toutes minces et plus ou moins aiguës, 21 dépassent la longueur moyenne et 14 sont courbées en lame
de sabre. Et, si dans oette série l’on cherche la place de l’os de Savône, o’est après le dixième rang seulement
qu’on est conduit à l’intercaler. Pour mieux taire saisir l’identjtg' de notre pièce et des mandibules
de ■vieillards que nous avons étudiées, nous avons fait graver deux maxillaires inférieurs remarquables
par la longueur et la courbure de leur apophyse coronoâde, l’un qui vient d’un vieillard à peu près édëntc
(fig. 2), a été donné à la galerie d’Anthropologie du Muséum par M. Paul Gervais qui l’a extrait de la grotte
sépulcrale de Rocca Blanca, près Cabrières (Hérault) (1). L’autre (flg. 3) est oélui d un idiot plus accusé^
gflig. i. — Fragment du maxillaire infé
rieur humain, trouvé dans le pliocène
inférieur de Colle del Vento, Savone.
. (Cab. Perrando.)
Fig 2 — Maxillaire inférieur de la grotte de RoccasBlanca^ près Cabrières
(Hérault). (Mus. Ilist. Nat. Collecl., P. Gervais.)
Fig. 3. — Maxillaire inférieur d'un idiot. (Gollect: Broca.)
encore que le précédent, et qui fait partie de la belle collection rassemblée par M. Broca au laboratoire
d’AnthropoIogie de l’École pratique des hautes études. Tandis que l’apophyse de Savone mesure 0”, 023
de longueur et 0“, 017 de largeur à sa base, celle de Rocca Blanca atteint O”, 029 de long sur 0 ,020 de
large au même point, et celle de l’idiot 0“, 030 sur 0", 0115. Une autre mâohoire recueillie dans l’anciën
Charnier de Sainte-Marine de Paris nous a donné pour ces deux dimensions 0", 031 et 0", 014.
Le maxillaire inférieur trouvé à Foxhall, près Ipswich (Suffolk), par M. J. Taylor, et dont M. Robert
(1) Voir sur cette grotte, P. Gervais. Recherches sur Varusienneté de l'homme el la période quaternaire, p. 39-42, m-4°. Paris, 1867.
H. Coïlyer a donné une description dans l’AnthropologicalReview (1), présente des caractères coronoïdiens
compardBlëiÈà ceux de la mandibule de Savoie, quoique moins accusés. Cette analogie s’explique aisément,
puisque, d’après la détermination de M. Busk, la mâchoire de Foxhall vient d’une vieille femme
(sorm-old womari) (2).
On’ trouve d’ailleurs sur cette pièce d’autres caractères, ceux-ci vraiment ethniques, sur lesquels nous
reviendrons plus tard; cet intéressant débris ne pouvant pas être rattaché^*comme on l’avait pensé
d'abord, au terrain tertiaire ou crag, mais paraissant, en tous cas, del’avis de MM. Huxley et Busk, remonter
à Une très-haute antiquité (3). :
Nous n'avons donc, jusqu’à présent, aucune notion positive sur la faune humaine tertiaire (4) : les
hommes, qui à ces époques taillaient grossièrement les silex ou incisaient les os à Saint—Prest, au val
d’Arno etc., nous sont absolument inconnus au point de vue anatomique. Mais -les ténèbres qui entourent
le berceau de l'humanité, commencent à se dissiper aveo Tépoque quaternaire. Dans les plus anciennes
formations rapportées à ce niveau par les géologues, à côté des animaux caractéristiques, on ne trouve plus
seulement les restes d’une industrie toute primitive. Les silex taillés, les os incisés, les fossiles perforés
etc., des terrains quaternaires inférieurs sont parfois accompagnés d’ossements humains. Le nombre
de ces débris n’est pas enoore considérable, et leur état de conservation laisse souvent à désirer. On a
pu cependant reconnaître qu’ils appartiennent à plusieurs races. Malgré les- difficultés toutes spéciales
dont est entouré l’exàmen dé cès os, nous avons réussi à reconstituer trois races quaternaires au moins,
dont nops allons successivement aborder l’étude, en commençant par la plus ancienne; dont on a généralement
trouvé les restes dans dgs, terrains contemporains de la première faune quaternaire, celle ou
régnent presque exclusivement les animaux éteints : le mammouth, les rhinocéros, etc.
Chapitre I I . — première race hdmaine fossile ou race de canstadt (H) 1
§ 1. — Historique.
Cette race, la plus vieille des races humaines connues, à juger de son âge relatif par les débris des
animaux en majorité disparus qui coexistaient avec elle, est aussi celle dont on a eu le plus anciennement
connaissance. En effet, la première découverte en fut faite, il y a plus d’un siècle et demi, dans
l’Allemagne du Sud. Par les ordres du duc Eberhard Ludwig de Wurtemberg des fouilles avaient été
exécutées, en 1700, sur l’emplacement d’un oppidum romain, à Canstadt près Stuttgard. Pendant les six
(1) R obert H. Collyer. The fossil humanjaw from Suffolk (Anthropological Review), t. Y, p. 221-229. April 1867.
(2) Ibid., p. 222.
• (3) Ibid., p. 223 et 228.
• (4) Le directeur du Geological Survey de Californie, M. Whitney, a fait beaucoup debruit, en 1867, de la découverte d’un crâne
humain à 153 pieds de profondeur sous cinq ou six couches de lave alternant avec des lits de graviers, et qui, plus ancien que les
phénomènes éruptifs dont ces laves furent les produits, serait au moins pliocène, si, comme le professe M. Whitney, l’éruption de
la grande masse de matériaux volcaniques sur le versant occidental de la Sierra-Nevada a commencé à l’époque pliocène. Depuis la
date oh cette nouvelle fut propagée en Europe par les Archives de la Bibliothèque universelle de Genève (février 1867), malheureusement
cinq ans se sont écoulés, et, malgré nos demandes de renseignements, nous ignorons encore ce qu’est ce fameux crâné qui n’a pas
été publié.
(5) Dans mon Rapport sur les progrès de l'Anthropologie en France, imprimé en 1867, j'ai présenté sur quelques points de la science
des opinions différentes de celles qu’on trouvera exprimées ici. Tout en faisant parfois des réserves formelles (p. 264, 270, ...) j’ai
exposé ce qu’on pouvait regarder à cette époque, soit comme vrai, soit comme probable, et je Crois encore aujourd’hui avoir assez
fidèlement représenté l’état de la science à ce moment. — Mais depuis lors de nouveaux faits ont été découverts. Je n’ai pas hésité à
en tenir compte et à modifier ma manière de voir. Déjà je me suis expliqué à ce sujet dans diverses circonstances, entre autres dans
les Reliquiæ aquitanicæ et dans le Journal des Savants, (avril-mai-juin, 1871). On ne sera donc pas surpris de me voir accepter aujourd’hui
l’antériorité des dolichocéphales dans l’Europe occidentale, l’antiquité des crânes de Neanderlhal et de La Denise, etc. ainsi
que les conséquences qui découlent de ces faits. A. de Quatrefages.