l’on vient de nommer. Le jeune sujet féminin de Moreton-Bay numéroté 1508 sur notre inventaire,
confirme oe rapprochement. Il faut tenir compte dans l’étude de cet individu de l’âge et du sexe qui atténuent,
comme nous l’avons déjà dit, les caractères ethniques propres à la région frontale; mais tous lés-
autres traits spéciaux sur lesquels nous nous sommes longuement étendus plus haut, s’y montrent réunis.
Pour ne parler que de la face, on y remarque de haut en bas la largeur relative de l’espace interorbitaire,
la chûte verticale des malaires, l’allongement énorme des orbites dans le sens vertical (largeur 0m,036,
hauteur O”,033, indice 93),'l’effacement des fosses canines, etc. Le prognathisme, sans être très-accentué,
est assez fort cependant pour avoir produit un certain degré de projection de la mandibule, qui par sa
morphologie se placerait assez exactement entre celles de la Naulette et d’Arcy précédemment décrites.
Elle reproduit à s’y méprendre l’aspect des mâchoires fossiles : elle en a la courbure générale, les proportions
relatives, etc. Sa face externe est lisse, et l’on 'n’y voit qu’un rudiment. de menton, situé
à peu près sur le même plan vertical que les alvéoles incisifs. A la face interne la ligne myloïdienne
fait une saillie bien nette, et la région symphysaire est proclive; au lieu d’apophyses gém supérieures,
on ne voit qu’un très-petit trou et une simple rugosité, puis au dessous nn léger bourrelet, puis une
dépression transversale avec une' petite saillie médiane qui représente les apophyses géni inférieures.
Enfin les dents molaires implantées dans l’arcade dentaire sont remarquables par leur énorme volume
relatif, la multiplicité de leurs tubercules, etc. Nous reviendrons sur cette pièce, dont il nous suffit d’indiquer
ici les ressemblances avec les ossements fossiles que nous avons précédemment fait connaître. Nulle
autre mandibule actuelle n’est aussi rapprochée de celle des collections Dupont et de Vibraye, et le
crâne auquel elle appartient, a un indice céphalique qui ne dépasse guère 75. C’est un argument qui
s’ajoute à ceux que nous avons déjà fait valoir, et à l'évidence desquels nous nous sommes rendus en
plaçant dans un même chapitre la description des fragments de crânes dohchoplatycéphales et celle des
mandibules que nous,avions été tous deux induits à rattacher auparavant à des crânes mésatioéphales.
Quelques-unes des analogies anatomiques que nous poursuivons se rencontrent encore en dehors
du continent australien, jusque chez des indigènes de l’océan Pacifique habitant des groupes d îles parfois
bien éloignés dans l’est. Les populations de la Polynésie sont loin d’être aussi homogè.nee qu’on le
oroit généralement; elles diffèrent assez sensiblement les unes des autres par leur? caractères physiques.
Les renseignements précis sur les mélangés entre Malais, Polynésiens et Australiens, dus S M. Swgving,
l'anthropologiste qui a le plus complètement étudié l’anatomie de ces races ([l^'pxpliqnenlt Ta. dissémination
des caractères dont il est' ici "question. II néus paraît évident que ce sont des phé'nomènes
ataviques qui ramènent sporadiquement au sein des populations d’un type généralement bien différent,
aux îles Marquises par exemple, les traits particuliers de quelques ancêtres australiens.,
Quant aux comparaisons successivement établies à l’occasion du crâne du Larzac, de la mâchoire de
la Naulette, etc., entre les premiers habitants de l’Europe et certains Mélanésiens; elles né nous ont paru
reposer que sur des ressemblances d ’une bien moindre valeur. L’existence de saillies surcdières
fortement accusées, ou d’une symphyse proclive (fig. 47), chez les Papoues, doit nécessairement amener
quelque ressemblance entre ces nègres océaniens et notre race de Canstadt dans laquelle, ces formes
particulières sont si bien accusées! Mais làse bérne l’analogie, et lorsqu’on entre dans un examen plus
détaillé des têtes néo-calédoniennes ou néo-hébridaises comparées à nos fossiles par M. Prüner-Bey
ou par M. Broca (2), on ne trouve plus que des traits de ressemblance tout à fait généraux, et qui sont
communs à la plupart des races humaines inférieures.
