
Ce tableau préfente, félon nous , l’idée la plus
jufte que l’on puifl’e fe former de l’enfemble des
êtres vivans qui habitent notre globe ; il indique
la nature de leurs rapports a l’ordre de gradation
relatif à la perfeétion de leurs organes , & fait
fentir la valeur des fix coupes principales que nous
établirons parmi les végétaux.
Pour completter dans cet article le tableau des
produ&ions de la nature , & rendre fenfibles le
rapports & les différences de fes diverfes parties ,
nous préfentons ici celui des principales fubftance
minérales difpofées relativement à l’ordre de leur
formation , afin de jetter quelque jour fur l’origine
de ces êtres, qui ne nous paroît pas encore
bien connue.
* * Etres inorganiques , fans vie & produits par les altérations fuccejjives des fubftances
compofées qui ont fait partie des êtres vivans.
Terreau animal. Terreau animal . Terreau végétal « Terreau végétal
des Crufiacées, &c. des Ci met. 6’ des Voiries• des Marais. des Champs & des Bois•
/'Terre coquilliere. Marnes. Tourbe. Terre franche. N
K3!
\ §
{ Craies. Soufres. Bitumes. Argilles. 1 1 1
r> & lPierres cale. Nitre. Alun. Stéatites. F
*§V
S' A*3-, iMàrbrês. Borax. Gypfes. Schits.l
fcj .
\ Albâtres. Alkalis. Vitriols. Talcs./ «
Pyrites. •S
ISpaths Spathsl «
i calcaires. Minérais. fluors. 1.
i c
s 1 Métaux
1 c
1^»
S ' natifs. /
Pierre
meuliere.
Schorls.
Cailloux. Criftaux
gemmes.
1 Pierres à Feld-ipaths. J
J l l fufil. - ti-l
/ 3 V. \
\ £ Petro-filex. Pexten. ^ /
J R* Agathes. Jafpes.
Quarts.
Criftal
de Roche.
Quartz.
qui étincellent fous le choc
On voit par ce tableau la diftance infinie
qu’il y a- des êtres vivans aux êtres inorganiques
, & la néceflité de ne point préfenter fur'
une même ligne en forme de chaîne continue ,
des êtres fi différens entr’eux.
Enfin , comme j’eflaierai de le prouver dans un
ouvrage particulier , auquel je travaille depuis un
tems confidérable , ce même tableau fait concevoir
cette nouvelle vue , qui eft que les minéraux
font tous de vrais produits des altérations fuccef-
1 fives qu’éprouvent avec le tems les: débris des
êtres organiques que ces minéraux ne font point
du tout les rélultats d’une formation directe, non
plus que d’une reproduction fucceflïve } mais qu ils
font au contraire ceux d’une altération continuelle
que fubiflent les dépouilles des êtres vivans -, alté*»v
ration qui les transforme fucceffivement en autant
de compofés divers qu’il y a de minéraux connus.
Mon opinion à ce fujet eft fondée for des ob,fer-
vations que j’ai faites fur plufîeurs fortes de ces
altérations dont j’ai connu les^ réfultats , & fur
mes recherches relativement à la caufe de ces
altérations. , .
Je dirai feulement ici que les alterations qu e-
prouvent continuellement les débris des êtres organiques
, opèrent fans celle des changemens dans
la proportion de leurs principes qui reftent combinés
, & donnent continuellement lieu à des compofés
différens. En e ffet, dans toute décompofi-
tion ou altération que fubiffent dans la nature ou
par l’art les fubftances compofées , les principes
combinés qui les conftituent, ne fe dégagent pas
tous entièrement & à la fois de l’état de combinaifon
> ces principes fe dégagent réellement par
parties , & toujours dans des quantités differentes
félon leur nature •, l’eau & l’air , par exemple ,
fe dégageant toujours dans de plus grandes proportions
que les autres principes. Aufîi réfulte-t-il
des altérations qu’éprouvent les fubftances compofées
, des compofés différens , lefquels deviennent
à chaque mutation de plus en plus fimples ,
plus denfes, plus durs , plus durables , moins volumineux
, contenant toujours d’autant moins
d’eau & d’ air parmi leurs principes conftituants ,
qu’ils font plus éloignés de leur état primitif,
c ’eft-à-dire qu’ils ont plus fubi d’altération.
On peut reconnoître le fondement de cette'
opinion, en examinant l’ordre & la nature des
fubftances mentionnées dans ce tableau minéralogique.
