qui succombaient sous le poids de leurs chàrges.
L’artillerie ne pouvait avancer par cette voie
incommode. Les soldats murmuraient: dévorés
par la soif, ils semblaient^ la ressentir encore
davantage à la vue de ce torrent maintenant à
sec ; la bouche appliquée sur les sables arides qui
en tapissaient le fond, ils cherchaient à pomper
la fraîcheur humide que ces sables y entretiennent
presque tou jours. Cependant le désordre
commençait à régner. Le pacha, averti, s’empressa
d’accourir : il descendit dans le torrent,
saisit lui-même les rênes des chameaux qui
traînaient les pièces de canon, et parvint à encourager
ses soldats en leur rappelant qu’ils approchaient
du Niï. Enfin, grâce à sa persévérance,
l’artillerie passa, et rien n’arrêta plus la marche
du reste de Farinée, Sur ces entrefaites, des
soldats, ayant conçu Fidée de creuser un trou
dans le lit du torrent, eurent l’incroyable plaisir
d’y voir filtrer un peu d’eau: la nouvelle de
eette heureuse découverte s’étant répandue, on
se mit de toute part à fouir Ce sol bienfaisant ,
et chacun put y trouver une quantité d’eau suffisante
pour calmer des angoisses de la soif. Mes
nègres et mon Arabe firent comme les autres :
avec quelles délices nous bûmes un verre d’excellente
eau ! nous n’avions p u , depuis si longtemps,
nous procurer cette jouissance. Enpartant
de Sennâr, on avait bien distribùé des outres
pour le transport de Feau; mais les animaux,
ayant des chemins difficiles à parcourir et de
fortes charges à porter, avaient péri en grand
nombre : à chaque heure du jour, on en abandonnait
sur les routes; et beaucoup de soldats,
obligés de faire dé longues marches, ne pouvaient
avec leurs armes se charger encore d’eau.
D’ailleurs, marcher, pour un soldat turc, est
une chose si étrange, qu’en perdant sa monture il
lui semble avoir perdu la meilleure partie de
son être.
Tous cestorrens, qui viennent du sud-ouest,
où jls reçoivent les eaux des montagnes et les
portent au fleuve, étaient, en ce moment, à sec:
leur fond est de sable èt d’argile.
Celui-ci passé, il fallut se faire péniblement
jour à travers un fourré épais d’herbes gigantesques,
d’acacias, de nebkas : notre visage,
nos mains, nos pieds, étaient déchirés par de profondes
et inévitables égratignures ; nos vêtemens
éprouvaient aussi de fréquentes injures. Enfin,
à cinq heures 5 on se trouva tout à coup près du
Nil. Nous en lougeâmes ïa rive une heure encore;