toutes couleurs, cherche quelque chose de plus
encore.... Car si rien n’a changé sur le Bosphore
Cimmérien la porte de la Mer d’Azof, si les flots
verts portent avec le même orgueil les pesants
navires sur leur sommet brillant, si les dauphins
jouent encore comme autrefois sur les
vagues, si la trombe élancée pend à la nue,
sillonne l’onde àmère et effraie* les fragiles esquifs
qui plient leurs voiles; si la brise légère
apporte jusqu’ici les cris sauvages des matelots,
pourquoi ne puis-je distinguer la capitale du Bosphore,
Panticapée, qui mirait fièrement dans les
flots ses maisons nombreuses bâties en amphithéâtre,
sur la large Croupe d’une montagne
couronnée d’une acropolis ? Je vois bien la montagne
; mais elle est dépouillée et couverte de
ravins; ses flancs sont tristes et nus : quelques
pointes blanches marquent les tombeaux modernes
qui hérissent son sommet. Mais quel est
ce rocher bizarre, qui en marque la sommité ?
demandai-je à un matelot. — C’est le fauteuil de
Mithridate*.., Voilà donc tout ce qui reste de
visible de l’antique Panticâpée !
Seulement, aussi loin que la vue peut se porter,
des champs, des allées de tumulus semblent
couvrir le soi ondulé qui circonscrit le fond du
port : on dirait que tous les morts sont venus
chercher un asile sur ces coteaux desséchés et
sans verdure.
Là, entre la montagne de Mithridate et les
longues lignes des tombeaux, une ville nouvelle
se courbe sur le rivage...... C’est Kertche, qui
semble le hameau des gardiens d’une nécropole.
Ainsi me parut Kerlche en été en i 83a et en
i 834.
En octobre, la scène avait changé; la nature
était sérieuse ; des nuages plats recouvraient la
vastitude du Bosphore dont l’animation venait
d’une autre source. Les oiseaux de passage en
couvraient les flots au long et au large, et notre
chaloupe passant au travers des immenses
troupes de canards et d’oies sauvages, en faisait
soulever des vols pesants et continuels qui,
effrayés par notre voisinage, allaient plus loin
derrière nous s’ébattre sans craindre d’être troublés.
On ne traverse pas quand on veut le Bosphore
; il est des saisons où l’on peut attendre
huit jours à Taman, avant que la mer le permette,
Le duc de Richelieu revenant un jour
d’une de ses courses d’inspection, fut retenu
lui-même pendant plusieurs jours, et lassé d’attendre
si longtemps, prit le parti de faire le
tour de la Mer d’Azof par Novo-Tcherkask
pour retourner à Odessa*
Un ambassadeur de Suède étant à Kerlche,
youlait à tout prix passer le Bosphore, pour
aller en Asie ; mais le vent lui fut si contraire,