Celle des statues que je suppose Anerghe, a
été transportée a Taman où elle est déposée sous
l’avant-toit de l’église, à côté du socle sur lequel
on voit les doubles enfoncements des pieds des
deux statues. Je ne sais ce qu’est devenue celle
d Astara qui est peut-être encore plongée dans
le lac.
Aujourd hui la baie de Képos ne pourrait plus
servir a la navigation, elle a été barrée petit à
petit par une longue digue de sable qui part de
la pointe du cap Rakhmanofskoï, et se dirige
vers le village d’Akdenghisofka. Encore quelques
années et au lieu d’une baie, l’on ne trouvera
plus qu’un lac fangeux et qu’un marais.
Tel est Képos entouré de ses temples et
de ses tumulus. J’aurais tout dit sur cette
v ille , si un fait intéressant pour l’histoire
de la Grèce ne se rattachait à ce nom si
peu connu. Voici ce qu’on lit dans une harangue
d’Eschine , sur la couronne, dans laquelle il
cherche a déchirer Demosthènes. « Un certain
« Gylon du Céramique , avait livré aux ennemis
« Nymphée, ville du Pont, qui alors nous appar-
« tenait. Le traître n’attendit pas le jugement qui
« le condamnait à mort ; il s’exila de lui-même ,
« et venant dans le Bosphore, il reçut des tyrans
« de ce lieu, pour récompense de sa perfidie,
« une place appelée Képos, et épousa une femme
« riche, assurément, et bien dotée, mais Scythe
« de nation. Il en eut deux filles qu’il envoya à
« Athènes avec des sommes considérables. Il
» maria l’une à quelqu’un que je ne nommerai
« pas (Démocharès) pour éviter de me faire
« trop d’ennemis ; Démoslhènes de Péanée, au
« mépris de toutes nos lois, a .épousé l’autre
« (Gléobule) qui nous adonné ce brouillon, cet
« imposteur (l’orateur Démosthènes). Ainsi, par
« son aïeul maternel, c ’est un ennemi du peuple ;
« vous condamnâtes à mort ses ancêtres ; par sa
« mère, c’est un Scythe, un barbare, qui n’a de
« grec que le langage ; il a le coeur trop pervers
« pour être Athénien (1). »
Ainsi, Képos avait été en la possession du
grand-père maternel de l’orateur athénien Démosthènes.
Maintenant, je vais continuer ma route et
chercher Phanagorie. Que je suive la grand route
de Taman, ou que je cotoie le liman d’Aftaniz en
m’avançant vers la partie sud-ouest de l’île, je
m’aperçois bientôt que je ne dois pas être bien
loin de la capitale du Bosphore asiatique, à voir
l ’immensité des tumulus qui environnent les
(1) Notice historique sur la ville de Nymphée, par J.
Stempkowsky (gouverneur de Kertche).