Autour de la description que l’on vient de lire pourraient venir se grouper celles de tous lès autres crânes
tasmaniens que nous avons sous les yeux et celles de la plupart des auteurs qui ont écrit sur cette race
disparue. En atténuant graduellement cè que peuvent avoir d’excessif les traits crâniens et faciaux du chef
sauvage dont nous venons d’examiner la tête, on arriverait facilement aux formes adoucies du crâne.n° \
de la même collection, représénté sur la planche XVIII de notre atlas et dans la figure 228. Cette pièce, qui
a appartenu à un sujet encore jeune, reproduit en effet, mais avec beaucoup moins d’énergie, la plupart des
caractéristiques ethniques que nous venons de mentionner. Les différences portent principalement sur le
développement vertical qui est sensiblement moindre et sur les indices de la face qui sont plus ou moins
modifiés ; la mandibule a aussi une morphologie assez différente, surtout dans sa symphyse et dans sa
branche montante; mais nous savons déjà que cet arc osseux est susceptible dans la même race de
variations très-étendues.
En accentuant les traits déjà fort vigoureux du n6 2 de Eydoux, et particulièrement cèux de la face, on se
rapprocherait au contraire du n° 3 de cette même série de Hobart-Town. Ce dernier individu, qui représente
assurément le type le plus brutal de la race, est surtout remarquable par là vigueur et l’étendue des insertions
musculaires de sa base tout à fait aplatie, par l’articulation directe dé son frontal et de ses
temporaux sur une longueur de 0m,007 et de 0m,009, par ses arcs sourciliers en forme de bourrelets
épais, saillants et rabattus en quelque sorte sur les cavités orbitaires, par son nez ramassé dont la racine
Fig. 230. — Crane de Tasmanien Fig. 231. — Cräne de. Tasmanien Fig. 232. — Cräne de Tasmanien Fig. 233. — Cräne de Tasmanienne
de Launceston {Mus. Hist. Nat. do Hobart-Town (Jfus. Hist. Nat. de Hobart-Town {Mus. Hist. Nat. du lac St-Clair {Mus. Hist, Nat.
' Colt. J. Verreaux, n° 1). I»? ^ : : Coll. Eydoux, n* 2). '/ Coll. Eydoux, n° 1).: ö iColl, Dumoutier, n* 3).
est si profonde qu’elle occupe un plan situé sensiblement en arrière de celui du point sus-orbitaire et
dont les os propres sont remarquables par leur brièveté et le relèvement de leur extrémité inférieure, par
ses orbites enfin extrêmement bas (0m,025) et en même temps assez larges pour que l’indice descende
à 71,05. La brièveté de sa face dans le sens vertical n’est pas moins frappante, la yigueur des mâchoires
ne le cède presque en rien à celle du n° 2. On retrouve à la mandibule le contraste signalé entre les deux
branches horizontale et montante dont, la morphologie rappelle d’ailleurs, à quelques variations près
de minime importance, celle que nous avons décrite en Commençant ce paragraphe. Nous remarquerons
seulement que les premières et deuxièmes grosses molaires inférieures sont égales entre elles, et penta-
cuspides, et que la molaire de sagesse demeurée en place est sensiblement plus forte que les autres et
porte sept tubercules. Cette dent exceptionnelle a 0m,015 de long sur 0m,012 de large.
Les femmeB tasmaniennes du sud, à en. juger par les deux exemplaires crâniens que possède
notre collection et qui viennent de l’ancienne tribu des bords du lac Saint-Clair, aux sources de la
Derwent, ne diffèrent des hommes que par les caractères qui différencient partout ailleurs la tête des
deux sexes. Les formes crâniennes en se maintenant dans des proportions peu différentes de celles que
nous venons
étroites.
