Assis sur le mur d’enceinte de l’église, mes
regards se portent à gauche, où ils sont bornés
par une partie de la ruine du monastère, masqué
par des rosiers qui croissent sauvages sur la
terrasse qui l’entoure. De là je plonge jusqu’à la
iûer : sur ses rives se dessine la forteresse de
Soudàk, couronnant son roc pelé, et l’on embrasse
toute l’enceinte du château d’en bas
avec ses hautes tours : la tour de la Fille (Kize-
Koullé) termine cette pyramide de ruines, où il
n*y a de vivant que le voyageur lointain ou les
enfants de la colonie allemande, qui en font le
théâtre de leurs jeux; leurs maisons sont en
dehors des murailles.
Le Kouchekaïa ou Sokolgora des Russes
(montagne du faucon) domine la forteresse avec
sa croupe noire. De son pied se détachent d’autres
rochers couronnés de deux pointes, visibles
au-dessus de la forteresse : telle est la limite à
l’ouest du Liman ou port de Soudak, dont le
rocher de la forteresse forme l’autre jetée.
Au-delà des rochers du Liman, sur la ligne
lointaine de l’horizon de la mer, se perd, sous
une teinte de plus en plus brumeuse, la côte de
Crimée que termine le dôme de VÆoudagh, le
Crioumetopon des anciens, le vrai sanctuaire de
Diane et d’Iphigénie.
Mais je reviens à droite du Kouchekaïa, et en
suivant le dos des montagnes intérieures,j’arrive
au iPertchem-kaïa, la sommité la plus élevée,
dont les flancs, nus et trop secs pour qu’on
ait pu y planter de la vigne, sont sillonnés de
ravins. Le plus apparent qui se prèsse entre deux
contreforts blanchâtres, 1 ' Afourdagh, dont une
trace d’ombre marque la continuation jusque
dans la vallée, au milieu des vignobles de l’amiral
Mordvinof, est renommé par une source
d’eau sulfureuse fort visitée par les Tatares :
elle est à l’entrée du ravin à droite, non loin de
la petite maisonnette : on y a creusé un bassin
pour pouvoir s’y baigner.
En tournant enfin jusqu’à l’extrémité du
paysage, je signale un léger promontoire; tel
est le point de partage des deux embranchements
de la vallée, qui, comme deux fleuves de verdure,
viennent confluer ici. L ’un, le plus éloigné,
bordé de maisons sur la hauteur, porte le
nom d'Aï-Sava, tandis que le plus rapproché,
dont on ne voit qu’un petit coin avec des arbres
et des peupliers, mène à Taraktache.
Que dirai-je maintenant du magnifique golfe
de verdure qui prolonge au loin les rivages au
milieu de ces montagnes pelées et grises? Dans
ce dédale, où le vert des arbres et des hauts peupliers
ressort sur le vert pâle de la vigne, quel
plaisir de voir ces jolies maisons blanches si
propres et si champêtres, semées çà et là , cha-^
eune.au milieu dé son riche domaine. Soudalc