longions le fleuve à quelque distance , en nous
dirigeant à travers des plaines incultes, en partie
couvertes d arbrisseaux r de >piantes , et entre
autres d aselépias 5 tout le sol était encore de
gres. Chaque jour l’armée perdait beaucoup de
chameaux, par suite des fatigues et des grandes
chaleurs. Le défaut de transport n’avait permis
aux troupes de ne charger du dourah à Chendy
que pour peu de jours ; on était à la veille d’en
manquer : la disette prochaine de ce grain, devenu
l’unique nourriture du soldat et du chameau,
faisait naître les plus vives inquiétudes.
Les misérables villages’qui s’offraient sur la
route étaient hors d’état de procurer quelque
ressource importante. Dans l’espoir de s’approvisionner
sur Iautre rive, qui dépendait encore
du Chendy, l'armée s’arrêta près du fleuve, à
dix heures du soir, dans une contrée qui porte
le nom de Guérif. On découvrait sur l’autre
rive le grand village d’Ouâd-Beyt-Naga. Le
17 mai, le pacha y envoya quelques oificiers
porteurs de ses ordres , pour requérir du dourah:
il fit aussitôt crier dans le camp que l’on allait
sous peu faire une distribution ; le bord du Nil
fut à 1 instant couvert de malheureux soldats
que déjà la faim tourmentait. Mais la journée se
passa dans une cruelle et stérile attente; rien
n’àrriva. Le 18, les officiers, de retour, annoncèrent
que les habitans s’étaient refusés à donner
des vivres , et qu’ayant voulu insister pour
exécuter les ordres dont ils étaient porteurs,
toute la population avait couru aux armes, d u e
faire? fabsence des barques rendait impossible
tout moyen de recourir à la force. Ismâyl, concentrant
malgré lui sa fureur, prit.son parti,
et à trois heures ordonna de se remettre en
marche. Les soldats cherchaient avec avidité les
fruits des doums, et faisaient main basse sur tout
ce qu’ils pouvaient piller à droite et à gauche.
Ici le chemin devenait difficile ; il fallait sans
cesse monter et descendre à travers des masses
rocheuses qui s’avancaient jusqu’au Nil. Je vis
des restes de grosses murailles eu pierres froides ,
qui paraissent appartenir à une ancienne forteresse;
tout le sol continue à être de grès. A
cinq heures et demie, nous descendîmes dans
un fond où se déployaient de vastes plaines herbeuses;
en face est la grande île de Nasri. On
suivait le Nil à un quart et un. demi-quart de
lieue de distance. A dix heures, suivant l’usage,
un coup de canon fut le signal pour camper ;
nous avions marché six heures et demie. On