d’entamer ïa négociation avec Chendy avaient
suivi l’autre rive ; nous étions donc les premiers
Turcs qui eussent paru de ce côté du pays. Mon
cortège était loin d’en imposer : or, nous devions;
pour notre sûreté, propager dans le pays que
nous traversions l'idée que toute insulte qui
nous serait faite ne tarderait pas à recevbir son
châtiment. A l’aide de notre petit mensonge ,
nous avancions sans obstacle. A deux heures,
nous passâmes près d’un petit hois d’acacias qui
nous dérobait a l’ouest la vue du Nil , distant d’un
quart de lieue. Dans l’est, se développaient de
vastes plaines désertes, et, plus sud, une petite
chaîne de montagnes peu élevées bornait l’horizon
Bientôt nous vîmes des éminences rocheuses
border la rive opposée du fleuve. Sur
les plaines que nous parcourions, il croît beaucoup
d’acacias et divers arbustes parmi lesquels
je remarquai Yasclepias gigantea et le bala-
nites *, dont le bois sert aux Arabes pour se
nettoyer les dents; A cinq heures , nous nous
arrêtâmes à Saqadi, village situé à une demi-
lieue du fleuve. Ic i, comme par-tout où nous
venions de passer, notre apparition causa beaucoup
detonnement. Quoi qu’il en soit, nous
' ■* Delisle, Mémoires sur l'Egypte.
eûmes une peine infinie à nous procurer un peu
de lait en payant ; on refusait net de rien vendre.
les complimens et les prévenances des cheykhs
étaient finis pour nous! A dix heures, nous entendîmes
de grands cris efdes espèces de rou-
coulemens particuliers aux habitans de ces
régions, et auxquels ils donnent des inflexions
différentes, suivant qu’iIs veulent exprimer la
douleur ou la joie. C’était le mélik Nimir qui
avait pris congé d’Ismâyl pacha et s’en retournait'
à Chendy : il s’arrêtait à Saqâdi pour se
reposer. Ces cris perçans étaient des acclamations
du peuple pour témoigner à son mélik la
joie de le revoir. Je n’osais interroger les naturels
sur les objets d’antiquité qui pouvaient exister
sur leur territoire; car, à leurs yeux, ce ne
sont que les infidèles et les kaffères euxrinêmes
qui peuvent rechercher leurs monumens. Lorsque
les habitans qui nous entouraient se furent retirés,
je pris mon guidé en particulier pour le
questionner sur ce que j’avais entendu dire à Barbar,
qu’à une journée au nord de Chendy il y a des
tarâbyïs, c’est-à-dire ; des pierres en grand nombre
posées parlés anciens les unes sur les autres en
forme d’escalier, pour recouvrir des cazenets
ou caveaux remplis d’o r'e t d’argent. Je devais