lieu. Les portiques latéraux sont sur le même
modèle.
Une chose curieuse à visiter encore, ce sont
les cafés et les jardins attenants, où les inoccupés
se réunissent pour fumer, pour jouer ou
pour écouter un conteur. Ces cafés sont partagés
en plusieurs cases ou compartiments séparés par
un grillage très-bas, contre lesquels on appuie
les coussins. Chaque case est, dans le fait, un
divan carré, avec une petite table au milieu, sur
laquelle se trouvent des pinces et un brasier pour
allumer sa pipe ; on y pose sa tasse de café. Une
allée sépare les cases par le milieu, chacune
ayant sa porte indépendante. Là se place le conteur,
qui fait aussi le métier de fripier ou de revendeur.
11 commence un conte des mille et une
nuits, se repose de temps à autre , s’adressant à
ses graves auditeurs, auxquels il a soin de dire,
en faisant passer une petite assiette, que l’histoire
deviendrait encore cent fois plus belle
si on pouvait l’encourager par la vue de quelques
piastres, et j ’ai presque toujours vu que cet appel
faisait son effet sur ces Tatares avides de merveilleux.
Le conteur, sans être aussi gesticula-
teur que le Persan, sait aussi fort bien unir le
geste au discours fleuri. Après le conteur, c’est
le tour des chanteurs, qui croient ajouter à
l’harmonie, en chantant d’une voix chevrotante,
accompagnés d’un violon et d’un tambourin.
Là, chacun conserve encore son costume, et
le Tatare de toutes les conditions , l’Arménien,
le Grec, se présentent dans toute leur originalité.
A ne voir que ce que je viens de décrire, l’on
n’aurait néanmoins aucune idée de Karassou-
bazar, si l’on ne se donnait la peine de monter
sur l’une des collines crayeuses qui l’entourent.
C’est ce que je fis lors de mon premier séjour,
accompagnant deux dames qui, pour juger plus
vite de l’ensemble de la ville, et sans y entrer
préalablement, montèrent avec moi sur la hauteur
du cimetière grec. En contemplant cette
grande étendue couverte de jolies maisons à
toits rouges, semées de pavillons au milieu de
beaux jardins ; en suivant des yeux les rues qui
se glissent et se ramifient comme les sentiers
d’un parc anglais, nous étions à nous dire qu’au
lieu de faire le tour de la ville, nous aurions
plus vite fait de la traverser, pour rejoindre notre
compagnie au khan grec. Mais à peine entrés
dans ce dédale, dont nous admirions d’en
haut la verdure , tout disparut derrière la monotonie
des tristes murs de terre grise : rien
ne faisait reconnaître la belle maison, le beau
jardin, les hauts peupliers, d’après lequels nous
comptions nous orienter ; nous nous perdîmes ;
nous n’étions compris de personne, et la nuit
était venue, quand enfin, à force de me diriger