de son pittoresque écouloir, est un marbre rouge
et rose, veiné de blanc. Les couches, quelquefois
assez apparentes, sont relevées sur leur tête, courant
de l’est à l’ouest, en regard de la vallée du
Salghir ; elles sont entrecoupées de poudingues
à gros cailloux et de schiste. Le sens de ce redressement
de couches est en contradiction avec
ce qu’on voit tout autour d’Aïan.
Le même Tatare, Abla, me servit de guide sur
le Tchatyrdagh : nous l’escaladâmes le 29 août
i 832, par le flanc oriental, tournant d’abord autour
du pied, en nous dirigeant vers Tchafki.
D’ici, la vue plonge sur l’extrémité de la vallée
du Salghir : on voit Koulchouk-Yankoï et Kisil-
koba, et l’on pénètre jusqu’au fond de leurs antres.
Ce premier trajet se fait sur du schiste, qui
constitue, jusqu’à une grande hauteur, la paroi
occidentale de la vallée de l’Angar. En remontant
, nous retrouvâmes bientôt le marbre avec
ses couches à fleur de terre, et ce fut pour nos
chevaux un pénible exercice que d’en escalader les
flancs couverts de ravins et sur lesquels les débris
se sont entassés. Enfin, nous élevant d’assise en
assise, sur un sol aride où paissent des moutons,
nous parvînmes, après 6 à 7 verst de marche, sur
la table du Tchatyrdagh : en effet, on peut lui
donner à juste titre ce nom. C’est un des plus
beaux échantillons de Yailas unies, de 6 à 7 verst
de longueur sur 3 verst de large, presque horizontales.
La nature a employé à ce pavé régulier
les têtes des couches du calcaire noir qui affleurent
en se redressant d’autant plus qu’on approche
de l’extrémité méridionale de la montagne
(1), les couches les plus dures forment des
sillons sur lesquels la végétation est presque nulle,
tandis que les intervalles légèrement enfoncés
présentent des bandes de tapis vert où paissent
les troupeaux.
De fréquents enfoncements verdoyants de 40
à 100 pas de diamètre interrompent encore l’uniformité
du sol : ils i-appellent ceux que l’on
voit sur quelques sommités du Jura, près de
Neuchâtel ; mais leur profondeur ne dépasse pas
(1) Les partisans des roches polies et des glaciers me
demanderont si dans cette vaste tranche de couches fort
extraordinaires, qui forme la surface de la yaïla, je ne crois
point voir une surface unie par les glaces : je ne puis rien
affirmer, rien nier. Le seul fait prouvé par l’histoire géologique
de la Grimée nous enseigne que les yailas de la Crimée
ont été des sommets d’îles pendant les époques crétacées
et tertiaires , et que par conséquent lé temps depuis
lequel elles exposent leurs surfaces nues et rocheuses aux
injures de l’air est très-long, incommensurable pour nous.
Vouloir expliquer dès-lors les agents qui ont pu niveler
ainsi le sol, me paraît pour le moment impossible. J’observerai
que ces tranches de couches plus ou moins redressées,
se remarquent dans des terrains encore plus anciens,
comme je l’ai fait remarquer au fond de la gorge de K isil-
koba et aux environs de Mamak.