CHERSONÈSE TAURIQUE.
Tableau ge'néral.
Abstraction faite de la presqu’île de Kertche
que je viens de décrire, la Chersonèse taurique
ou Crimée, dans ses rapports physiques et historiques,
peut se diviser en deux régions :
I, La steppe, pays de passage, qui embrasse
près des trois quarts de cette surface, plaine à
perte de vue, antique domaine des nomades, sol
prive de forêts, mais riche en blé, en pâturages,
ou ont régné les Scythes, les Khazares, les Romans
ou Polovtses, les Tatares Nôgaïs.
II. La région montagneuse. Celle-ci est naturellement
coupée en plusieurs territoires,
vallées, bassins ou versants.
i° La côte méridionale de la Crimée du cap
Aia, près de Laspi, au Karadagh, près d’Olouzé,
resserrée entre une haute montagne à pic de
roches calcaires jurassiques et la mer ; terre
pittoresque, étagée à l’infini sur les accidents
d’une côte schisteuse, ou coupée de courtes et
profondes vallées. Là, la puissance des volcans
et le fracas des soulèvements ont couvert le sol
incliné de débris, de chaos, de roches erratiques
qui ressemblent à des montagnes, et la nature
impérieuse, gardant la main sur l’homme, a
conservé ses formes sévères et sauvages, ses
paysages sublimes où l’homme qui y a trouvé un
asile, sent qu’il n’est pas le maître. La vigne,
comme en Colchide, s’élance sur les arbres ; le
térébinthe et le plaqueminier , l’olivier et le
grenadier, plantes intrues, prospèrent au milieu
des noyers gigantesques et des arbres fruitiers
de toute espèce. Le pin taurique, le genévrier
oriental et l’arbousier se collent contre les
hautes murailles calcaires , et ce dernier en
rougit les flancs. Tel est l’antique domaine des
Taures (1), race voisine des Kimmériens , auxquels
ils paraissent avoir été soumis dans le
temps de leur puissance sur le Bosphore. Chez
eux sont le mont Trapèze (le Tchatÿrdagh) et le
cap Krioumétôpon (T’Aïoudagh), où leur religion
a érigé un de leurs temples à la terrible
Diane, métamorphosée en Iphigénie. Au pied du
rocher ensanglanté par des sacrifices humains
est le village Parthênith ou de la Vierge cruelle,
(j ) Est-ce un lambeau de la race fînoise caucasienne ?
Je reviendrai bientôt sur cette opinion.