l’Orient , sont tous réunis par groupes : c’était
aussi le cas en Occident, comme lë témoignent
les noms des rues des anciennes villes. J’ai parcouru
avec intérêt la rue des Couteliers et serruriers,
qui étaient naguère très-renommés jusqu’en
Colchide et dans l’intérieur du Caucase ;
mais Rarassoubazar n’est rien en comparaison
de Baktchisaraï, qui comptait jadis jusqu’à cent
boutiques de couteliers. Du temps de Peyssonel
(4755), la Crimée fabriquait jusqu’à 4oo,ooo couteaux
à manches immobiles, renfermés jusqu’aux
deux tiers de la poignée dans des étuis de maroquin,
dont la fabrication est un article de première
importance pour Rarassoubazar.
Les seuls monuments ou édifices que l’on voie
dans une ville pareille, sont ceux qui appartiennent
à la vie publique, les karavanséraï que les
Tatares appellent khans, les bazars, les mosquées
et les églises.
Les khans nombreux dont on comptait vingt-
trois du temps de Pallas, n’ont rien de l’élégance
architecturale de ceux de Tiflis : le plus considérable,
le Tache-khan, construit en i 656 par
Seffer-Gasy-Atchéiou, ministre de Meehmet-
Ghireï, est un vieil et immense édifice carré, qui
ne présente a 1 extérieur que quatre hautes murailles
trisles.et nues (1) : l’intérieur est rempli
( 0 On jugera de l’eflet de l’un de ces khañs par celui
de boutiques qui sont ainsi protégées contre les
voleurs. Un des khans les plus récents, celui des
Arméniens, contraste par son luxe avec les autres.
Il est construit comme un passage de Paris,
seulement sur une plus grande échelle : il est
plus large ; sa voûte haute et cintrée est éclairée
par des fenêtrages; les boutiques rangées de part
et d’autre laissent assez de place pour circuler,
et même pour se promener comme dans la galerie
d’Orléans.
Je n’ai vu aucune mosquée remarquable parmi
les vingt-deux qu’on compte à Rarassoubazar.
Son église grecque mérite d’être visitée par son
originalité : elle est bâtie en croix avec un dôme
qui en éclaire le centre^ Son portique s’ouvre au
milieu par une grande arcade appuyée sur deux
colonnes, avec piédestaux et ornements imitant
le ionique. Deux colonnes plus petites et sans
piédestaux contrebutent aux angles les arcades
latérales beaucoup plus basses que celles du miqui
se présente au-devant de la vue que Pallas a donnée
de Karassoubazar, t. II, pl. i 3. La vue prise du sud, des
hauteurs que baigne le ruisseau Tunas. porte entièrement
sur la partie orientale de la ville, et sur ses immenses cimetières
semés depiei’res funéraires : ces cimetières grandissent
d’une manière effrayante dans les villes populeuses
musulmanes, pour lesquelles c’est un crime de remuer la
cendre des morts.