Les autres raeés nègres déjà décrites et celles dont il nous reste à parler ne prêtent à aucun rapprochement
utile avec ces Négrilles ou Pygmées.
Chapitre IX. — Race Congo.
§ 1. — Historique.
Le nom de Congo, pris dans son application la plus large, désignerait toute cette étendue de côtes qui
vont s’incurvant doucement en une concavité de près de quatre cents lieues, depuis lè cap Lopez et les
lagunes du Fernand-Vaz jusqu’au cap Negro, et sont habituellement distinguées en Loango, Congo proprement
dit, Angola et Benguela. Les habitants de cette vaste contrée sont loin d’appartenir à une seule
et même race. Nombre d’observateurs, depuis Lopez et Cavazzi, ont, au contraire, insisté sur les variations
que les Nègres y présentent d’une localité à l’autre (1)* tout en reconnaissant, quelques-uns d’entre eux
au moins, et Prichard (2) en particulier, qu’ils offrent, en commun, un caractère de physionomie qui s’écarte
de la physionomie nègre.
Les anciens explorateurs portugais avaient déjà saisi cette différence que les observations de Grandpré,
de Tuckey, de Chr. Smith, etc., ont accentuée de plus en plus, et que la crâniologie permet aujourd’hui
de préciser jusqu’à un certain point, en maintenant d'ailleurs, contre l’opinion de quelques ethnologues,
tous ces Guinéens méridionaux à une bonne distance des Blancs avec lesquels on leur trouvait parfois des
analogies trop étroites.
Maurice Rugendas (3) entra, le premier, dans l’examen détaillé des diverses populations nègres transportées
au Brésil des ports de la Guinée Inférieure, et il fut dès lors établi que, si le Congo est habité par
des Noirs de types différents, parmi lesquels il s’en trouve qu’il faut classer au nombre des Nègres proprement
dits, du moins nourrit-il une race spéciale, à laquelle nous croyons devoir réserver provisoirement
le nom propre de Congo, et que son indice céphalique nous engage à étudier rapidement ici d’apcès
les matériaux malheureusement trop peu nombreux dont nous pouvons disposer.
Blumenbach, Prichard, Vimont, Anders Retzius (4) ont publié des crânes du Congo, mais c’est à
M. J.-B. Davis qu’on doit les premiers renseignements positifs sur des pièces du Congo propre et du
Loango (Mayomba, Sette, etc.), dont la description, quelque brève qu’elle ait été, a comblé une importante
lacune dans nos connaissances sur l’anthropologie de la Guinée Inférieure.
MM. Bastian, Falkenstein, Mechow, de l’expédition allemande au Loango, ont recueilli à Cabinde,
Quillou, Chinchoxo, etc., un nombre considérable de crânes. Malheureusement leurs précieuses collections
sont encore inédites, et nous ne pouvons point nous éclairer des lumières que leur étude ne manquera
point de jeter sur toute cette ethnologie guinéenne, encore aujourd’hui si obscure (5).
(1) Dapper. Ed. cil., p. 348, etc. — D e Grandpré. Voyage à la côte occidentale d’Afrique fqit dans les années 1786 et 1787. Paris.
An IX, in-8°. T. 111, p. 13, 25, 38, etc. — Tbckey. Narrative of an Expédition lo explore the River Zaïre, usually called the Congo in
South Africa, in 1816. London, 1818, in-4°, etc. — Cf. W aitz. Op. cit. Th. II, s. 368.
(2) J.-C. P richard. Bd. cit. Vol. II, p. 323, etc.
(3) M. R ugendas. Voyage pittoresque dans le Brésil. Paris, 1827, in-4°, 2° div., pl. IX, X, XIII, XIV, XV.
(4) Blumenbach (Dec. ait., p. 13,14, pl. XVIII) a le premier fait connaître un crâne venu du Congo, en insistant sur les points par
lesquels il s’écarte le plus de ceux des autres nègres. J.-C. Prichard (Op. cit., trad. Roulin, pl. I) en a étudié un autre, au point de vue
des apparences qu’il nomme pyramidales. Vimont (Atl. cit., pl. CIII, fig. 2), A. Retzius (Ethnolog. Schrift, pl. II, fig. 4) ont fait connaître
d’autres pièces, mais tous ces crânes, aussi bien qu’un autre du musée de Goettingen,.et un dernier que nous avons étudié dans
le laboratoire de M. Broca, ne sont Congos que dans l’acception extensive indiquée dans les premières lignes de ce chapitre. Leur
provenance spéciale est indéterminée.
