peigne, si l’on p eu t, notre horrible anxiété !
Devions-nous passer la nuit dans le bois? nous
avions tout à craindre , et des animaux féroces ,
et de mes nègres eux-mêmes, qui, tentés par
l'appât de nos effets et de notre argent , pouvaient
profiter de notre isolement pour nous
faire un mauvais parti. Nous pouvions nous
rassurer contre les attaques des animaux en
allumant du feu ; mais sa clarté pouvait éveiller
i’attentiôn des indigènes du voisinage, et "nous
mettre à-peu-près sans défense à leur merci.
Telle était notre perplexité, lorsque mon Arabe
nous dit qu’il apercevait une lueur dans le
lointain ; vainement nous regardions de tous
nos yeux, nous ne découvrions rien : enfin
cette lueur prit de l’accroissement, et nous
fumes convaincus qu’il ne s’était pas trompé.
Cette apparition ranima notre courage ; sans
doute c’étaient les feux allumés dans le camp
turc ! Notre premier mouvement fut de suivre
la direction qu’ils nous indiquaient ; mais la réflexion
vint modérer notre joie. Ces feux ne
pouvaient-ils pas être ceux des nègres dont les
environs de Fazoqi sont remplis? n’étaient-ils
pas un fanal perfide qui nous conduirait à une
perte inévitable? Nous cheminions cependant,
mais avec lenteur, dans la crainte de tomber
dans quelque trou. Je tremblais aussi que le
cri de mes chameaux ne décelât notre marche.
Enfin, à une certaine distance encore du feu,
j’envoyai mon Arabe à la découverte : il sa-
vança en silence à la favëur des buissons. Avec
quelle impatience nous attendîmes son retour !
Au bout de quelques instans d’une incertitude
cruelle, les cris de joie de cet homme vinrent
faire renaître dans nos ames l’espérance et la
tranquillité. En ce moment, quelques soldats,
égarés aussi, s’approchèrent de nous en nous
suppliant de leur donner de l’eau : nous soupirions
nous-mêmes pour en avoir. Une seule
bouteille de vin que j’avais toujours conservée
en cas de malheur, ne pouvait être mieux employée
; nous en bûmes la moitié; ensuite,
nous consolant les uns les autres, nous nous
résignâmes à passer ici la nuit avec nos compagnons
d’infortune. Ce fut de ce moment que
M. Letorzec fut atteint d’une fièvre qui dura
plusieurs mois.. Le lendemain, au jour, nous
partîmes pour rejoindre l’armée : elle campait
à deux heures de l à , sur la rive du Nil, près
du village d’Yarah, dépendant de Fazolq, où
nous devions rester quelques jours.