en effet, que la population qui domine dans l'ouest de l’Archipel Indien offre avec celles de la presqu’île
Transgangétique des affinités étroites (1). Les Siamois, en particulier, se tiennent à très courte
distance des Malais pris en bloc, et tout porte à croire que l’intervalle qui peut encore subsister entre les
deux groupes ethniques sera comblé le jour oh la crâniologie de certaines tribus découvertes par M. Har-
mand dans le bassin du Mékong pourra être scientifiquement abordée (2).
Nous avons cru devoir néanmoins maintenir les Malais dans un chapitre isolé, en raison de leurs incon^
testables relations de parenté avec les Polynésiens qui, à quelques égards peuvent bien aussi passer pour
alliés aux Mongoliques, mais dont cependant la morphologie céphalique, vue d’ensemble, a des allures
bien spéciales et diffère nettement de celle des Asiatiques auxquels on les a quelquefois comparés (3),
L’hypsisténocéphalie que manifestent les Taïtiens, les Hawaïens, les Maoris ; la hauteur relative des
orbites constatée un peu partout en Polynésie, surtout aux Marquises, aux Chatham, etc. ; l’ampliation
du Visage en largeur si remarquable chez les Tongans, les Samoans, etc.,
sont des caractères qui rapprochent dans une certaine mesure ces divers
insulaires de quelques-unes des populations de l’Asie orientale. Mais la
coexistence d’une voûte crânienne habituellement sub-pentagonale dans
sa norma verticalis et plus ou moins surélevée en son milieu, avec une face
développée en hauteur en même temps qu’en largeur, leptorhine, peu prognathe,
et dont la mandibule, comme l’a très justement fait observer Du-
breuil, n décrit une sorte de courbe dans sa totalité » (fig. 4 t 3) ; cette
coexistence, disons-nous, donne au crâne polynésien quelque chose de
Fig. 413. — Crâne de Maori, d’après
W. C. L. Martin.
bien particulier, qui le rapproche dans une certaine mesure de l’Européen, en l ’éloignant considérablement
du Chinois avec ‘lequel Lesson tendait à le confondre.
Les mêmes observations légèrement modifiées s’appliqueraient aux Indonésiens qui offrent avéôïîès
Polynésiens des relations de plus en plus étroites, et font-le passage des insulaires dêrl’Brt aux montagnards
dé l ’Indo-Chine, représentants du groupe sur. le continent asiatique.
Chapitre XV. — Races Américaines.
§ I. — Historique.
La découverte de l’Amérique, qui mettait les Européens en contact avec une foule de peuples jusqu’alors
inconnus, provoqua presque immédiatement la publication d’un nombre de descriptions ethnographiques
si considérable, qu il serait impossible d’énumérer seulement les plus importantes dans ce
court résumé historique. L école polygéniste moderne, dont les découvertes échelonnées entre 1492
et 1521 provoquaient le développement, ne chercha pendant longtemps dans les faits révélés par Colomb,
Balboa, Magellan, etc., que matière à discussions religieuses. Les monogénistes répondirent; mais dans
la longue querelle soulevée par leurs adversaires sur l’origine des populations d’Amérique, les documents
anatomiques ne furent invoqués que très tard.
(1) A. R. "Wallace. T h e M a l a y A r c h i p e l a g o , é d it, c it., p.
(2) Cf. E. T. Hamy. N o t i c e s u r le s P e n o n g s P i a k s [ B u l l . S o c . d ’A n t h r o p . , 2« sér., t. XII, p. 524-537, 1877).
(3) Lesson, par exemple, a décrit lesCarolins sous le nom de M o n g o l s - P é l a g i e n s . Dumont d’Urville, Chamisso, MM. Lütke, Jacquinot
et bien d autres ont combattu energiquement cette manière de voir. '
Le premier texte crâniologique sur les Américains (1) parut seulement en 1740; Hunauld faisait
connaître dans ce travail la déformation caraïbe (2) ; Arthaud (3) revint sur la même question en. 1789.
En 1790, Blumenbach donna la première description d’un crâne de Peau-Rouge, suivie bientôt après
de celles d’un insulaire de Saint-Vincent, d’un Illinois, d’un Aturie, d’un Botocude, etc., (4).
Puis vinrent les monographies de Housselles (5), d’Orbigny (6), Berthold (7), Squier et Davis (8), etc.
Morton, dans son grand ouvrage (9), venait de condenser tous les documents recueillis jusqu’alors
sur les populations des deux Amériques, et y avait ajouté l’analyse de ceux bien plus nombreux et bien
plus importants qu’il avait rassemblés lui-même. Le célèbre crâniologiste avait formulé, au point de vue
spécial où il s’était placé, la doctrine de l’unité de type de tqus les habitants du Nouveau-Monde, Eski-
mos exceptés, doctrine qu’avaient professée avant lui en s’appuyant sur d’autres renseignements un grand
nombre d’Américanistes, Ulloa en particulier.
