
Nous ne nous arrêterons pas ici à peindre tous
les agrémens que nous procure l’admirable variété
<àe couleurs qu’on obferve dans les végétaux , &
principalement dans certaines de leurs parties ;
mais nous remarquerons feulement, comme nous
l ’avons fait dans notre Flore Françoife ( Vol. I.
p. 124, note b. ) , que la diverfité dont il eft quef-
tion n’eft point due à des matières colorantes
effentiellement différentes entr’élles; .qu’elle dépend
au contraire de l’ état où fe trouve , l’oit dans
chaque plante , fojt dans chaque partie des plantes
, la matière colorante propre des végétaux ,
laquelle , dans des circonftances convenables , eft
fulceptiblede produire des effets infiniment variés,
par les fuites des différens degrés de fermentation
qu’elle éprouve alors , & qui la changent proportionnellement.
La couleur verte nous paroît celle qui eft naturelle
aux végétaux , ou au moins aux parties vivantes
des végétaux qui jouiffent alors d’une végétation
complette : elle eft le produit d’une matière
colorante particulière qui fe forme pendant la
végétation , au moyen d’un contact de lumière
fumfante , effentiel à fa formation ; matière que
l ’on fait être quelquefois diffolublç dans l’eau,
mais q u i, le plus fouvent, ne l ’eft que dans l’ef-
prit-de-vin, à la manière des fubftances réfineufes.
Or y lorfque la matière colorante verte dont il
s’a g it, fe trouve dans une plante ou dans une
partie de plante qui çeffe de végéter , ou qui languit
ne recevant plus fuffifamment de nourriture,
^lors cette matière fubit des altérations proportionnées
dans la combinaifon de fes principes
çonftitutifs ; ce qui change fa nature 8c fes propriétés
colorantes. Dans cette cîrconftance, la couleur
yerte de la plante , ou de la partie de plante
dont il eft qûeftion, difparoît infenfiblement , &
fe change en une autre couleur qui eft relative au
degré d’altération qu’a fubi la matière colorante
du végétal cité , & a la nature du fuc propre de
ce végétal, qui a influe fur la quantité ou fur la
promptitude de cette altération. Nous efpérons
Faire voir dans un Ouvrage particulier fur différens
objets phyfiques, auquel nous travaillons depuis
long- tems , que l ’altération que fubit la matière
colorante végétale dans le cas dont nous venons
de parler, a diminué l ’intimité d’union des principes
conftituans de cette matière , & a mis fon
feu-fixé ( fon phjogiftique ) dans un degré de dé»
couvrement de 'moindre combinaifon, qui lui
permet de réfléchir ja lumière dans un autre état
qu’auparavant, & conféquemment de colorer différemment
la matière dont il fait partie.
En effet, la tige & les feuilles des plantes herbacées
, la tige d’jin arbre paillant, les jeunes
rameaux des arbres -& leùrs feuilles bien nourries ,
les fruits avant leur maturité , la plupart des fleurs
avant leur épanouiffement j en un mot , toutes les
parties vivantes & végétantes des plantes fuffi-
fapiment: expofées au conraS de la lumière ^ font
*n général d’ une couleur verte plus ou moins
foncée , parce que le parenchyme de ces parties',
ou au moins de leur écorce , contient la matière
colorante végétale, dans fon état parfait. Mais
l’écorce du tronc & des groffes branches des arbres
, celle de leurs rameaux pendant l’hiver, les
feuilles prêtes à tomber des arbres arbriffeaux
qui s’en dépouillent tous les ans, lès fruits mûrs
ou qui approchent de leur maturité , les parties
des fleurs épanouies qui tombent avant le déve-*
loppement du fru it, &c. n’ont point alors la couleur
verte dont nous venons de parler, parce que
cës parties languiffent, ne reçoivent prefque plus
de nourriture , & que leur végétation eft confi-
dérablement diminuée ou même prefqu’anéantie-
Il eft un phénomène digne de notre attention ,
& qui fans.doute formerojt'iin coup^d’oeil attrayant
pour nous | fans l’expeéiative affligeante de la
dégradation de la nature ; c’eft lorfqu’à Rentrée ,
ou vers le milieu de l’automne , la fraîcheur de
l’ atmofphçre, qui s’accroît'par degrés, condenfe
les liqueurs , rallentit ou même fiilpend tout-à-
fait la végétation : alors la partie colorante des
végétaux qui-, comme nous l’avons d i t , eft naturellement
verte , & qui fe trouve en abondance
dans les feuilles des arbres & des autres plantesk
s’altère , fe décompofe infenfiblement, & parcourt
différentes intenfîtés de couleurs que les principes
falins développent, 8c rendent plus ou moins
brillantes.
