kimmérien qui défendait l’île où ce peuple avait
établi le siège de son empire. Certes, je crois que
ce monument mérite que je quitte la grande
route de Taman pour faire une excursion sur
cette terre classique, dont je me suis déjà occupé
dans les volumes précédents (1).
Car comme j ’ai cherché à le prouver, c’est
chez les Kimmériens qu’Ulysse vient consulter
1 oracle de Tmésias; l’île de Taman où ils habitent,
paraît à Homère l’extrémité de l’empire de
Neptune. Là sont les bouches des enfers, idée
religieuse justifiée par les volcans de boue, et
par les sources de naphte qui coulent des eaux
noires et puantes comme le Cocyte et l’Aché-
ron (2). Peu d’explications du texte d’Homère
peuvent être plus heureuses que celle-là.
(1) Voy. 1 . 1 , p . 6, j t. I I , p. a6 • t. IV, p. 327 et suiv.
O ; « Quand tu auras franchi l’empire de Neptune, dit
Circé a Ulysse, tu verras un rivage bas, d’un facile abord
et ombragé de hauts peupliers, de saules stériles et d’autres
arbres , noires forêts de Proserpine. Arrête ton navire
a cette plage, bordée des gouffres profonds de la mer ■
toi, entre dans l’horrible demeure dePluton. Là, s’élève
un rocher où le Cocyte, roulant lentement du lit du Styx
et du Phlégéton enflammé , se rencontrant et confondant
leurs eaux, tombe éternellement dans l’Achéron avec un
tumulte épouvantable. » Ceux qui connaissent le pays
diront qu’Homère décrivait d’après nature où d’après les
récits de quelque navigateur aventureux; il est même
une localité qui répond parfaitement au texte du poète,
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Et les Kimmériens d’Homère sont plus tard
les brillants acteurs des plus anciennes révçlu—
tions historiques, et des plus importantes en
même temps, de celles qui ont changé la face de
l’Europe et de l’Asie à la fois. Les Kimmériens,
dans l’Asie Mineure aux portes de l’Ionie, les
Kimmériens sur les rives du Dnestre et du Bog,
et plus tard dans la Cimbrique danoise, les
Scythes en Egypte, en Syrie, les Scythes au
coeur de l’ancien monde et maîtrisant toute l’Asie
centrale, eh bien I il sont tous partis d’ici. Au-
delà de ce rempart, voilà la capitale des Kimmériens,
le centre de la terre d’alors. De ce
coté se portent tous les regards: ici se résolvent
les grandes questions qui doivent décider
de l’avenir de l’Europe et de l’Asie : tout va changer
dans ces deux parties du monde. Les Mèdes
reveillés vont reprendre leur énergie , et reconquérir
leur place : l’empire célèbre des Perses
s’entera sur ces beaux antécédents, et dès-lors
les regards de l’Asie se tourneront vers l’Europe.
Darius voulant se venger des Scythes, promènera
ses armées innombrables dans le midi de l’Eucelle
des volcans de boue d’Iénikalè. Comme pour justifier
mon commentaire d’Homère, Pline dit que Kimmericum
s’appelait Kerberion, du nom du gardien des enfers. Notez
encore que les Slaves appellent aussi les volcans de boue
Pékla, enfers.