pièce des marnes grises à Mammouth de la Truchère (1) présente à peu près le même rapport centésimal
entre ses dimensions de longueur et de largeur (Ind. céph. 84,32). Mais si ce curieux fossile concorde
presque avec ceux que l’on vient d’étudier par cet important caractère, il en diffère par un certain nombre
d’autres. Les mesures auxquelles nous l’avons soumise montrent toutefois que si la tête delà Truchère
est beaucoup plus volumineuse que les autres têtes brachycéphales examinées ci-dessus, sa
circonférence horizontale atteignant 546 millimètres et son indice cubique donnant pour capacité 1,925
centimètres cubes. Ce développement considérable se répartit presque également entre les pôles céphaliques;
le frontal atteignant dans son amplitude le chiffre extraordinaire du vieillard de Cro-
Magnon, 145 millimètres, le pariétal et l’occipital continuent à présenter avec ce premier les rapports qu’ils
affectaient avec lui sur les crânes de Grenelle. Mais les courbes sont très-différentes; celle du front est
presque verticale au-dessus des saillies courtes et lisses qui correspondent aux sinus* elle s’infléchit graduellement
à partir de la bosse frontale moyenne et aboutit à un bregma en relief dont la saillie fort accusée
s’exagère encore par suite d’une anomalie d’ossification. La suture frontale a persisté, en effet*
en suivant une direction un peu oblique en haut et à droite, de sorte que le frontal gauche plus déve-.
loppé vient s’articuler avec le pariétal droit dans une étendue de près de 2 centimètres.
Tout le long de cette suture médio-frontale règne une crête déplus en plus marquée de bas en haut,
crête qui atteint, son maximum au niveau du bregma, et se prolonge en s’adoucissant le long de la
sagittale. Cette voussure médiane antéro-postérieure contribue dans une certaine mesure à donner à la
voûte du crâne l’aspect pyramidal si frappant, dont notre figure 134 permet de prendre une bonne idée.
Les bosses frontales latérales, séparées des arcades sourcilières par une dépression transversale assez bien
accusée, sont beaucoup mieux limitées et plus écartées qu’à l’ordinaire, et se prolongent en un plan
oblique vers la portion teniporale du frontal assez renflée pour faire atteindre au frontal maximum le chiffre
tout à fait exceptionnel de 144 millimètres. Le front, si large en haut, se rétrécit notablement en bas, où
il n’atteint plus que des dimensions ordinaires.
Les pariétaux ont leurs bosses à peine visibles et placées relativement bas. Ils sont surtout fort développés
dans le sens transversal ; le diamètre bipariétal maximum, qui est situé fort en avant en même temps qu’il
est fort abaissé, atteint 0m,156.
L occipital est large (0”,121), presque taillé à pic, d’un développement assez considérable dans sa partie
cérébrale, très-restreint au contraire dans sa portion cérébelleuse. Il n’y a point de protubérance externe,
les crêtes musculaires sont médiocres. On voit un petit os wormien dans chacune des sutures lambdoïdes.
(J) M. Legrand de Mercey (Mat., d’archéologie et d'histoire, n° 12, p. 188 et suiv.) a découvert ce crâne d’homme dans la Seille, à
la Truchère, à 4 mètres au-dessous delà berge; elle gisait sous un véritable forest bed, dans les marnes grises à Elephas primigenius<
(Cf. Arch. du Mus. d’Hist. Nat. de Lyon, t. I, p, 6, 1873).
Les temporaux sont aplatis, et la descente des pariétaux vers les tempes à peu près verticale. Les apophyses
mastoïdes sont énormes, un peu asymétriques, les fosses glénoïdes sont larges et profondes, le trou occipital
est grand et allongé. *
Le développement de la face n’est pas en rapport avec celui du crâne, et l’on pourrait presque dire
qu’elle offre une disharmonie en sens inverse de celle des troglodytes de Cro-Magnon. Au-dessous du
crâne si vaste et si large que nous venons de décrire se montre une face proportionnellement petite et
un peu étroite, avec un grand nez saillant long et étroit (leptorhinien à 42,50 d’indice nasal), des orbites
petits et carrés, des pommettes un peu effacées quoique massives, l’arcade maxillaire relativement
étroite, l’intermaxillaire peu élevé, etc. Cette face présente quelques traits remarquables sur lesquels
il est bon d’insister. Nous voulons parler de la convexité et de l’épaisseur du bord orbitaire inférieur et
de la branche montante, de l’effacement des fosses canines, de la hauteur et de l’état lisse de la région
correspondante, du peu de concavité de la région molaire du maxillaire supérieur, enfin du prognathisme
alvéolaire des incisives et des canines. Nous aurons à utiliser ces caractères particuliers quand nous chercherons
plus loin à assigner à cette pièce jusqu’à présent unique sa véritable place dans la classification.
. § 3 .— Comparaisons anatomiques.
Les descriptions que l’on vient de lire paraissent démontrer que quatre types, ethniques, au crâne plus
ou moins arrondi, sont venus se juxtaposer ou se superposer en Europe pendantÿla période quaternaire
aux deux types dolichocéphales que nous avons étudiés au commencement de cet ouvrage. Ce sont, on
se le rappelle, le mésaticéphale et le sous-brachycéphale de Furfooz, les brachycéphales de la carrière
Hélië de Grenelle et de la Truchère, près Lyon. Nous allons nous efforcer de suivre, dans le temps et dans
l’espace, chacun de ces types, comme nous l'avons déjà fait pour les types de Canstadt et de Cro-Magnon,
en terminant nos précédents chapitres.
Les comparaisons anatomiques nous semblaient déjà fort difficiles, quand au milieu des éléments dolichocéphales
variés introduits en Occident depuis les temps néolithiques jusqu’à l’invasion sarrasine, il
nous fallait distinguer les descendants des hommes des deux races fossiles qui avaient fait jusque-là.
l’objet de nos recherches. Cependant les caractères spéciaux que nous avaient présentés leurs restes
osseux permettaient assez souvent d’atteindre un certain degré de précision, et d’ailleurs les quelques
races dolichocéphales survenues postérieurement présentaient un bon nombre de traits qui leur sont
propres et qui peuvent aider à les faire reconnaître.
Les brachycéphales préhistoriques et historiques de l’Europe appartiennent à des types ethniques
à la fois plus nombreux et plus rapprochés les uns des autres, et la tâche de l’anatomiste qui veut faire
la part des races quaternaires brachycéphales dans le peuplement de notre Occident devient extrêmement
délicate. Il doit forcément se borner, sous peine d’échouer dans ses tentatives, à l’analyse des séries
crâniologiques les plus anciennes ou les moins mélangées, dans lesquelles il lui sera quelquefois possible
de retrouver assez peu altérés les traits des hommes quaternaires.
Les types de Furfooz, en particulier, ne se laissent guère suivre à travers les âges : on ne les trouve
presque plus au delà dii bronze, sauf peut-être dans la vallée même de la Lesse, où ils semblent s’être
maintenus jusqu’aujourd’hui (I) et dans les grands cimetières parisiens où le premier a laissé quelques
traces.
(t) Nous avons cru’remarquer, en 1862, avec M. Lagneau, que les types quaternaires de Furfooz se maintenaient parmi les habitants
de la vallée de la Lesse. L’un de nous croit avoir constaté que, dans les environs d’Anvers, les hommes et les femmes pouvant
se rattacher à ces types étaient plus nombreux que dans la vallée de la Lesse. (Quatbefages, Sur les races humaines de l’Europe,
Quatrefaues et Hamy. i l