ont eu plus de noms différents. Solgat était son
nom primitif: il a subi nombre de variantes.
Kremum ou Krhnum ( dérivés de kermen ou
kermanr château ) furent en usage plus tard,
quand Solgat fut abandonné pour une autre
résidence, et pour marquer son origine antique,
les Tatares l’appelèrent Eski-Krim (le vieux
Krim). Selon Tounman, les Grecs la nommaient
Karea et Kareonpolis ( xapsa et xocpeajVTvohç ),
dont le comte de Ségur fait Karka et K a r -
koupol. Enfin les Arméniens la connaissaient
sous l’épi thète de Kazarata (1).
Aujourd’hui, que reste-t-il de tant de grandeur
? Où sont les riches caravanes qui venaient
déposer les produits de l’Asie dans les caravansérails
de Solgate? On est effrayé de voir comment
d’aussi puissantes capitales peuvent disparaître
en si peu de temps, et se recouvrir de
champs et de pâturages, qu’interrompent seules
quelques ruines plus solides qui ont su braver
la destruction fatale qu’exercent d’émulation le
temps et les hommes. Qu’ai-je vu à Eski-Krim ?
Le guide qui me conduisait me fit observer cinq
vieilles mosquées en ruines, aux flancs ouverts;
un grand bain voûté, vis-à-vis de l’église grecque,
et derrière celle-ci une sixième mosquée
(1) P. de Koeppen, Krimskii-Sbornik, p. 338 et suiv.
Comte de Ségur, t. III, p. 198.
en ruines, la seule où un moullah exerce encore
ses fonctions. Peut-être est-ce celle que Bibarse,
roi d’Egypte, originaire de la Crimée, fit construire
en marbre et en porphyre, avec la permission
du khan du Kaptchak* C était la plus
grande de la Crimée. Par-ci par-là, des traces
d’anciens trottoirs, indiquent en plein champ,
la direction des rues. Quelques mûriers rabougris
ont seuls échappé à la dévastation des beaux
jardins, dont il reste à peine quelque trace. On
a voulu établir une colonie d’ouvriers qui s’occuperaient
de la culture des mûriers et des vers
à soie. Ce projet venait du prince Potemkin. On
fut obligé de l’abandonner, cet établissement
n’ayant pu fournir , la dernière année de son
entretien, que 20 livres de soie (1).
Les Arméniens sont maintenant presque les
uniques habitants d’Eski-Krim, où ils ont une
église; leur couvent de Saint-Georges, sur le
mont Karassan, est l’objet de nombreux pèlerinages
(2)^
Pour juger de la position d’Eski—Krim, mon
guide me fit grimper du côté de l’Aghermiche,
sur les flancs duquel on traverse en montant le
double rempart qui entourait la ville; l’un était
(î)Pallas, Voy. t. II, p. 280.
(2) Iil. id. 279. P. de Koeppen, Krimskii-Sbornik,
p. 28.