La terre qui fait partie de la fubftance d’un
être vivant ou d’un être organique mort depuis
peu , eft alors parfaitement mafquée par les autres
principes qui fe trouvent combinés avec elle dans
de grandes proportions •, elle eft alors la plus éloignée
pofïible de l’état vitreux, qui eft fon état
naturel, fon état de pureté , en un mot , l’état
où elle jouit entièrement de fes propriétés , qui
font la folidité, la fixité , l’infufibilité , & le défaut
complet d’odeur & de faveur. Mais à mefure
que les fubftances qui ont fait partie des êtres
organiques ont éprouvé plus - d’altération , ont
fubi plus de changemens, l’élément terreux fe
trouve de plus en plus à découvert, c’eft-à-dire
moins mafqué par les autres principes -, & les
compofés dans lefquels il abonde , deviennent de
plus en plus folides, prennent tour à tour les noms
d’argilles , de fehits, de fpaths-fluors , defchorls,
de feld-fpath , de quartz, & c. jufqu’ à ce qu’enfin
l ’élément terreux qui fait la baie principale de ces
divers compofés , fe trouvant tout-à-fait dégagé
de l’état de combinaifon, parvient à jouir de
toutes fes propriétés, comme on le voit dans le
criftal de roche tranfparent, net, & fans couleur.
J’ai obfervé beaucoup de fois le paffage des matières
.argilleufes à l’état vitreux, & des matières
calcaires au même état. Dans une des mines de
Freyberg en Saxe, où je fuis defeendu, j’ai trouvé
une preuve manifefte de ce que j’avance. Tout le
fol eft un fehit micacé d’un gris bleuâtre -, ce fehit
àia furface de là terre eft mou , friable , & parfaitement
argilleux. A mefure que l’on defeend
dans la mine, on le reconnoît par-tout pour le
même' Ichit, toujours parfème de parcelles de
mica y mais il devient plus dur, & fes feuillets ont
moins d’épaiffeur. Enfin , dès les fécondés galeries,
c’eft.-à-dire à environ 140 toiles ou 840 pieds
de profondeur , le même fehit, tres-reconnoiffa-
ble encore , n’a déjà prefque plus rien d’argilieux ;
fes feuillets , toujours remplis de parcelles de
Mica, font minces , ferrés, durs , prefqu’entiére-
ment quartzeux, & fcintillent en effet fous le
choc du briquet.
J’ai fait des obfervations à peu-près femblables
à Clauftahl au Hartz, à Schemnitz & à Crem-
nitz en Hongrie , & j ’ai conftamment remarqué
dans toutes les mines où je fuis defeendu, que le
fol nouvellement formé vers la furface de la terre
par les détritus des fubftances organiques , y étoit
plus compofé , pliis mou , & moins denfe -, & qu a
mefure qu?on s’enfonçoit dans la terre , & qu’on
pénétroit dans un loi plus anciennement formé,
ce fol altéré & changé par la fuite des tems, y étoit
conftamment plus dur, plus derife , moins compofé
, & toujours de plus en plus quartzeux &
vitreux. Les grouppes de fpath calcaire que j ’ai
remarqués fouvent très-avant dans les mines, y
font d’une formation moins ancienne que la roche
qui lés foutient -, auffi les ai-je toujours vus dans
les fentes & les crevaffes de cette roche, où leurs
molécules font chariées par l’eau qui s’infiltre continuellement
dans la terre.
Je pofsède des morceaux qui prouvent la tranf-
mutation des matières calcaires.en fubftances fili-
ceulès, & des maffes argilleufes en j^-lpes d’une
manière très marquée. J’ai des pexten nuancés
depuis l’état argilleux le plus évident, jufqu’à
l’état tout-à-fait vitreux.
Les foufres fe forment abondamment dans les
détritus de matières animales , comme je l’ai obfervé
dans des fouilles ou terreins remués au faux-
bourg St. Antoine il y a quelques années : ce
fait d’ailleurs a été donné à l’Académie par M. de
Fougeroux.
J’ai rapporté .de mon voyage au Mont-d’Or &
au Cantal , des matières végétales qui étoient enfouies,
& qui font déjà à demi-transformées en
argille feuilletée ou fehiteufe i lorfque ces mêmes
matières abondent en réfine , elles produifènt dans
la terre les divers bitumes que l’on connoît.
Les fubftances falines minérales font des produits
allez récens des débris des êtres organiques ,
pour que leur origine foit encore reconnoifl'able.
Enfin il eft aifé de s’appercevoir que des terres
( fur-tout les argilleufes) , furchargées de foufre ,
de vitriol ou d’arfenic , fe transforment en pyrites
d’une manière évidente -, qu’elles paffent enfuite
inlenfiblement à l’état de minérai, & que ces
derniers donnent lieu à la formation des métaux
natifs. M. Baumé s’eft apperçu depuis long-tems
que toute la matière inflammable qui exifte dans
E ij