègre, il nous faut
résumer les données historiques qui se rapportent à ce vaste ensemble crâniologique.
§ 2. — Races nègres en général.
Aussi loin que nous puissions remonter dans l’iconographie anthropologique, nous rencontrons les
Nègres, que leurs caractères si particuliers désignent tout spécialement à 1 attention des artistes. Les
sculpteurs et les peintres de l’ancien Empire égyptien leur attribuent déjà toute une série de traits
qui leur est propre, quoiqu’ils aient plutôt figuré le Nubien que le vrai Nègre. Mais c’est sous le nouvel
Empire, et spécialement sous la XVIII0 dynastie, que les représentations de Nègres se multiplient et se
diversifient. Plusieurs races- nigritiques interviennent dans les monuments
des Thotmès, des Amenhotep, etc. On peut en voir groupés
les représentants dans quelques monuments de Thèbes, comme le
temple de Deir-el-Bahari ou les tombeaux de Rekhmara et de
Houi, à Scheikh-abd-el-Qournah et à Qournet-Mouraï (3).
Ces races nègres sont au nombre de cinq au moins, deux appartiennent
à l’Afrique Orientale, deux à l’Afrique Centrale, peut-être
faut-il aller chercher plus loin au sud les représentants actuels
de la cinquième. Le Soudanien proprement dit se montre dans
cés oeuvres d'art comme dans celles deSoleb, d’Ibsamboul (4), de
ü ü - . , I Biban el Môlouk, etc., exagéré dans tous ses caractères faciaux et
crâniens; son front qui fuit, son nez aplatisses levres épaisses èt
retroussées, son menton en retrait (fig. 189), se combinent avec son teint noir et sa chevelure en touffes,
pour en faire un type des plus caractéristiques.
(1) Nous ne pouvons que mentionner ici les classifications par les indices proposées par MM. H. Welcker (Untersuchungen über
Wachsthum und Bau des menschlichen Schädel. Leipzig, 1862, in-f°, p. 43), Thurnam (loc. eit., p. 461) et Huxley (Prehistoric Remains
of Caithness. London, 1869, in-8®, p. 84-85), et renvoyer à la discussion que M. Broca a faite des subdivisions qu’ils proposent
(P. Broca., déjà cité, Rev. d'Anthrop., p. 400 et suiv.).
.... (2) A . de Quatrefages. Rapports sur les progrès de. VAnthropologie, Appendice. P. 495 à 528.
(3) Wilkinson. Topography of Thebes. London, 1835, in-8, et Manners and Customs of the ancient Ægyptians. London, 1837, in-80., —
Hoskins. Travels inÆthiopia. London, 1835, in-4°. — Champollion. Loc. d t .i— Lepsius. Op. cit., Abth. IH, bl. 117, etc. Mariette.
Description du parc Égyptien. Paris, 1867,-in-12* p, 22. — Dümichen. Op. d t. — Chabas. Op. d t., p. 130 et suiv., 143 et suivi.
(4) Ghampollion. Monuments de l'Égypte et de la Nubie, pl. cit.
A côté de ces Nègres tout à fait noirs en figurent d’autres à la peau d’un rouge foncé, représentés tantôt
comme les esclaves des Éthiopiens, tantôt comme des tributaires directs de l’Égypte. Leurs caractères
céphaliques sont à peu près les mêmes que ceux des Nègres noirs dont ils diffèrent surtout par la coloration.
Ces Nègres tout spéciaux, dont on peut voir de belles représentations dans 1 Arl égyptien de M. Prisse
d’Avesnes (J), semblent correspondre soit aux tribus rougeâtres du Bahr-el-Ghâzal, soit à celles de I intérieur
de l’Afrique à l’ouest de la région des grands lacs sur lesquelles les renseignements précis font
encore en partie défaut, mais dont les Égyptiens ont pu avoir connaissance (2). Les autres Nègres des
monuments de Thèbes sont ceux de Kousch mêlés d’Éthiopiens, et les habitants de Poun, qui tiennent
souvent du Sémite, mais chez lesquels l’élément nigritique domine manifestement (3). On reconnaîtra
peut-être quelque tribu alliée aux Bosjesmans dans les individus jaunâtres et négroïdes qui sont juxtaposés
aux précédents dans la! tombe de Houï.
Les Égyptiens distinguaient donc, dix-sept cents ans avant notre ère, quatre ou cinq groupes de populations
nigritiques, et leur science de portraitistes leur avait appris à reconnaître et à rendre les caractères
propres à ces groupes d’une manière assez précise pour qu’il ne soit pas impossible à 1 ethnologiste do
retrouver chacun des types qui leur servaient de modèle.
Les Grecs étaient bien loin de posséder des connaissances aussi étendues sur
les races de l’Afrique. Ils ne nous ont presque rien laissé sur les caractères
physiques des Nègres en général et à plus forte raison sur leurs caractères
céphaliques. Les recherches que nous avons faites dans les collections de
Paris et dans les nombreux albums consacrés
à l’histoire de l’art, ne nous ont fait décour
vrir qu’un très-petit nombre de monuments
grecs représentant des Nègres. Nous reproduisons
ci-contre le dessin déjà donné plus
haut de la petite bouteille en terre du musée
du Louvre, dont la peinture, malheureusement
un peu endommagée, laisse encore voir
néanmoins la tête d’un Nègre représentée
de profil et tournée à gauche (fig. 191). Nous
avons déjà dit que ce curieux monument
remonte au commencement du troisième
siècle avant notre ère.
L’art étrusque, qui s’appliquait volontiers,
comme nous l’avons précédemment remarqué,
à la représentation des différents types
ethniques, a laissé un certain nombre de
figures aux caractères nigritiques. Ces figurines
modelées en relief forment généralement
la panse de petits vases ansésde plusieurs types. Le plus abondamment répandu est celui que nous
avons fait graver ci-contre (fig. 190). Un second type non moins nigritique ne diffère du premier que par
(1) Prisse d^Avesnes. L’Art égyptien. Pdnlure. Paris? in-f°, en cours de publication.
(2) E. T. Hamy, Observations ethnologiques sur les peintures de la tombe de Rekhmara à Scheikh-abd-el-Qournah. Thèbes (Bull. Soc.
d'anthrop. de Paris; 2e série, t. X, pi 214, 1875).
(3) Id. Sur les listes ethniques du dix-septième siècle avant notre ère récemment découvertes par M. Mariette à Kamak (Bull. Soc. dan-
throp. de Paris, 2° série, t. IX, p. 534-542; 1874): — Cf. Id., ibid., t. X, p. 214, 1875).