mois qu'elles durèrent, des quantités. d’ossements d’animaux de toutes tailles furent extraits du limon
soüs-jacènt (lehm). Partie d’un crâne humain présentant, dit M. Fraas, les mêmes caractères physicochimiques
que les autres fossiles se rencontra au milieu de ces débris. La vraie nature de ce fossile fut
méconnue par le narrateur de la découverte qui affirma qu’aucun des os qu’il avait vusj|fjne pouvait
être comparé aux os humains » (1). Retrouvé par Joeger, vers 1835, dans la collection des princes de
Wurtemberg, le crâne de .Canstadt a été Sguré, d’une manière fort incorreote, dans le grand ouvrage de
paléontologie de ce naturaliste (?) qui n’en a, d’ailleurs, donné auoune description . La science allemande,
une fois encore, laissait échapper l’occasion d’esquisser, la première, les traits de l’homme fossile. Esper,
en effet, n’avait rien tiré des ossements humains exhumés de Gaylenreuth (Franconie), en 1774 (3); Ami
Roué, après, avoir, découvert le .squelette incomplet de Lahr, en 1823, avait .suivi ce malheureux
exemple (4) ; Schlotheim et Sternberg se sont montrés aussi avares de détails sur les restes humains des
brèches de Koestritz ; H. de Meyer sur ceux des alluvions de Mosbach près Wiesbaden (5). Et ce n’est
qu’en 1858 qu’une description assez complète de l’homme du Neanderthal, écrite par M. Sohaaffhausen
(de. Bonn), a de nouveau appelé l’attention des naturalistes allemands; sur les précieuses découvertes de
leurs prédécesseurs,
Pendant ce temps, l'anthropologie préhistorique avait accompli des progrès immenses dans d’autres
pays, surtout dans le nord de l’Europe; et M. Sven Nilsson (de Lund) en faisant connaître sa remarquable
découverte de Stængenæs .(.1844) avait, Je premier, tracé le court mais substantiel tableau des
caractères anatomiques propres à la plus antique des races de l’ouest de l’ancien monde (6).
Il est vrai qu.’il n’était pas .possible .d’assigner dès lors une date quelque peu précise aux couches
coquillières soulevées du Bohuslæu, dans lesquelles M. Nilsson avait trouvé son fossile, èt qui sont aujourd’hui
classées parmi les plus anciennes formations quaternaires. Mais les fragments crâniens,découverts,
la même année, dans les tufs volcaniques de Denise près le Puy, en Velay (7), devaient être, sans contestation,
rattachés à une formation antérieure à la période actuelle. Malheureusement la supercherie
d’un fabricant de fossiles humains jeta du disorédit sur les remarquables pièces du musée du Puy et de
la collection Pichot (du Mazel) et souleva des doutes sérieux, qui n’ont été levés que plus tard. Ces
pièces ont été içfût récemment étudiées au point de vue anatomique (8)f ■
Le célèbre crâne extrait de la caverne du Neanderthal, près Elberfeld, en 1856, quoique évidemment
d’une très-haute antiquité, a longtemps donné prise à des objections paléontologiques et géologiques
qui n’ont été à peu près résolues que dans ces derniers temps (9).
(1) D. Spleiss. OEdipus Osteolithologieus sm dissertatio Hislorico-Physica de cornibus et ossibus fossilibus Canslaâiensibus. Schaffhouse,
-1701, i n - 4 — Proemium. . • .
(2) Jceger. üeber die Fossilen Sæugethiere welche in Wurtemberg aufgefunden worden sind. Stuttgart!, 1835, in-folio, p. 126 et
pl. XIV, fig. 1.
(3) E sper. Description des Zoolühes nouvellement découvertes d’animaux quadrupèdes inconnus et des cavernes qui les renferment, de
même que de plusieurs autres grottes remarquables qui se trouvent dans le margraviat de Bareith, au-delà des monts. Trad. de l’allemand
par J.-F. Isen flamm. Nuremberg, 1774, in-f°, p. 21. — Cf. Goldfuss. Osteologische Beüræge (Nov. Act. Phys. Med. Acad. Goes. Leopold.
Caroi.j. t. X l, 2e partie, p. 464, 1823., in-4°). ‘ ' ' •
(4) Ann. Sc. Nat., 1829. Bïbl. p. 150, etc.
(5) H. Von Meyer, ap. Neues Iahrbuch für Mineralogie, Geognosie, Geologie und Petrefaklenkunäe, herausgegeben von Leonhard und
Bronn, t. VII, p. 79. 1839.
(6) Cf. S. Nilsson. Les habitants primitifs de la Scandinavie, l ro part. trad. fr. Paris 1868, in-8°, p. 153. et suiv., et 159.
(7) Aymard. Note sur une découverte de fossiles humains dans un bloc de pierre provenant de la montagne volcanique de Denise (Haute-
. Loire). (Bull.. Soc. Géoh de France, 2e série, t. II, 1844-1845, p. 107, — Cf. Ann. d'Auvergne, t. XVH-XIX. — Congrès scientifique de.
France, ,22e session, 1.1, p. 277, etc.)