La distinction des sexes est moindre dans cette race sauvage que nous ne le trouverons plus tard dans les
races civilisées. M. B. Davis a insisté sur les analogies que présentent entre eux les crânes mincopies des
deux sexes (1). Nous aurons bien des fois encore dans ce livre à constater ce fait remarquable dont
M. Broca a donné une explication générale qui nous semble très-plausible. Pour notre collègue les inégalités
si considérables que nous constatons dans les nations civilisées entre l’homme et la femme tiennent
principalement à la séparation des fonctions respectives des deux sexes, qui vont en se confondant de
plus en plus, au contraire, à mesure que Ton descend l’échelle de&races humaines, vers le bas de laquelle
se rencontrent précisément les Tasmaniens dont il est ici question. Nous renvoyons sans autre commentaire
pour la comparaison des sexes aux deux premières colonnes de., notre tableau XXL
Crânes de Tasmaniens du Nord (fig. 230, 234 à 236). — Dans le cours 'de son fructueux voyage en
Tasmanie, Jules Verreaux avait réussi à se procurer un crâne d’homme et un crâne de femme de la tribu
qui habitait autrefois les environs de Launceston. Un autre crâne d’homme de Port Dalrymple, faisant
partie de la collection de Dumont d’Urville, et un crâne de jeune sujet du détroit de Furneaux recueilli
par Dumoutier, complètent la petite série d’individus du bassin du Tamar, que nous allons décrire sous
le nom de Tasmaniens du Nord.
Le crâne d’homme de Launceston qui se présente le premier à notre examen offre à l’état d’exagération
très-frappante tous les caractères que nous avons passés en revue dans notre description des Tasmaniens
d’Hobart-Town. Les arcs surciliers sont plus saillants que nous ne les avons rencontrés jusqu’ici, la glabelle
çst plus en relief, la carène est bien plus accentuée, les bosses pariétales font une plus grande saillie,
la bosse occipitale s’accuse davantage, et la région cérébelleuse se montre plus aplatie. Nous retrouvons
dans l’angle antérieur et inférieur du pariétal gauche une anomalie d’ossification que nous avons déjà eu
l’occasion de signaler dans le cours de cet ouvrage. Nous voulons parler de l’existence d’un grand os wor-
mien qui supplée à l’exiguïté de l’aile sphénoïdale.-Cet os complémentaire a la forme d’un parallélipipède
assez régulier de 0m,028 de hauteur, et 0m,024 de largeur.
A la face, augmentée dans toutes ses dimensions, on constate plus de développement général dans la
largeur que dans la hauteur; si bien que l’indice facial descend à 61,26, c’est-à-dire que la hauteur de
la face n’est plus que les 612 millièmes de sa largeur. La racine du nez est si profondément enfoncée
qu’elle se trouve sur un plan situé à 0m,007 en arrière de celui du point sus-orbitaire. L’indice orbitaire
reste exactement le même que sur les crânes d’Hobart-Town, tandis que le nez s’allongeant plus qu’il
ne s’élargit voit son indice baisser à 54,90. Les anglés faciaux sont un peu plus ouverts à cause de la
saillie plus considérable du front. La dentition est volumineuse aux deux mâchoires, dont la forme rappelle
d’ailleurs, à quelques nuances près, celles que nous connaissons déjà. Notons seulement à la mandibule
la brièveté de l’apophyse coronoïde, le peu de proclivité de la symphyse et l’existence de cinq
cuspides àtoutesJes molaires.
Nous empruntons au mémoire de M. Topinard, pour les mettre sous les yeux de nos lecteurs, les dia-
graphies de la face, du profil et de la norma verlicalis du Tasmanien de Launceston. La comparaison de
ces dessins, quelque élémentaires qu’ils puissent être, avec ceux qui représentent le Tasmanien adouci
de Hobart-Town, sur notre planche XVIII et sur la figure 232, donnera une mesure assez juste de l’amplitude
des variations de la race. Nous appelons spécialement l’attention sur la figure 236 ci-dessous,
dans laquelle Ce crâniôloguea circonscrit par un pointillé les reliefs et les enfoncements de la voûte;
on y distingue nettement la concavité qui loge la sagittale, la crête médiane, les dépressions latérales,
(1) J. B. Davis. Supplement to the Thesaurus craniorum. Catal. of the skulls of the various Races of Man. London, 1875, in-8°, p. 67.
QUATnEFAOES et Hamy. 29