était près du village de Derreira : il y régnait,
comme dans toute la contrée, depuis Çhendy
fusqu au fleuve Blanc, une extrême pauvreté
et une dépopulation évidente: Cet aspect misérable
du pays était dû aux incursions continuelles
et aux brigandages des Chaykyés : plus
d’une fois, Chaouss lui-même, à la tête des
siens, était venu y porter le pillage et la désolation.
La nuit précédente, la nature du sol
avait changé ; de nombreux blocs arrondis de
granit à grains fins s’y faisaient remarquer.
Le 19, 1 armée se mit en marche à trois
heures et demie du soir. A cinq heures, nous
traversâmes deux ravins profonds, en partie Creusés
par les eaux de pluie qui descendent du désert
et viennent grossir ïe fleuve. Ici, une foule de
rochers de granit, et d’arbrisseaux qui croissent
dans leurs interstices, embarrassaient le passage
et contraignaient à faire de nombreux détours.
De grands feux allumés de distance en distance
guidaient nos pas. A huit heures , on franchit un
troisième ravin. II n’existait aucun chemin frayé :
les chameaux tombaient sous le poids de leur
charge ; ôn entendait de tous côtés les eris tumultueux
des Arabes, des animaux. Il fallait se faire
jour à travers des halïiers. Enfin la lune se montra
à l'horizon, et sa clarté nous guida dans ces labyrinthes
inextricables. Je pus distinguer la direction
de la route; le pays avait la même apparence
que la veille; c’étaient de vastes plaines couvertes
çà et là de plantes herbacées, d’acacias
rabougris. A minuit un quart, on campa près du
fleuve, dans un lieu nomme 1 Ouüdy Hichav;
en face, sur l’autre rive, on apercevait la.ihonta-
gne et les habitations de Guerri. Je jugeai , à I aspect
de cette montagne , qu’elle doit être primitive.
La plage que nous occupions était agréable
et pittoresque ; de beaux acacias et des nebkas
couvraient de leur ombrage des tapis de verdure;
le Nil silencieux réfléchissait à sa surface leurs
rameaux touflus; ce luxe de végétation , 1 absence
du palmier, qui seul pouvait me rappeler
que j’étais sur une plage lointaine , tout enfin
concourut pour me faire rêver un instant que
je reposais sur un de ces sites enchanteurs qui
embellissent les bords de la Loire.
Le 2 0 , à quatre heures du soir , on s’enfonça
dans une vallée qui descend vers le sud-ouest. Le
Nil coule entre deux chaînes de petites montagnes
qui l’encaissent. A onze heures, nous
vîmes la montagne de Rayân à la droite du
fleuve. Quelques groupes de dattiers, arbres très