I On fait en effet que , dans cette circonftance y
les feuilles des Peupliers, des Tilleuls, de pim?
fleurs Erables, & c . paflent au plus beau jaune j
que celles des Cornouillers ', des Sorbiers , des
Sumacs , de la Ronce, de la Vigne , & c . fe pei-r
gnent d’un rouge extrêmement vif : il n’eft point
' de Botanifte qui n’ait remarqué cette même couleur
dans les feuilles de YHypericumpulchrum ,
du Géranium Robertianum , dq Polygonum con-
vatvulus. Fl. Fr.
Les belles couleurs particulières des feuilles ou
des portions de feuilles de certaines plantes , &
qu’on nomme- panachures, font dues à une caufe
à-peu-près femblable -, ce font des parties malades ,
ou qui, par une caufe quelconque , ne font nourries
qu’imparfaitement. Audi lorfqu’une plante à
feuilles panachées eft mife dans un bon terrein où
elle pouffe avec vigueur, elle perd infenfiblement
toutes fes panachures, 8c reprend fon état naturel
& la verdeur propre à fon fçuillage.
Nous avons fait voir au mot Corolle, que les
brillantes couleurs de la plupart des fleurs ne
font 'dues pareillement qu’à un état de langueur ,
de defféchement & de dépériffement des pétales ,
qui permet à la matière colorante de ces parties ,
de fubir les changemens capables de produire le§
couleurs vives qui les parent aveç tant d’éçlat.
Nous remarquerons encore ici le même effet à
l’égard des fruits. Tant qu’ils fe nourriffent &
qu’ils s’accroiffent. leur couleur naturelle eft
çonftammenf
CQnftamment verte -, mais lorfqu’entièrement dé- j
Veloppéesle&femences de ces fruits ont acquis i
toutes les qualités qui les rendent propres à germer
& à produire une nouvelle plante -, alors le
.péricarpe qui les enveloppe, & qui jufques là a voit
-été néceffaire à leur confervation 8c à leur déte- ;
loppement , ne leur eft plus d’aucune utilité; il
nuiroit même à- leur germination, s’il përfiftoit
.trop long-tems. Or , dès ce moment, la nature j
tend à fe débarraffer de ce péricarpe *, les lues ;
.nutritifs ceffent de lui parvenir , & la vie qui
l ’abandonne , le livre au pouvoir de la fermentation
, s’il eft épais 8c pulpeux,, ou aux luîtes du
-defféchement, s’il eft membraneux ou ligneux. En
-effet., dans le premier cas , il finit par éprouver .
une fermentation putride qui le conduit à une
-entière deftruétion ; & dans le fécond , la roideur
■8c l’élafticité qui réfultent du defféchement., le
forcent de fe fendre & de s’ouvrir par un,certain
nombre de pièces ou valves, afin de donner iffue
aux femences auxquelles il n’eft plus utile.. Or , .
dans ;l’un & l ’autre de ces cas , la matière colorante
, naturellement verte que contient ce péricarpe
, fubit des changemens remarquables qui
donnent naiffance aux diverfes couleurs obfervées
dans les fruits mûrs. On voit donc clairement que
le péricarpe d’un fruit en maturité, 8c la corolle
d’une .fleur épanouie, font deux parties parfaitement
dans le même cas., que toutes deuxdeve-^
nues inutiles,* ceffent par degrés, de recevoir la
nourriture capable de les conlerver dans un état
de pleine végétation ; qu’elles languiffent ; que
bientôt leurs fucs fermentent ; qu’enfin leur ma-r
tière colorante s’altère proportionnellement, &
démontre , par les vives couleufs dont elle peint
pommunément ces parties , les changemens ccn-
Jfidérables .qu’elle a été forcée de fubir.
Des caractères qu’ offrent les couloirsr .
