colones doriques qui se répètent d’une extrémité
de la Russie à l’autre.
Mais après avoir abattu ces dômes élégants ,
après avoir amené à grands frais les tambours de
colonnes qui devaient orner les portiques, dont
on posa les bases , l’argent vint trivialement à
manquer, et le gouvernement ne voulut plus
faire d’autres avances. D’ailleurs les projets de
l ’impératrice Catherine II subirent pendant un
certain temps l’effet d’un grand refroidissement
de zèle en leur faveur, et pendant maintes années
l’église projetée présenta le tableau d’une
vraie ruine, dont l’aspect serrait le coeur. Un
gouverneur de Théodosie, celui qui fit enlever
les lions de Phanagorie, en vint jusqu’à faire
transporter les plus belles colonnes destinées à
l’église, dans son jardin hors de la ville, où
étaient déjà les lions. Il fut mis en jugement et
condamné à retransporter les colonnes et les
lions ; mais les uns et les autres sont encore dans
son jardin.
Lorsque j ’ai dessiné cette ruine en i 832 ( i ) , il
existait près de là un autre monument, les Grands
Bains turcs , que l’exigence des ablutions nécessite
dans le voisinage des mosquées. Ce bâtiment
d’une grande proportion se composait de deux
vastes salles éclairées par deux superbes coupoles.
La corniche extérieure de l’édifice pouvait
servir de modèle par son élégante simplicité : 011
s’était servi de la brique pour faire des dentelures
alignées sur le même cordon. Ce bâtiment
entouré d’une multitude de petits dômes , sous
lesquels étaient pratiquées les étuves, était susceptible
de devenir un bazar public des plus
grandioses, dès qu’on ne voulait pas lui conserver
sa destination primitive. D’ailleurs c’était le
plus beau monument de Théodosie dont il ornait
la grande place (1).
Mais il offusquait la vue de M. le gouverneur
Kaznatchéïeff, homme d’une ignorance profonde
pour tout çe qui est beau et monumental. Il
trouvait qu’il n’y avait pas assez déplacés au milieu
d’une ville de 45oo habitants, pour y faire
manoeuvrer une armée, et il se mit dans la tête
d’agrandir celle-ci, en faisant disparaître la ruine
de la mosquée et les bains. Il proposa la chose
au gouvernement, prétextant que ces deux bâtiments
menaçaient ruine de toutes parts et devenaient
dangereux. M. le comte Vorontsof, gouverneur
général de la Nouvelle-Russie, qui dans
ses tournées , n’avait peut-être pas porté son attention
sur ces deux bâtiments, que son goût
pour l’architecture lui auraient fait conserver,.
(2)Pallas, Foyi etc. t. II, p. 286. Murawiew-Apostol,
Base durch l'aurien, p. 202.