fleuve, à quelques lieues de l’armée turque, avait
besoin de repos pour soigner ses malades ; le
mélik Chaouss lui-même était blessé ; il envoya
son fils près d’Ismâyl pour lui offrir quelques
beaux chevaux, et solliciter une trêve de plusieurs
jours. Ce jeune homme , âgé de dix-huit
ans, avait reçu une légère blessure en combattant
près de son père. Le pacha Faccueillit
avec bienveillance, lui donna sa parole qu’il ne
serait fait aucun mouvement hostile contre les
Chaykyés jusqu’à ce qu’ils fussent en état de se
défendre, et le fit reconduire par une escorte
jusqu’au-delà du camp. v>
Le mélik Omar, à l’imitation de Zibert, vint
faire sa soumission. Chaouss s’y refusa, et se
rendit à Chendy avec trois cents hommes des
siens, qu’il avait déterminés à le suivre. Le pacha
donna des vêtemens d’honneur aux méliks qui
s’étaient rendus, et les fit chefs de village. Le
bon ordre se rétablit peu à peu ; on vit les cultivateurs
rentrer avec leurs femmes, leurs enfans
et leurs troupeaux, chercher à travers les décombres
quelques restes de leurs habitations, et
reprendre enfin leurs travaux sous la protection
de leur nouveau maître.
Les Chaykyés morts dans le combat restèrent
huit jours sur le champ de bataille ; la
plupart devinrent la proie des vautours : enfin
leurs compatriotes, à la sollicitation des Turcs
et aidés par eux, se décidèrent à leur donner la
sépulture.
La province de Chayky ou Chaykyé était
une république , gouvernée par trois méliks
principaux, Chaouss, Zibert et Omar; ceux-ci
avaient sous leurs ordres chacun trois autres
chefs, qui commandaient des corps de troupes.
II n’était point rare de voir des différens s’élever
entre ces dépositaires du pouvoir ; mais ils se
réunissaient tous sans hésitation, lorsque Fin-
térêt de la patrie était menacé. Suivant la tradition,
ces habitans, venus de l’Arabie, s’établirent
dans le pays il y a six cents ans ; un de
leurs ancêtres | appelé Chayke, donna son nom
à la nation. La populatioîi étant trop nombreuse
relativement à ses revenus agricoles ou
industriels, l’esprit militaire dut naturellement
s’y propager : aussi la plupart des Chaykyés
naissent guerriers et passent une partie de leur
vie la lance à la main. Ils sont de moyenne
taille, plus robustes que les Baràbrahs, et pleins
de bravoure, de dévouement et de fierté. Les
femmes passent pour partager le courage de
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