Cette doctrine que démentaient les observations comparées de Charlevoix, de Pauw, de Blumenbach,
etc., que les faits apportés par Morton lui-même contredisent presque à chaque page, qu’ont repoussée
d’Orbigny, Molina, Humboldt, Lawrence, Prichard, Retzius, D. Wilson., Aitken Meigs (10), et presque tous
les anthropologistes modernes, n'a plus aujourd’hui un seul partisan parmi les anatomistes.
La classification crâniologique de Morton est complètement oubliée (11): celles qui l’avaient précédée
ou qu’ils l’ont suivie de près ou de loin, qu’elles fussent de Desmoulins, de Bory de Saint-Vincent, de
Retzius, de Zeune ou de tout autre, ont été rejetées comme insuffisantes et ne sont point encore remplacées
(12). Nous n’avons pas la prétention de combler cette lacune; les matériaux que nous avons entre les
mains sont trop peu nombreux pour qu'il nous soit permis de tenter le moindre essai de coordination. Tout
ce qu’il nous est possible de faire eu ce moment, c’est d’essayer de dégager de l’amas de faits contradictoires
accumulés depuis de si longues années sur le terrain de l’ethnologie américaine, certaines
données précises, grâce auxquelles quelques groupes homogènes parviendront à se détacher d’un
ensemble encore confus.
§ 2. — Description.
Le premier de ces groupes se compose des populations très brachycéphales, en grande partie disparues
aujourd’hui, qui ont probablement formé la plus ancienne couche ethnique du Continent, américain
(1) Nous laissons de côté, bièn entendu, la note de Winslow sur les Esquimaux, précédemment consultée.
(2) Hunauld . R e c h e r c h e s s u r l e s c a u s e s d e l a s t r u c t u r e s i n g u l i è r e q u ’o n r e n c o n t r e q u e l q u e f o i s d a n s d i f f é r e n t e s p a r t i e s d u c o r p s h u m a i n
[M é m . A c a d . R o y . des Se., 1740, p. 373 et pl. XVI).
(3) A rthaud, D i s s e r t a t i o n s u r l a c o n f o r m a t i o n d e l a t è t e d e s . C a r a ïb e s [ J o u r n . d é P h y s i q u e , t. X XXIV, p. 250. Avril 1789).
(4) J. F. Blumenbach. D e c a d . C r a n . , pass.
; • :(5) G. Housselles. D e s c r i p t i o d u m m c r a n i o r u m r a r i o r u m e g e n t e P u r i a n a , Berolin, 1822, in-4°.
(6) A. d’Orbigny. V o y . d a n s VA m é r i q u e m é r i d i o n a l e , t. IV. L ’h o m m e A m é r i c a i n . Parie, 1839, in-folio.
(7) A. Berthold. ü e b e r e i n e n S c h ä d e l a u s d e n G r ä b e r n d e r a l t e n P a l ä s t e v o n M c t t a ( N o v . A c t . A c a d . C æ s . L e o p . C a r o l . N a t . C u r . , t. XIX, p. 2, 1842).
(8) Sqdier et Davis. A n c i e n t M o n u m e n t s o f t h e M i s s i s s i p i V a l l e y (S m i t h s o n . C o n t r i b . t o K n o w l . , vol. I, pl. XLVII, XLVIII).
(9) G. Morton. C r a n i a A m e r i c a n a o r a c o m p a r a t i v e v i e w o f t h e S k u l l o f v a r i o u s a b o r i g i n a l N a t i o n s o f N o r t h a n d S o u t h A m e r i c a . Philadelphia,
1839, in-folio. Il n'est pas inutile d’observer que les élèves de Morton ont bien exagéré les assertions du maître qui, en
plusieurs passages de ses oeuvres, reconnaît formellement des variations de types, dont il a seulement le tort d’atténuer l’importance.
(10) Cf. Aitken Meigs. O b s e r v a t io n s u p o n t h e C r a n ia l F o r m s o f t h e A m e r i c a n A b o r i g i n e s , b a s e d u p o n S p e c im e n s c o n t a i n e d i n t h e C o ll e c t io n
o f t h e A c a d e m y o f N a t u r a l S c i e n c e s o f P h i l a d e l p h i a ( P r o c e e d . o f t h e A c a d . o f N a t . S c . , may 1866, br. in-8").
(11) On sait que Morton divisait les Américains enToltèques, et Barbares, subdivisés eux-mômes en Apalaches, Brésiliens, Pata-
gons et Fuégiens.
(12) Desmoulins. Op. c i t . , i n f i n e . — B ory de Saint^Vincent. O p . c i t . , 2° éd. Paris, 1827, t. II, p. 6,21. —A. Retzius. L o c . c i t . , p. 4,
etc. Zeune. U b e r S c h ä d e l b i l d u n g z u r f e s t e m B e g r ü n d u n g d e M e n s c h e n r a s s e n . Berlin, 1846, p. 13.—Etc.