Earl (1), MM. Jacquinot (2), A. Maury (3) et L. de Rosny (4). ont depuis méconnues, mais que des renseignements
oraux, communiqués récemment à l’un de nous, viennent confirmer complètement )
L’existence de cette population négrito dans les montagnes Indo-Chinoises explique les analogies que
M. Mondière a cru trouver entre le crâne du Négrito et celui de l’Annamite. Nous aurons plus tard l’occasion
d’étudier ces rapports et nous constaterons au Siam des analogies semblables.
Nous sommes un peu mieux renseignés sur les Noirs de la péninsule malaise. Signalés pour la première
fois en 1809, par Sir Th. Stanford Raffles (6), les Semangs ont été l’objet de l’examen de Macinnes, de
Crawfurd, et surtout de J. Anderson (7). On doit à ce dernier voyageur une description assez détaillée
de ces petits Nègres reproduite par le lieutenant-colonel James Low et par W. Earl. Ce travail tend à
établir entre les Semangs et les Mincopies urie identité complète. Le peu qu’on a dit de leurs traits se
rapporte volontiers à la description générale du Négrito.
Ces Semangs sont d’ailleurs assez souvent mélangés d’éléments empruntés à des populations voisines
de races différentes. Logan a fait connaître sous le nom de Semang-Bukit un petit groupe qui combine à
des traits véritablement nigritiques d’autres traits appartenant à un tout autre groupe. S’ils ont, en effet,
la tête petite, renflée et arrondie en arrière, la face moins étalée que celle du Malais, le nez court, les
mâchoires développées, mais peu prognathes, etc., leur front étroit par rapport à leurs arcades zygomatiques,
proémine en saillie obtuse, leurs arcs sourciliers sont en relief, et la racine du nez s’enfonce et forme
« un angle profond avec la base de l’arcade (8). » f
Les groupes de populations de Malacca, désignés sous le nom de Binouas et de Bermuns par le même
auteur (9) offrent des mélanges analogues. Les caractères de la race négrito sont plus accusés chez les Bermuns
que chez les Binouas. Les Udaï, en particulier, ceux des Bermuns que Logan regarde comme les
plus éloignés des Malais, ont pu être confondus par Raffles (10) avec les vrais Semangs.
Les Mintiras décrits et figurés par Logan (11), et qui sont les mêmes que les Mantras du Père Borie et
de M. de Castelnau (12), offrent des traits analogues ù ceux des Semang-Bukit du même auteur. Leur crâne
est petit; la circonférence horizontale mesurée sur le vivant n’atteint que SOfl1 2 3 4 * 7 8 9 1 12”1" sur trois hommes, 501
sur deux femmes, et en moyenne 506““ (13). Cette petite tête est arrondie; le front, étroit par rapport
aux arcades zvgomatiques, est bombé, surtout chez la femme, et relativement élevé. La racine du nez
est assez profondément enfoncée, et le bord supérieur de l’orbite est en saillie, quoique les arcades
sourcilières aient par elles-mêmes fort peu de relief. Cette double courbure, alternativement rentrante
(1) Earl. Op. cit., p. 158.
(2) Jacquinot. Loc. c i t , p. 360, 1846, in-8°.
(3) A. Maury. La Terre et l’Homme, 3e éd. Paris, 1869, in-!2, p. 422.
(4) L. de R osny. Mémoire sur l'ethnographie du Siam (Revue Ethnographique, 1869, t. 1, p . 140).
(5', E. T. Hamy. Sur l’anthropologie du Cambodge (Bull. Soc. d'Anthrop de Paris, 2* série, t. VI, p. 146, 1871).
16) Letter from Th. St. Raf/les to W. Marsden (Memoirs of the life and public services of Sir Thomas Stanford Raffles... by his
widow. London; 1830, in-4°, p. 17).
(7) Crawfurd. Hislory of the Indian Archipelago, vol. T, p. 23. Edinburgh, 1820, 1078°. — Id. Journal of an Ambassady from the
Governor general of India lo the Courts of Siam and Cochin China. London, 1830, 2d Ed., vol. i l , p. 220. — J. Low. The Karean tiibes
oflhe aborigines in Keddah and Perak. (The Journ. of the Ind. Archip. and East. Asia, vol. IV, p. 424-428).
(8) Logan. The Journ. of the Ind. Arch. vol. VIII, p. 100. — Cf. Notes at Pinang. Kidah, etc. (Ibid., vol. V, p. '59, 1851).
(9) L ogan. The Binua of Johore (Ibid., vol. I , p . 247-248, 1848).
' (10) R affles. Loc. cit., p. 17.
(11) L ogan. Physical Characterislics of the Mintira. (The Joum. of the Ind. Arch., vol. I, p. 294, 303,326, et pl. VII à IX, 1847.)— Id.
Visit of a parly of Orang Mintira toSingapore (Ibid., p. 332 et pl. X).
(12) Boriæ. On the Wild Tribes o f the inferior of the Malay Peninsula (Transact. of the Ethnol. Soc. of London, vol. III, p. 72,1863). —
L’éditeur anglais a par erreur donne à notre compatriote le nom de Bourien. — Cf. F r. de Castelnau. Mémoire sur les Mantras (Rev.
de Phil. et d'Ethnogr., t. Il, p. 134, 1876).
(ISVSur deux Biduandas et un Sabimba, tribus voisines, de race jaune, la même courbe est de 533n>m.
