avec laquelle, depuis l’Ancien Empire jusqu’aux Ptolémées, les Égyptiens ont traduit les caractères
crâniens et faciaux des types ethniques qu’ils avaient à sculpter
ou à peindre. Cet art ethnographique, dont les panneaux de la
III0 dynastie, récemment découverts par M. Mariette (1), sont les
plus anciens monuments, atteint son plus haut degré de développement,
après l’expulsion des Hycsos, sous les XVIIIe et XXIe
dynasties.•C’est à cette grande époque qu’appartiennent les productions
anthropographiques les plus remarquables de l’Égypte,
les sculptures et les peintures des palais et des temples de Karnak,
du Ramesséum, de Deir el Bahari, d’Ibsamboul, de Soleb, etc., et
celles des tombeaux de Biban el Molouk, de Qournet Mouraï, de
Cheikh abd el Qournah, etc.
Les plus célébrés de ces oeuvres d’art toutes spéciales sont celles
que, depuis Champollion, l ’on désigne sous le nom de tableaux des
races humaines. Belzoni, Champollion, Lepsius, Bfugsch (2) en
ont publié des figures avec quelques variantes ; nous reproduisons
plus loin, avec la plus grande exactitude et de visu, les têtes des
personnages qui y figurent.
Le premier, que Belzoni avait cru Persan, et que Champollion
considérait comme représentant l’Europe (3), est un Tamahou,
probablement un Libyen de la race blonde du Nord ; le second
Fig. 169. — Tête d’une statue supposée celle de
un Asiatique de race sémitique; le troisième, est un nègre, Nahsi; le quatrième,
un Égyptien. Cet ensemble, qui correspond, comme
Champollion 1 avait reconnu, à de grandes divisions
géographiques et surtout ethnologiques, est sujet dans
les monuments funéraires à quelques variations qui
montrent bien que les Égyptiens en avaient fait l’expression
d’un véritable système ethnographique. Le sémite
de la figure 172 est en effet remplacé quelquefois dans
cette scène par un autre individu de même type que tout
son extérieur engage à considérer comme un véritable
Assyrien ; quelquefois encore c’est un Iranien qui vient
représenter l’Asie. Champollion a aussi noté des variantes
intéressantes du Tamahou.
Dans la scène des tributs à Touthmès III du tombeau
de Rekhmara, publiée, mais d’une façon très-insuffisante,
par Hoskins et Wilkinson, l’Afrique et l’Asie sont seules
en action, en registres alternés. Le Poun, qui correspond
à l’extrémité orientale de l’Afrique, et le Kousch,
Ethiopie el Soudan, représentent la première, les Kéfat
Ramsès II.
Fig. 1/0, - Les races vaincues,du temple dibsamboui. ou Phéniciens et les Rotennou, du nord de l’Asie anté-
- --------- -— awum o» Musee ae üoulaq. Le Caire, 1872 in-f« §1 {■%
»— l ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ 9 9p' f - pL « ■ . Abth. IJI. Bl. 135-136. Berlin in f» n n , n. V. ’ , ~ JjBPSIGS> Denkmäler aus Ægyplen und Ethiopien.
W È m Op. oit.,, pP. 390 1858, in-i-, M a w . champollion, Lettres écrites (VÉgypte et de Nubie.en 1828 et 1829. Paris, 1832, i,n-8»
rieure* répondent à la seconde. Huit types ethniques figurent dans ce splendide monument, ce sont, avec
les Égyptiens, des nègres noirs* bruns et rouges, des Asiatiques blonds, etc.
Le tombeau de Houi,- contemporain du règne d’Amentouonkh, nous en montre plus encore. Les nègres
y ont des délégués de cinq tons de peau différents. On y voit en outré des Éthiopiens et des Assyriens de
deux races, l’une claire et l’autre foncée.
Ajoutons à cette énumération les Petti et les Menti du Sinaï, les Sati et les Tennoü de Palestine,
les Shasou du? Liban* les Kétas de l’Oronte,' les Ruten, les Amorrhéens (Amaor), etc., représentés sous
les traits des races sémitiques ; les Tahennou de racé Libyque, Mashouashas, Kahakas ; les Hanebou
ou peuplés des pays septentrionaux*
Shardanas ou Sârdi-
niens, Shakalshas ou Sicules,
Ouaskasha ou Osques, Daana
ou Dauniens, Tourshas ou
Étrusques, Lekou ou Lyciens*
Akaouaskhas ou Achéens* Dar-
dana ou Dardaniens, Tsékkariou
ou Teucriens, Pelestas ou Pé-
lasges* etc., non moins reconnaissables
à leurs traits Européens
qu’aux insignes et aux
ornements qui leur sont propres,
et nous aurons une idée à
peu près exacte de l’étendue des
connaissances ethnologiques
dés- Égyptiens ét des ressources'
considérables que peuvent
offrir leurs monuments pour
dsétude des races de$Jl’anti-
quité (1).-Morton, qui s’est attaché,
dans la mesure de ses ressources,
à l’étude de ces représentations
si nombreuses et si
variées (2)* à cru pouvoir comprendre
Fig. 173.— Nahsi (Nègre). Fig. 174. — Égyptien.
Types ethniques des Tombeaux des Rois à Biban-el-Molouk
lés Indous et les Mongols au nombre des races figurées dans les monuments de l’Égypte. Cette
hypothèse ne s’est point confirmée pour les premiers, et quant aux seconds elle repose sur une identification
qui n’est pas encore établie (3).
L’art Assyrien a puisé en Égypte une partie de ses inspirations, mais pendant sa période archaïque il
.(1) Hoskins, Travels in Æthiopia. London, 1835, in-4°. — W ilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, vol. 1, pi. IV.
Londori, 1837, in-80/ A Champollion, Op. bit., t . 1, pl. 3, 11, 12, 16,16 bis, 17, etc., 26, 36, 37, 49, 63 à 67, 69 à 73; t. II, pi. l l l à
113, 155, 166, 189 à 191, 196; t. III, pl. 202 à 205,208, 220, etc., 232, 236, 238 à 241, 254, 257, 267, 273, 290, 294 à 300 ; t. IV,
pl. 301, 302, 309, 522 à 226, etc., 361 et suiv., etc. — P risse d’Avesnes, Monuments Égyptiens : Paris, 1847, inrf0 et L’art Égyptien
passim. — L epsius, Op. cit., passim. — N ott et Gliddon, Types of Mankind. London, 1854, in-8°, passim. — H . B rugsch, Op. eit.,
pl. I à VII. — Dümichen, Die flotte einer Ægyptischen Koenigin. Leipzig, 1868,in-f°, obi. — Chabas, Op. cit., ch. iv, passim, etc.
(2) Morton, Grania Ægyptiaca or Observations on Egyptian Ethnography. Philadelphie:, 1844, in-4°, p. 49 et 3.
(3) Les Abyssins, qui ont subi l’influence de la civilisation Égyptienne pendant de longs siècles, ont conservé dans leur peinture
hiératique quelque chose de cette anthropographie si remarquable dont nous venons d’énumérer les principaux types. Le diable, par
exemple, y est toujours figuré sous les traits d’un nègre Ghangalla (G. L ejean, Théodore II (Univers illustré, 28 mai 1868).