quartier : on déposait chez moi avec confiance,
tapis, nattes, vases, et tout ce qu’on voulait
soustraire à ia rapacité des Turcs et de leiir
valetaille, qui ne laissaient rieri à ces pauvres
gens, et íes chassaient même de leurs' maisons
pour s’y loger. Mainte fois j’étais appeié pour
les défendre contre les insultes des soldats, et
j’avais souvent le bonheur de réussir a arrêter le
désordre. Aussi me nommait-on le bienheureux
Mourad Effendy. *
La principale nourriture des habitans est le
dourah : ils font, avec sa farine, des galettes que
l’on met cuire sur une dock ; le plus souvent on
a soin d’abord de faire aigrir la pâte. Dans les
temps humides, ces galettes sont susceptibles de
se moisir du jour au lendemain; alors on les
repétrit avec de fa pâte fraîche, et on les fait
cuire de nouveau : on les mange avec du beurre,
de la graisse ou du lait aigre ; les* riches les
assaisonnent quelquefois de' miel. On expose
sur les marchés la chair du boeuf, du mouton ,
sur-tout celle du chameau, qui est la plus commune
; le coeur, le foie et les rognons de mouton
, se mangent quelquefois crus ; mais on fait
bouillir ou rôtir les autres viandes. On élève
aussi chez soi en cachette de petits cochons
pour la nourriture ; mais cet aliment étant interdit
par l’islamisme, il ne s’en vend point en
public. Comme au Barbar, les boissons favorites
sont la buïbul et laméryse*. Le peuple en
boit avec profusion ; , la consommation qui s’en
fait est considérable. Ces boissons sont très-nour-
riSsantes; aussi les Sennâriens sont-ils en général
petits mangeurs. Ces liqueurs ne sont
pas les seules recherchées par les gourmets du
pays ; ils ont encore l’abré, eï-kingar, el-soury,
el-qerf, el-hossouh : on emploie pourdeur confection
des pâtes plus ou moins fermentées,
qui sont quelquefois de l’épaisseur de nos oublies,
et aussi sèches ; on en écrase une poignée
dans un garcth [ calebasse ] ; on verse de
Feau dessus; une partie de la pâte se dissout;
çé qui donne une eau aigrelette, agréable et
rafraîchissante : après l’avoir bue , on prend
avec les doigts le sédiment resté au fond du
vase, et on lé mange. Le miel qu’ils consomment
vient du Sa’ydeh. On expose sur les marchés
des tiges fraîches de dourah; ces tiges
* C’est, comme je l’ai dit, une espèce de bière obtenue par la
fermentation du dourah. La buïbul est ia plus forte et ia plus
estime'e; laméryse est la boisson journalière : elles ont un goût
acidulé et vineux. On èn retire aussi de l’eau-de-vie. Je m'étonne
que Bruce n’ait point parlé de ces boissons.