(5) Les collections de l’expédition allemande au Loango, déposées au musée anatomique de l’Université de Berlin, ne comprennent
pas moins de 80 crânes, dont 20 étiquetés Loango recueillis par M. Bastian, 20 dits Ambuco du même, 24 de Chinchoxo de M. Me-
chow, 16 de.Cabinde et Quillou, par M. Falkenstein. On trouve, en outre, dans le même musée, 18 crânes marqués Afrique occiden-
§ 2. — Description.
Nous exposerons d’abord ce que nous avons pu savoir des crânes des Congéens ou Congos proprement
dits; nous examinerons ensuite ceux des tribus du Loango, Mayomba, N’Gombi ou Sette, etc., qui font
partie du même groupe, et nous pénétrerons de nouveau dans le bassin de 1 Ogooué pour y suivre les tribus
de la race qui arrivent jusqu’à ce fleuve. Cette étude sera très brève, les matériaux connus jusqu’à présent
étant peu nombreux, quelques-uns même d’origine douteuse.
Crânes de.Gongos proprement dits (pl. XXXVI, fig. 1 et 2 et dans le texte fig. 305). — Le crâne de
Congo,le plus accentué que nous ayons eu sous les yeux est celui du Nègre Sim-Sam, mort à l’âge de
quarante ans environ, à Sainte-Lucie, où il avait été transporté. Ce crâne, dont
on peut voir le profil et la face dans notre atlas, fait partie de la collection
Dumoutier (n° 37), acquise par le JMuséum d’histoire naturelle. Il est sous-
brachycéphale (d. a. p. 0m,189, d. tr. max. 0m,148, ind. céph. 78,30), et le diamètre
transverse l’emporte d’un centimètre sur le basilo-bregmatique (d. bas.
bregm. 0,138, ind. haut. larg. 73,01, haut. larg. 93,25). Sa capacité-est de
1465cc; ses circonférences atteignent 0m,535, 0m,509, et 0m,450.
Les arcades surcilières y sont mieux accentuées et plus saillantes que sur aucun
des crânes, nègres africains examinés jusqu’ici, sans atteindre pourtant, à
beaucoup près, le volume de celles des Nègres d’Océanie, des Papouas par
exemple. Elles dessinent à la base du front un V aux jambages fort écartés et fort
Fig. 305. — Crâne de Sim-Sam,
obliques, au-dessus duquel le profil fuit assez rapidement. Relevé sur la ligne
nègre du Congo (Mus, Hist.
Nat., Coll. Dumoutièr, n° 37).
médiane en une sorte de voussure qui va s’étalant vers le bregma, et qu’une
dépression en fer à cheval sépare des saillies surcilières, le frontal se déprime' de chaque côté en deux
concavités étroites, mais qui vont se prolongeant par de larges méplats sur les pariétaux jusque vers
les bosses, et que limitent en dehors les crêtes temporales, assez vigoureusement empreintes. Les
bosses frontales sont rejetées en dehors et un peu en bas, et de multiples sillons latéraux rappellent
le passage des veines orbitaires externes. La longueur était moyenne (0m,I27), la largeur est partout
considérable (d. front, max. 0m,I24, min. 0,108). Les pariétaux, unis au frontal par une suture
extrêmement simple, sont aussi partout très larges. Surélevés dans leur moitié antérieure sur la
ligne médiane, ils se dépriment un peu au contraire, dans la moitié postérieure, qui descend vers le
lambda par un changement de courbure un peu brusque. Quoique les lignes temporales soient bien
apparentes, et les méplats qui les surmontent assez nettement déprimés, , les bosses temporales apparaissent
mal circonscrites, mais les écailles temporales sont remarquablement convexes, et les renflements
qu’elles manifestent dans le norma verticalis (fig. 305) sont d’autant plus apparents que les angles antéro-
inférieurs des pariétaux sont plus profondément ,déprimés.
Une articulation, simple dans son ensemble, mais néanmoins assez finement denticulée, relie les pariétaux
à l’occipital; on y remarque un os wormien. de 0m,024 sur 0m,026 vers le milieu de la lambdoïde
gauche. L’écaille cérébrale continue sans aucun ressaut la, courbe pariétale. La protubérance externe est
robuste, mais peu en saillie ; les voussures cérébelleuses sont saillantes et arrondies, les insertions mustale,
sans désignation de localité, et quelques tètes plus anciennement recueillies, et originaires du Congo, du Benguela et de l’Angola.
D’après M. Anoutchine qui a récemment visité cette collection, elle renfermerait deux types crâniens distincts ; l’un se rapprocherait
de la mésâticéphalie, l’autre serait au contraire extrêmement dolichocéphale. A ce dernier appartiendraient plus spécialement les
crânes de Quillou.
Quatbepages et Ramy.