(8) Bull. Soc. Géol. de Fr., 2° série, t. XXVI, p. 1057, .et Revue d’Anlhrop., 1.1, p. 289. 1872.
(9) Entre autres articles, voir celui que la Gazette de Cologne du 1er avril 1866 a cons*acré aux fouilles de la caverne dite la Chambre
du Diable, ouverte à 130 pas seulement de celle où l’homme du Neanderthal avait été trouvé dix ans plus tôt.
Les trouvailles toutes récentes de M. Faudel (I) dans lé lehm d’Eguisheim (Bas-Rhin), de M. Coc-
chi (2) dans les argiles post-pliocènes de TOlmo, près Arezzo (Italie)',' de M. Eugène Bertrand (3) dans
les alluvions quaternaires des bas niveaux de Clichy (Seine)', de M. Fitz, enfin, dans les sables diluviens
de JBrüx (Bohême) (4), tout en démontrant que les caractères anatomiques dé l’homme du Neander étaient
bien des caractères ethniques, exagérés toutefois, ont confirmé les premières vues émises sur son ancienneté
relative. Presque toutes ces pièces osseuses, en effet, eh y joignant lés mâchoires de la Naulettg,
d’Arcy, de Clichy, de Goyet, semblent maintenant pouvoir être rapportées ail plus ancien des âges quaternaires,
celui dans lequel prédominent extrêmement les grands mammifères éteints. L’étude anatomique
de ces fragments nous semble attester qu’ils ont tous appartenu à une seule et même race doli-
choplatycéphale et prognathe dont, après avoir reconstitué le squelette céphalique aussi complètement
que possible, nous nous efforcerons d’établir les affinités avec les populations actuelles.
§’ 2. — Description.
1° Du c rân e. — Type masculin.
Crâne de Canstadt (pl. I, fig. 1). — Jæger, qui n’était pas anthropologiste, n’a vu dans cette précieuse
relique qu’il redécouvrait en quelque sorte, rien autre chosé qu’un argument en faveur de la
coexistence de l’homme et des grands animaux d’espèces disparues. M. Fraas s’est également contenté de
représenter le crâne de Canstadt au tiers de sa grandeur naturelle (5) « sans en donner, comme il l’avoue
lui-même, une diagnose scientifique ». Et M. Büchner (6), qui avait vu la pièce au cabinet d’Histoire
naturelle de Stuttgard, a seulement mentionné « son front bas et étroit » et la « forte saillie de ses
arcades surcilières ».
M. Fraas reconnaissant volontiers que la description et les dessins précédemment rappelés étaient
insuffisants, et convaincu qu’il était nécessaire d’étudier de nouveau et de figurer avec soin cette pièce
remarquable, a bien voulu nous la confier au mois de juin 1870. Nous avons pu, grâce à cette obligeante
communication, donner une description minutieuse et un dessin exact de ce curieux fragment (pl. I, fig. 1).
Dans son état actuel, il se compose du frontal presque entier et d’un pariétal droit (7) auquel manque
sa moitié postérieure. Le frontal, qui ne présente aucune trace de suture sur la ligne médiane, est surtout
remarquable par la proéminence de ses bosses surcilières, par son aplatissement et par sa longueur.
. Los saillies surcilières dont la hauteur dépasse 0m, 02, sont symétriquement renflées vers leur base et
dans tout ce large espace de 0m, 027 à 0m, 028, qui sépare les deux cavités oculaires au niveau de la voûte
orbitaire. Elles dessinent de chaque côté parallèlement à cette voûte et à 0m, 015 environ au-dessus d’elle,
un arc nettement accusé dans une longueur de 0", 03, mais qui s’efface assez brusquement vers le point
d’émergence des nerfs sus-orbitaires. Ces deux arcs se confondent sur la ligne médiane, de sorte que la
glabelle est tout, à fait en relief.
A ces saillies correspondent des sinus frontaux assez vastes pour que l’écartement maximum des deux
(!) F audel. Note sur la découverte d'ossements fossiles humains dans le lehm de la vallée du Rhin à Eguiskeim, près Colmar (Extr. du
Bull, de la Soc. d'Hist. Nat. de Colmar, br. in-8°, Colmar 1867)..
(2) I. Gocchi. L'uomo fossile nell' Italia centrale, b r: in-4° avec planches. Milan, 1867.
(3) E. B ertrand. Crâne et ossements trouvés dans une cari'ière de l’avenue de Clichy, (Bull. Soc. Anthrop. de Paris, 2e série, t. III,
P- 331. — Cf. ibid, p. 363, 374 et 408).
(4) Mittheilungen der Anthropologischen Gesellschaft in Wien, II Bd. nr. 1 et 2, (janvier et février 1872), p. 32 et 62.
(5) Oscar F raas. Vor der Sündfluth, p . 475.
(6) L. B üchner. L'homme selon la science, 1™ partie. D'où venons-nous? Trad. fr. de Ch. Letourneau. Paris, 1870. In-8°, p. 112.
(7) Les figures de la planche I sont renversées comme toutes celles de notre Atlas, qui, pour plus d’exactitude, ont été dessinées
d’après nature, directement sur la pierre.