monuments de l’âge- de pierre (l)et quelques comparaisons crâniologiques lui avaient suggérée. Il professa
donc qu’une race autochthone brachycéphale, parlant des langues tout à fait différentes des nôtres, avait précédé
en Europe la race Indo-européenne dolichocéphale, quia importé dans l’Occident lés langues à flexion.
La théorie de Retzius, très-simple et très-séduisante, fut acceptée Sous cette forme par presque tous
les anthropologistes. Nous avons dit qu’elle concordait avec quelques faits particuliers constatés par
Eschricht en Danemark, et par M. Nilsson en Suède. M. J. Steenstrup l’appuya de quelques nouvelles
observations recueillies dams les tombeaux de l’âge de pierre du Danemark (2). M. Broca, qui
devait plus tard la combattre avec une grande ardeur, lui donna la plus complète adhésion (3). M. C. E. de
Baer, par ses recherches sur les Romans rhétiques (4), MM. Busk, Carter, Blake, etc., par leurs descriptions
des Crânes préhistoriques de Bennet-Hill, de Kellet, etc. (5), M. Nicolucoi, par ses études sur les races
primitives de l’Italie (6), M. Lubach, par ses travaux sur lès anciens Néerlandais (7), lui fournirent des
arguments plus ou moins, importants, etc. Mais aucun anthropologiste n’a pris plus à ccéur la théorie
du brachycéphale ancien que M. Prüner-Bey.
Dès 1861 (8), on le voit saisir avec le plus grand empressement toutes les occasions qui se présentent
de proclamer la doctrine de la préexistence des brachycéphales èn Europe. S’il interprète mal>les découvertes
dm cône dé la Tihiëre (9), du moins celles de Bienne (10) viennent-elles lui donner momentanément
raison, en faisant connaître un crâne franchement brachycéphale trouvé dans le sable à six mètres
de profondeur (D. A. P. max. 187, d. tr. max. 160, ind. céph. 85. 56). La première mâchoire de Moulin-
Quignon est recueillie par Boucher de Perthes (11) et M. Prüner-Bey en tire de nouvelles preuves en
faveur de sa thèse, |
Il est vrai que, vers le même temps, M. Broca, en démontrant à l’aide .de larges sériés, la dolichopè-
phalie très-générale des crânes basques (12), ou MM. His et Rütimeyer en faisant voir que les Romans Rhétiques
brachycéphales de M. de Baer sont les descendants des Alamani, les derniers envahisseurs du
pays (13), portent à la théorie de Retzius des coups vigoureux qui l'ébranlent profondément.
La confiance de M. Prüner-Bey, dans ses conceptions ethnogéniques, n’est pas plus entamée par ces
découvertes que par celles que font connaître les fouilles des monuments mégalithiques de France, d’Angleterre,
de Suède, de Danemark, etc., bien plus abondants en crânes allongés qü’en crânes-globuleux
(14), et dans lesquels les premiers sont souvent plus anciens que les seconds (fig. 102 à 107). Il lui
' (1) Voyez lanote de M. VonDubea sur le dolmen de Luttra. Von Düben, Sur les crânes de l'âge de pierre en Suède {Bull. Soc. d’An-
throp. de Paris, t. VI, p. 168, 1865).
(2) Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris, t. I, p. 8 7 ,1859.
..(3) Ibid., 1.1 , p. 87-92; t. Il, p. 508, 646; t. IV, p. 303, 512, etc.
(4) C.-E. de B aer. Ueber den Schoedelbau der Bhoetischen Romanen, br. in-4°. — Cf. Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris, t. ï , p. 80. 1859.
^ (5) Joum. of the Anthrop. Soc. of London, t. Il, p. 6,1863. — The Geologist, 1862, p. 424.
(6) Nicolugci. Lastirpe Ligure in Italia,.Naples, 1864, in-4°, etc. — Gf. Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris, t. VI, p. 259, 1865.
