crypte mérite à elle seule qu’on se détourne un
peu de sa route. On voit une belle chaîne de
montagnes border l’horizon , e t , pour second
plan, la vallée de Karassoubazar, dont la ville
s’étale sur une courbe irrégulière, présentant
ses innombrables toits rouges, au milieu de la
verdure des jardins. Le vaste sommet du rocher,
légèrement gazonné, est plat comme une table,
et à le voir aujourd’hui si désert et abandonné
aux troupeaux de chèvres et de brebis,
on ne soupçonnerait pas qu’il a retenti souvent
des chaleureuses allocutions des meetings tar-
lares.
Après la famille régnante des Ghirei, la race
la plus, puissante en Crimée était celle des Chi-
rines, répandue de Karassoubazar à Kertche, et
possédant de vastes domaines et de grands privilèges,
qu’elle devait à un certain Dangy, bey,
qui, dans une révolte générale, sauva le dernier
rejeton de la famille des Ghirei, qu’on avait
exterminée. La noblesse, fatiguée de l’anarchie,
ayant élevé ensuite ce jeune homme à la dignité
de khan , celui-ci combla Dangy et sa famille,
dont descendent les Chirines, des témoignages
de sa reconnaissance; ils avaient les seuls en
Crimée la prérogative d’épouser des filles de la
famille des Ghirei. Peyssonel rapporte une autre
tradition par laquelle un Chirine, compagnon
de Djinghiz-Khan , serait entré le premier en
Crimée et en aurait fait la conquête ; Ce qui faisait
prétendre orgueilleusement à celte famille
qu’elle avait plus de droits au trône que la famille
régnante.
Ces privilèges et cette puissance excitèrent
chez eux une ambition et un esprit d’opposition
qui les rendit souvent redoutables aux khans; au
moindre sujet de mécontentement, le chef de la
famille qui portait le titre de Chirine, convoquait
son parti, et l’on voyait bientôt tous les chefs de
famille accourir avec leurs vassaux sur le sommet
de ce rocher qui, foulé sous les pieds de
milliers de chevaux, retentissait de cris de vengeance
ou de projets de révolte : c’est pourquoi
les Russes lui ont aussi donné le nom de Chi-
rinskaïa-gora (1).
Le 18 juillet i 834, pour ne pas refaire la
imite que j ’avais suivie en i 832, je pensai à
traverser la muraille Taurique par un autre
point : le trajet ne peut se faire qu’à cheval. A
partir de Soudak, j ’entrai dans l’embranchement
occidental de la vallée, qu’on appelle Aï-Sava,
et qui mène à Koutlak, en tournant autour du
Pertchemkaïa.
La vallée de Koutlak est fermée vers la mer
( i)P a lla s , Voyage cri Crimée, t. II, p. 271 et 387.
Peyssonel, Traité sur le commerce de la Mer-Noire, t. I I ,
p. 269. Mémoire sur la Petite-Tatàrie.