. C’eft maintenant une opinion prefque généralement
adoptée en Botanique., que la couleur des
fleurs »’offre.que des caractères très-variables,
dont on ne doit faire aucun cas ; & 2VX. Linné ,
qui a répandu ce préjugé, eft la caufe que.dans
beaucoup d’Ouvrages de Botanique, compofés
d’après fes principes,. l’on trouve , pour quantité-
de plantes rares , de longs détails fur .les particularités
de .leur friiétificatiorî,, pendant qu’on y
omet avec affectation la citation de la couleur des
fleurs.
, Il eft très-vrai que dans beaucoup de plantes la
pouleur des fleurs eft extrêmement variable ,- &.
qu’il ne faut point la citer comme caraétère dif-
tinétif ; mais aufii, dans beaucoup d’autres plantes
, la couleur des fleurs eft trèsrconftante, 8c
peut être employée comme un caraétère certain.
Il importe .donc , vpçur l’avancement de la Botanique
, de proferire toute- loi générale qui diminue
mal-à-propos les .reffources que nous offre la nature
pour la diftinfiiôn des Plantes. Or , il en eft
Botanique. Tonie IL
du caraétère dont je parle maintenant, comme ue
beaucoup d’autrès , qui n’ont de valeur certaine
que dans l ’obfervation qui conftate le cas où 1 on
peut les employer , & celui où l’ôn doit les négliger
abfolument. Le nombre des étamines, par
exemple, dont Linné fait tant de cas , •* ‘qu’il en
fait le fondement des principales diviL. ,.s de fon
fyftême , offre, à la vérité , un caraétère confiant
dans la plupart des Liliacées, des Borraginées ,
des Labiées, des Ombellifères , 8cc. tandis qu’il
ne fournit qu’un caraétère extrêmement variable
dans le- Corijpermum , le Blïtum , l’Alfiiie , le
Laurus , l’Euphorbia, de Géranium , &c. Paut-il
donc abandonner la confidération du nombre dos
étamines? Non : il faut l’employer-comme caractère
, lorfque l’obfervation indique qu’il eft conl-
tant ; 8c le,négliger , lorfqu’elle indique le contraire.
’ ; : < ' - ■ ' : . ~
Je puis prouver que toutes leç autres parties des
plantes offrent pareillement chacune des caraétèrcs
très-variables dans certains cas , & des caraéteres
sûrs & bien conftans dans beaucoup d autres ; de
forte que par-tout les caraéteres qui méritent
véritablement d’être employés , font ceux q u i,
fondés fur une confidération quelconque, auront
été confiâtes par l’obfervation.
A in f i , je conviens que la couleur des fleurs eft
très-variable dans les O r e ille s -d ’ours , les Anémones
, &c, . & c . mais cette couleur eft très-
confiante dans les Aneths ,• les F e ru le s , le s Inules,
& c ; 8c lorfquelle offre des variations , elles ont
toujours des limites bien décidées que l’on peut
affigner pour caraétères : ainfi., dans lAnemone
des bois i\°. 24 , & la Pâquerette ordinaire , la
couleur pourra bien fe nuancer du blanc au rouge 5
mais jamais on ne la verra dégénérer en jaune :
enfin., l’Anémone à fleu rs jaunes n°. 1 5 , nac-
quierra point, dans quelque c-irconftance qu’on
l ’expofe, des fleurs rouges, ni bleues, ni violettes.
En vain fe flatteroit-on, par toutes fortes de
tentatives, d’obtenir un Ranunculus acris a fleurs
bleues , ou le s . demi-fleurons d’une Aftère , de
couleur jaune. Qui eft-eequi a jamais vu la fleur
d’un Pommier , ou d’un Pêcher , ou d’un Ceri-
fier , &c. fe colorer en jaune ; 8c la fleur d’un
Millepertuis, du Genet d’Efpagne , ou du Cytife
des Alpes , acquérir une couleur rouge , ou bleue ,
ou violette ? La couleur des fleurs , en général ,
n’eft donc pas au ffi variable qü’on a cherché a le
faire croire ; & nous ne balançons pas à- dire qu’on
doit la citer dans toute defeription Botanique ;
que même, dans certains cas, on peutl’empldyer
comme un bon caraétère diftinélif.
C O U M A R O U odorant, C o u M A RO u n A
odorata. Alibi. Guian. yAp. 'I -H.b. 296.
C ’eft un arbre dé la famille de.s I égùmineufes ,
& qui eft remarquable par fes fruits charnus ,
renfermant chacun une femehee aromatique. Son
tronc s’élève à foixaote 8c mêoaie jufqu’à quatre*