Garnot n’a mesuré qu’une dimension verticale sur la face de ses Papous, c’est la hauteur de l’orbite;
elle dépasse de 1 millimètre seulement celle que nous trouvons sur les crânes de Rawak. En corrigeant
à l’aide des données tirées des autres mesures le diamètre transverse de l’orbite qu’il ne déterminait pas
suivant l’axe horizontal de cette cavité, on le ramènerait très-approximativement à 0",040, ce qui, avec la
hauteur égale à 0m,036, constituerait un indice orbitaire de 90, supérieur de quelques centièmes à celui
de la série de Rawak.
L’angle facial mesuré sur dix-neuf individus vivants suivant une méthode particulière (1) a donné un
maximum de 69° et un minimum de 63° avec une moyennê de 65° à 66° (2).
Crâne de Papou de Boni (fig. 226). — Vingt-six ans avant Quoy et Gaimard, trente ans avant Lesson et
Garnot, Labillardière, l’un des naturalistes de l’expédition de d’Entrecasteaux, avait visité l’archipel des
Papous (1793) et recueilli dans la petite île Boni, voisine de l’île Rawak, sur la côte septentrionale de
Waigiou, un crâne déposé par lui au Muséum, et qui, longtemps resté dans les magasins de l’Anatomie
comparée, n’a point été jusqu’à présent décrit (3). Ce crâne rappelle jusque dans le détail ceux de Rawak et
de Waigiou dont il vient d’être question. Sa capacité est la même que celle du moindre crâne de Rawak, et
ses formes générales sont intermédiaires à celles des n05 2 et 3 de la collection de Y Uranie ; seulement
l’aplatissement postérieur est poussé à l’extrême, ainsi que la dilatation transversale correspondante, e tl’o®
voit l’indice céphalique s’élever à 91.
A utres Crânes Papous. — Les autres crânes brachycéphales de la Nouvelle-Guinée, dont nous avons des
descriptions, principalement dans les recueils hollandais, semblent tous appartenir au type de Waigiou,
Boni et Rawak que nous venons de détailler.
G. Sandifort, qui a publié le premier document qu’on ait fait connaître depuis le mémoire de Quoy et
Gaimard, a donné une énumération de caractères, un tableau de mensurations et deux figures de grandeur
naturelle (4) qui ne laissent guère de doute sur l’identité de type de sa pièce et de celles que nous
avons sous les yeux. Ce crâne, envoyé par Heppener à Brugmans et qu’on peut voir aujourd’hui au Musée de
l’Académie de Leyde, vient, dit Sandifort, de la terre des Papous. Il est brachycéphale, avec un diamètre antéro
postérieur de 0"*, 171, un diamètre transverse maximum de 0m,146, et un indice céphalique de 85,38.
Son diamètre vertical est de 0m,145, ses deux indices verticaux sont, par conséquent, de 84,69 et 99,31.
Toutes ces données concordent exactement, on le voit, avec celles que forme la moyenne des crânes décrits
plus haut. Ses courbes antéro-postérieures reproduisent assez exactement celles de notre figure dont elles ne
diffèrent que par moins de saillie des arcs surciliers, un peu moins d’amplitude, surtout en arrière, et
l’aplatissement postérieur moins sensible. La courbe transverse, autant qu’on en peut juger, dans l’attitude
penchée où Sandifort a représenté la vue de face de sa pièce, rappelle la courbe semblable des crânes
nos 1 et 2 de Quoy et Gaimard. Le profil facial est exactement le même que celui de la figure 2 de notre
planche XIX, avec ses os nasaux, petits et concaves et son prognathisme alvéolaire (5). Les dimensions en
largeur sont amoindries, les orbites ont cependant, à très-peu de chose près, la même étendue que la 1 2 3 4 5
(1) Cet angle, dit Lesson, résulte de deux lignes partant des dents incisives supérieures et se rendant, l’une à la racine du nez et
l’autre au trou auditif (Voy. de la Coquille, Zoologie, t. I, p. 519).
(2) Garnot. Op.cit. (ibid., p. 115).
(3) C’est à M. P. Gérvais que nous en devons la connaissance. Les mesures de cette pièce ajoutées à celles des quatre crânes de
Rawak ci-dessus décrits forment la dernière colonne du tableau XX ci-dessus.
(4) G. Sandifort. Tabula craniorum diversarum nationum. Cranium incoloe Novoe Guineoe vulgo Papous dicti. — Ce sont les mesures
de ce même crâne que Salomon Müller a rapprochées de celles des crânes de la baie du Triton dans le tableau qu’on trouve p. 65, des
Verhandelingen over deNaturlijke Geschiedenis der Nederlandsche overzeesche bizitlingen... Bd. I, 1839-1844. Bijdragen tot de Kennis van
Nieuw Guinea. Afd. II.