(t) G 'Swavivg. B M jm g van Schcdcls van InbmrKngcn uit de Bevenlandm mn Palemtang.JuiiPSmmtra (Nalmrkmdig TO<t-
pologie, etc., 2e sess., 1867, p. 398, etc.
Nous avons terminé l’exposé des comparaisons anatomiques que peut suggérer l’étude approfondie de
la racé de Canstadt. Cette discussion permet, croyons-nous, d’affirmer q o eB type' des habitants primitifs
de l’Europe occidentale et centrale n’est pas entièrement éteint, mais que par voie d’atavisme il
Fig. 46. — Maxillaire inférieur de la Naulette.
(Mus. Hist. Nat. de Bruxelles.)
Fig. 47. — Branche horizontale du maxillaire inférieur d'un Mélanésien
dé l’îie Fate (Nouvelles-Hébrides). [Mus. Soc.Anthrop.)
réapparaît çà et là sur une vaste étendue de l'ancien monde sur laquelle les hommes primitifs ont d ailleurs
dispersé à une époque fort reculée les produits d une industrie toute primitive (i).
L'un de nous avait professé précédemment une opinion différente. A 1 époque où le crâne du Neander
restait à peu près isolé, il avait considéré ce crâne comme une exception individuelle se rattachant probablement
à la race dolichocéphale des dolmens (race celtique de M. Prünér-Bey) (2). Mais à mesure
que les faits se sont multipliés, il a été amené à d’autres convictions. En retrouvant ce type si remarquable
sur des points très-éloignés et de plus en plus multipliés, il s est vu placé dans 1 alternative ou
d’accepter la reproduction de cette forme crânienne comme le résultat de 1 atavisme, où bien d admettre
que cette même forme si caractérisée pouvait apparaître isolément et par hasard au milieu de populations
appartenant aux types les plus divers, dans les conditions de milieu les plus différentes. Cette dernière conclusion
lui a paru être absolument inacceptable. 11 a donc admis avec son collaborateur 1 existence dune
race paléontologique dont le crâne du Neanderthal exagère les caractères et qui, fondue avec les races
postérieures, accuse son existence passée par l’empreinte qu’elle impose encore aujourdhui à quelques
rares individus.
11 paraît ressortir, en outre, de l’enquête qui vient d’être établie, que 1 une des races qui ont contribué
à former la population indigène du continent australien, est anatomiquement très-voisine de la race
que nous avons décrite sous le nom de race de Canstadt. Aussi serions-nous disposés à classer les premiers
hommes fossiles dont nous avons tenté dè reconstituer le type, dans un groupe ethnique voisin
de celui où figurent, à côté des Australiens du sud et de l’ouest, certains peuples noirs de l’Inde centrale.
Toutefois, nous ne nous dissimulons pas ce que cette conclusion aurait encore de prématuré et nous en
appelons à des études nouvelles pour confirmer cette manière de voir, qui conduira peut-être à trouver,
dans une dés races actuelles les plus inférieure^; -la descendance plus ou moins éloignée de la plus
ancienne race humaine connue àü moment où nous écrivons.
On remarquera, en terminant, que les considérations empruntées à l’archéologie et à 1 ethnographie
peuvent conduire à des résultats très-semblables à ceux qui reposent sur une analyse attentive des caractères
ostéologiques.
(1) L’un de nous a fait plusieurs fois remarquer l’extension prodigieuse dans l’espace dès pierres travaillées dites haches de Samt-
Àcheul, que l’on trouve depuis San Isidro, près Madrid, Hoxne en Suffolk, Balinghen (Pas-de-Calais), etc, jusqu’à Mégalopolis,
en Grèce, Beith-Saour (Palestine), Abou-Sher-Aïn (Babylonie), Thèbes d’Égypte, et enfin Madras. (E.-T. Hamy. Sur l'Egypte
préhistorique (Bull. Soc. cPAnthrop., 2° série, t. Y, p. 15-18. 1870, etc.) ,
(2) A. de Quatrefaoes. Rapport sur les progrès de VAnthropologie en France. Paris, 1867, gr. in-8°, p. 251. — Cf. Joum. des savants,
1871, p. 206.