vers le point qu’éclairait la dernière lueur du
crépuscule, nous nous trouvâmes devant notre
khan, que je soupçonnais de ce côté-là, tout près
d’un vieux minaret, dont la barre noire se dessinait
encore sur l’horizon.
Karassoubazar est très-probablement l’üne des
villes mentionnées par Ptolémée dans l’intérieur
des terres ; mais dans' ce dédale de longitudes et
de latitudes fausses ou falsifiées par les copistes,
sous quel nom la chercher ? La plus probable
des suppositions est peut-être encore bien loin
de la vérité.
Etant à Karassoubazar, il est naturel de visiter
la source du Karassou qui est dans le voisinage
, à 6 verst au midi de la ville. Je n’entrerai
pas dans l’appréciation des critiques que les voyageurs
ont élevées pour ou contre la beauté de
ce passage (1). Jusqu’à Karassoubéchir, l’on
marche sur des formations crayeuses, fort peu
pittoresques ; au-delà du village, la terre semble
s’entr’ouvrir ; le sol peu accidenté est sillonné
par une large fente, profonde de i5o à
200 pieds, encaissée par des roches jurassiques
qui commencent à surgir. La fente se termine
par une gorge étroite, hérissée de rocs, sur
( i) Lettres de lady Craven, éd. angl. t. IV, p. 169.
Pallas, Voyage, etc. t. II, p. 270. C. H. Montandon,
Guide, etc. p. 3i 8.
lesquels bondit une eau qui se précipite en nappes
et en cascades^ La fente est remplie par un beau
ruisseau d’une couleur bleuâtre qui lui a attiré
l’épithète de Karassou (eau noire). L’onde en
serpentant laisse tantôt d’un cote, tantôt de
l’autre des morceaux verdoyants couverts d’arbres
et de vigne sauvage. Rien 11’annonce qu on
va trouver à ses pieds ce beau tableau.
Mais il faut descendre et visiter de plus près
un grand rocher caverneux , dont les flancs se
composent d’un calcaire fragmenté en mille et
mille débris anguleux. Il paraît que cette assise
de roc repose sur une couche schisteuse qui lient
l’eau; car on la voit sourdre à gros bouillons du
pied de cette roche, ou filtrer de toutes parts
comme à travers un crible. Le roc rongé est
percé de cavités profondes et arrondies qui ajoutent
à la beauté du spectacle. Des plaques de
verdure séparent les différents courants et les
environnent d’un éternel printemps (1).
Les poudingues ont une grande épaisseur
parmi les calcaires du Karassou.
(1) Atlas, Ve série, coupes, plans, etc. pl. 24,
fig. j .