(5) On remarquera que 1’incisive moyenne gauche, restée en place, est horizontalement limée, à la mode malaise, sur sa face
antérieure ; nouvelle preuve de l’influence exercée dans ces parages par les navigateurs malais.
moyenne des crânes de Rawak (haut. 0,035, larg. 0,038), mais les diamètres interorbitaire (0,021) et
bizygomatique (0,134) sont bien réduits et le nez a perdu un peu de sa largeur. Sandifort a très-exactement
mesuré la voûte palatine, la comparaison de ses chiffres avec ceux de la dernière colonne de notre
tableau XX montre que cette voûte, aussi profonde, est seulement un peu plus courte et un peu plus large
en arrière. La mâchoire inférieure se fait remarquer par la force de ses branches montantes, très-larges à
proportion de leur hauteur et portant des empreintes musculaires bien accusées, l’incurvation en avant et
la brièveté de l’apophyse coronoïde qui reste tout entière à découvert au-dessous de l’arcade zygomatique.
Ses branches horizontales sont robustes, le menton est moyen, un peu saillant et le bord alvéolaire offre
un certain degré de proclivité.
Vrolik a, dans son catalogue, rapproché avec quelques réserves, de la pièce de Sandifort dont il vient
d’être question, un crâne d’homme venant de la Nouvelle-Guinée, sans renseignements précis sur son
lieu d’origine, et dont les mesures de longueur (0,180) et de largeur (0,153) donnent [en effet un indice
(85,00) très-peu différent de celui qu.i se tire de la comparaison des chiffres de Sandifort. Ce crâne
« raccourci » n’est d’ailleurs pas « complètement symétrique. » Il est bien difficile, à l’aide des renseignements
sommaires du catalogue Vrolik de se rendre un compte exact des analogies et des différences que
peut présenter sa pièce avec celles que nous avons eues sous les yeux. Nous sommes cependant frappés par
le peu de hauteur que son tableau indique (0m,13), étant données les dimensions en longueur et en largeur
que nous venons de transcrire. Le front, assez étroit en bas (front, min. 0m,099) est fort large en haut
(front, max. 0,123), les pariétaux sont aussi très-dilatés (dist. entre les bosses(0m,146), la circonférence horizontale
est de 0",520, la médiane totale au contraire descend à 0m,457. Le peu que nous savons de la face
indique de faibles dimensions, mais le nez est long et proéminent.
La suture lambdoïde et la partie postérieure de la sagittale sont oblitérées, « ce qui ne répond pas, dit
Vrolik, à la disposition des dents, qui est celle d’un homme encore jeune, car la dent dite de sagesse ne
se montre qu’au côté gauche de la mâchoire supérieure et manque encore au côté droit, ainsi qu’à la
mâchoire inférieure (1). »
Nous citerons encore un crâne de la collection Van Lidth de Jeude, d’Utrecht, actuellement entre les
mains de M. Barnard Davis (n° 1401 de son catalogue) dont les dimensions se rapprochent de celles du
plus petit de nos crânes de Rawak, sans cependant l’atteindre et dont l’indice 83,03, est en même temps
un peu inférieur à ceux des pièces précédentes. Sa capacité est de 1450cc, sa circonférence horizontale
mesure 0m,492. Son diamètre antéro-postérieur égale 0m,165, le transverse maximum, 0m,137 ; le
frontal maximum, 0“,111, l’occipital maximum, 0m,101. La courbe antéro-postérieure dans sa partie
frontale atteint 0”, 119, dans sa partie pariétale, 0m, 114, et0“,109 dans sa portion occipitale : ses incisives
supérieures ont été limées comme celles du crâne de Sandifort, et le bétel a laissé sur toute la dentition
les traces de son usage.
Nous avons terminé l’examen des matériaux actuellement existants dans les musées sur les Nègres
brachycéphales de la Mélanésie. Un jeune sujet de quinze ans, appartenant à ce type, mort à Paris d’un
mal de Pott il y a une vingtaine d’années, va nous permettre d’apprécier jusqu’à un certain point quels
sont les caractères extérieurs delà tête dont nous venons d’étudier l'ossature (2)* i •
On retrouve assez bien, sous la chevelure crépue de ce Papou, les courbes que nous avons décrites, et
notamment l’aplatissement postérieur qui est oblique comme dans un des crânes de Rawak dont il était
question plus haut. Le diamètre antéro-postérieur est 0m,180, le transverse maximum atteint 0°,149, et
(1) Musée Vrolik, p. 67.
(2) Tessier, qui avait soigné dans son service d’hôpital ce jeune Papou, a pu disposer de son cadavre, en faveur du Muséum, où
l’on a préparé son squelette et moulé le buste dont il est ici question.