pas mourir. Ii est vrai qu’en générai ils étaient
ivres ; quelques-uns même se précipitaient au-
devant des coups, tenant à la main un vase rempli
de liqueur enivrante, et paraissant aussi
joyeux que s’ils eussent assisté à une fête, Les
uns jetaient, en signe de mépris, de la terre à
la tête des Turcs; les autres, les saluant comme
leurs frères en religion, leur adressaient le
salàm aleykom [ la bienvenue au vrai croyant ].
Huit cents de ces malheureux restèrent sur le
champ de bataille : il ne périt pas plus de cinquante
cavaliers ; tous les autres échappèrent
par leur agilité. Le pacha eut trente morts et
quatre-vingts blessés.
Mais les désastres des Chaykyés étaient bien
loin de se borner là. Ce n’est pas dans la gloire
de vaincre que le soldat turc trouve toute sa
récompense ; le pillage et la dévastation peuvent
seuls assouvir sa cupidité. En voyant tomber
sans vie autour d’eux leurs compagnons, l’illusion
cessa pour ces stupides fanatiques; ce qui
en restait s’enfuit de tous côtés vers le désert, à
travers les champs de dourah. Quelques-uns regagnaient
leurs maisons., persuadés que leurs
ennemis épargneraient des hommes désarmés.
Vain espoir ! La soldatesque effrénée se répandit
comme un torrent, et porta de tous côtés l’incendie,
la spoliation et le massacre. En vain le
pacha voulut contenir ces furieux ; lui-même les
■ avait encouragés en mettant à prix les oreilles
des Chaykyés. Si quelque T u rc , ému par un
sentiment d’humanité, daignait aceorder la vie à
un, de ces infortunés, il ne poussait jamais la
générosité jusqu’à lui laisser ses oreilles. J ’ai
entendu un Grec, médecin du pacha, se vanter
d’avoir fait don à un soldat de celles d’une jeune
femme qu’il avait trouvée cachée dans un champ
de dourah, et faire parade d’avoir ressenti pour
celle-là une compassion que ne lui avaient point
inspirée d’autres vieilles femmes qu’il avait massacrées
sans scrupule. L’usage seul pouvait
excuser le pacha d’avoir encouragé tant d’atroces
mutilations par l’appât du gain. Ces
honteux trophées, joints à un bon nombre de
têtes, furent envoyés par lui à son p è re , comme
un témoignage de ses succès éclatans.
L’armée, à la suite de cette affaire , vint
camper sur le bord du fleuve. Le pacha fit prévenir
les habitans de Korti que tous ceux qui
prendraient la fuite seraient considérés comme
rebelles, et que leurs maisons seraient brûlées.
L’effet suivit de près la menace : Korti devint