(7) L ubach.. De Bewoners van Nederland._ Haarlem, 1863, in-8°, avec pl. — Les Habitants de la Néerlande. {Bull. Soc. d'Anthrop.,
t. IV, p. 482.1863.J ,^ T f j jp g i f -im IqiftvfitM
1 (8) Pruner-Bby. Sur les brachycéphales de la France. (Bull. Soc. d'Anthrop:, te II, p. 650. 1861.) — Gf. Ibid., t. IV, p. 69, 1863,
26, etc. ■' •
; (9) Id. Description d'un crâne brachycéphale de l'âge de pierre. {Bull. Soc. d Anthrop., [ t. IV, p. 347. 1863.) — Cf. G. Voqt. Sur le
crâne brachycéphale de la Tinière. (Ibid., t. IV, p. 379.)
(10) G. Voot. Bull. Soc. d Anthrop., t. IV, p. 313. 1863.
(11) Prunbr-Bey. Sur la mâchoire d Abbeville. {Ibid., t. IV, p. 301 et suiv.)
. (12) P. Broca. Sur les caractères des crânes basques. {Bull. Soc. d Anthrop. de Paris, t. III, p. 579.1862,) — Gf. Ibid., t. IV, p. 33)
72. 1863.
(13) His. Sur la population Rhétique. (Ibid., t. V, p. 868-880, 1864). — Gf. Crania Helvetica,'passim.
(14) Bull. Soc. dAnthrop. de Paris, t. VI, p. 26. 1865. — J.-B. Davisand, J. Thurnam. Crania Britannica, passim. — Thurnam. On
the two principal forms of,Ancient British and Gaulish Skulls. (Mem. read before the Anthrop. Soc. of-London, t. I, p. 120 et suiv
459 et suiv. London, 1865, in-80.) — Etc.
suffit que la coèxistence des deux types humains dont l’antériorité relative est discutée, soit établie
pour les époques lointaines qui n’entrent pas encore dans la paléontologie proprement dite.
Le brachycéphale, à ses yeux, est bien plus ancien encore : c’est l'homme quaternaire dont il suppose la
race unique, et dont les trouvailles de Furfooz (1) vont lui permettre de fixer le type. A l’aide de pièces
choisies dans la collection 'de M. Ed. Dupont et de quelques autres moins authentiques, M. Prüner-Bey
développe largement sa manière de voir devant le Congrès d’Anthropologie de 1867 (2). Dans le discours
qu’il prononcé, les’crânes dolichocéphales extraits de gisements quaternaires, sont tour à tour considérés
Fig. 106. — Crâne brachycéphale d’un
Round Barrow de l’âge du bronze près
Stonehenge (Wiltsbire).
Fig. 103. — Norma verticalis
du crâne de Rodmarton.
Fig. 105. — Norma verticalis
du crâne de Gristhorpè.
Fig. 107. — Norma verticalis
du crâne de Stonehenge.
Tous ces dessins, empruntés au mémoire de Thurnam (3), sont réduits au nuart.
comme douteux, tels que ceux du Néanderou d’Engis, ou métamorphosés par .la description en crânes
brachycéphales, comme le n° 1 de Lafaye dont nous avons parlé plus haut.
Mais l’année suivante, les découvertes de Çro-Magnon (4), dont l’antériorité par rapport à Furfooz n’a
été mise en doute par personne, viennent montrer qu’une race dolichocéphale, inconnue ou plutôt méconnue
jusque-là, a précédé les sous-brachycéphales de la Lesse et du Mâconnais dans notre Occident,
puisque Furfooz, en admettant qu’il appartienne incontestablement aux temps quaternaires, se place
(1) Ed. Dupont. Étude sur l'Ethnographie de l’homme de l'âge du renne dans les cavernes de la vallée de la Lesse, ses caractères, sa race,
son industrie,,ses moeurs. (Mém. Acad. Roy. de Belgique, 1867.)
(2) Pruner-Bey. Discours sur la question anthropologique (Gongr. Intern. d'Anthrop. et d'Arch. préhist., 2e sess., Paris, 1867, p. 345
et suiv;).
(3) Thurnam, op. cit., p. 151-153. ‘
(4) L. Lartet. Op. cit. (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2e série, t. III, p. 335. 1868, etc. )