Ki^e-Koulle (chateau de la fille), la vraie acro—
polis qui couronne le rocher ; ce n’est dans le
fait qu’une simple tour carrée, voûtée, liée au
reste des fortifications par une muraille, mais
placée là comme un aire de faucon, pour dominer
sur toute l’immensité de la mer, sur l’ensemble
des fortifications, sur les embranchements
de la vallée et sur le circuit de l’ancien
port de Soudak, don t on saisit tous les détails
et d’où l’on peut suivre tous les mouvements
d’une flotte. Cette vue est ravissante, quoique
d’un sévère comme peu d’endroits peuvent en
présenter. Car un point pareil résume tout un
pavs, toute une histoire.
Du Méganome au Kaslèie et à i’Aïoudagh,
l’oeil suit la côte et se promène sur les terrasses
naturelles multiples adossées.à la muraille Tau-
rique : mais rien n’égale l’effet du port antique T
aujourd’hui désert ; le rocher le plus rapproché
de la forteresse l’abrite du côté du nord; c’est
le Kouche-Kdia ou Sokolgora (1), fantastique,
dont la muraille à pic nue, beaucoup plus élevée
que la forteresse, regarde le rivage. Là une
légère terrasse couverte de rochers éboulés et
parsemée de genévriers noirs, avait permis de
(r) Kouche-Kaia , tatare; Sokolgora , russe, signifient
montagne du faucon ; M. de Koeppen lui donne le nom
de Odadji-Klarein-houroitn.
pratiquer le sentier qui de la forteresse menait
au port, dont la principale enceinte se dessine
entre le Kouche-Kaia à l’est et le Tchikine-
Kaïassi\ autre rocher fantastique et inabordable
à l’ouest, au bord de la mer.
Le fond de la baie, fortement en talus, quoique
exempt de rochers à pic, était occupé par l’ancienne
ville du port. Aujourd’hui le prince
géorgien Kerkéoulidzef en est le propriétaire,
et en prenant possession de cet amphithéâtre
abandonné, couvert de forêts, où il a établi une
colonie de vignerons, il a cru faire la découverte
d’un Noweau-Monde (1).
Si la vue est belle le long de la mer, elle ne
l’est pas moins quand l’oeil se repose sur la colonie
suisse qui a remplacé, Scythes, Grecs, Ko-
mans, Génois et Turcs, et sur le beau golfe de
verdure qui s’avance au milieu des rochers pelés
et grisâtres que j ’ai décrits plus haut.
Et quand on laisse le champ libre à son imagination
au milieu de ce tableau, qu’on retourne
en arrière, quel conflit d’événements bizarres !
Soudak comme Panticapée est aussi un point où
l’Orient vient heurter contre l’Occident. Soudak,
port des Tauro-Scy thes : où sont-ils les adorateurs
de la cruelle Diane?Soudak, château grec;
Soudak, fief de la Gothie ; qu’est-il resté de la
(i) Tel est le nom qu’il a donne àsa terre.