■et saillante, concave puis convexe, est la principale modification qu’ait subie le crâne négrito dans le
croisement qui a donné lieu aù Mintira.-
Le prognathisme affecte toute la face, mais il n’est accusé que dans la portion sous-nasale. Comme le
front est fort convexe et la projection du maxillaire relativement peu accusée* l’angle facial, pris par
Logan sur la partie la plus saillante, est de 80° en moyenne sur trois hommes, et monte sur un d’eux à
83°. Le même angle mesuré par le même observateur sur deux hommes Biduandas était de 73°. La face
«st losangique, réduite dans toutes les dimensions, ses diamètres transversaux sont de 106m”, à la base
des sourcils (d. biorb. ext.), et de 122mm au niveau des arcades zygomatiques (d. bizyg. max (1). Le nez
est court et large, le maxillaire inférieur est relativement très-robuste, sa symphyse est oblique en avant
et en haut.
Les Jakuns (2) nous sont connus par de bonnes photographies faites par M. A. Pichon, dans le massii
montagneux, à 10 kilomètres de la mer, droit au nord de Singapore. M. Favre disait de ces sauvages
qu’il1 n ’avait jamais vu une nation « présentant une si grande variété de physionomie. » Les portraits
décrits par l’un de nous (3) confirment cette appréciation.
Ils nous montrent dans une même tribu, peut-être dans la même famille, des individus qui ne diffèrent
pas moins par la conformation de la tête que par la taille, la couleur, les cheveux, etc., et dont les uns
■se rapprochent singulièrement des Malais, tandis que les autres rappellent d’une manière frappante, ceux-
ci l’Aëta figuré par M. A.-B. Meyer (4), ceux-là le Djangal du mémoire de M. L. Rousselet (5).
Crânes de négritos des îles de la sonde (fig. 2 1 1 ) . — Les données que nous possédons sur 1 anthropologie
de Sumatra sont beaucoup trop vagues pour nous permettre de rien affirmer à 1 égard des Noirs
que l’on dit y avoir vus (6). Java ne renferme actuellement aucun représentant connu de la race négrito*
nts ï’on en peut dire autant de presque toutes les autres îles de la Sonde jusqu’à Sumbava et Florès.
Mais ces îles et celles qui les suivent vers l’Orient, Pantar, Lomblem, Timor, renferment des Nègres
montagnards. Seulement les indications que nous possédons sur Pantar et Lomblem sont insuffisantes, et
le seul crâne publié de Florès (7) appartient à un autre groupe ethnique. Quant à Timor, les renseignements
recueillis par Péron (8), L. de Freycinet (9), Lafond de Lurcy (10), Thompson, Jacquinot (II)*
Earl (12), et l'anonyme de Porto (13), donnaient à présumer qti'üne partie des Noirs qui en habitent le
(1) Les mêmes mesures sur les Biduandas et le Sabimba donnent 125 et 129mm.
(2) Le nom de Jakun, est employé dans des sens divers. Il est attribué tantôt à une tribu, comme dans la note du P. Borie (loc.
■dt.), tantôt à un groupe de plusieurs tribus, comme dans le petit livre de M. Favre (An Account of the Wild Tribes inhabiting the Malay
Peninsula, Sumatra and a few neighbouring Island. Paris, 1855, in-12. — CL Journ. of the Ind. Arch., vol. II, p. 238). Ce dernier
voyageur désigne sous le non de Jakun non-seulement les Jakuns de Johore, mais les Sakkie (Sakaï), les Besisik (Besisi), les Halas,
•etc. Il en fait trois groupes, celui de Malacca, celui de Johore et celui du Rumbau et du Sungey Ujong.
(3) E. T. H amy. Sur les races sauvages de la Péninsule Malaise et en particulier sur les Jakuns (Bull. Soc. d'Anthrop., 2° série, t. IX,
p. 716-723,. 1874),
(4) A. B. Meyer, liber die Négritos der Philippinen mit abbild.. (Natuurkundig Tÿdschrift voor Nederlandsch. Indie D. XXXI, s.,;
.32, Batavia, 1873).
(5) L. R ousselet. Op. cit.,(Hei). d’i4ntArop.,t. Il, p. 281, 1873). . • >-
(6) Ce queD. de Rienzi, en particulier, a écrit sur les trois petits noirs de l’intérieur de Palambang qu’il a rencontrés à la côte de,
Sumatra, est tout à fait insuffisant. Ces Aïthalo-Pygmées, comme il les nomme, sont-ils des Négritos? cette hypothèse n est pas invraisemblable,
elle n’est malheureusement en aucune façon démontrée (D. de R ienzi. Op. cit., 1.1, p. 23).
(7) Lucæ. Zur Organischen Formenlehre. Frankfurt a. M. 1845, in-4°, taf. X, s. 45.
(8) Péron. Voyage de découvertes aux terres Australes. Hist., 1.1, p. 144. Paris, 1807, in-4°.
(9) L. de Freycinet. Voyage autour du monde... sur les corvettes l’Uranie et la Physicienne. Hist., t, I, p. 521 et 589. Paris,
1825, in-4°.
(10) G. Lafond. Récits et opinions de divers auteurs sur les noirs des îles Philippines et des grandes terres de la Malaisie et de l'Australie
(Bull. Soc. de Géogr. de Paris, 2° série, t. "V, mars 1836, p. 156).
(11) H. J acquinot. Op. cit., p. 374.
(12) G. W. E arl. The native races of the Indian Archipelago. Papuans. London, 1853,:inr8°, p. 181-182.
(13) Diccionario Geografico das colonias portuguezas. Porto, 1842, in-4°, p. 50.
Quatrefages et Hamy. /