fleuve, une famille de Chaykyés nous donna
asyle pour la nuit. Les Femmes seules étaient
au logis ; leurs maris, pour se soustraire aux
poursuites des Turcs, auxquels sans doute ils ne
s étaient pas encore Soumis, se tenaient çachés
dans le désert.
Je me couchai , la tête remplie d’idées confuses.
Au rapport des habitans, le Nil continuait
encore à suivre la direction du nord-est pendant
cinq, journées de marche, après quoi il inclinait
au sud. Dans des temps reculés, ce fleuve n’aurait
il pas p u , sur ce point, avoir un autre lit , et
faire une île du territoire où gisent aujourd’hui
les ruines du mont Barkal? Plus haut, me disoit-
on , il existe une île et une montagne, encore du
nom de Méraouy. I^ s auteurs anciens citent, il
est vrai, l’île sacrée de Méroé; mais ne pouvait-
on pas admettre que Méroé n’était point une île,
et que l’île en question était une dépendance de
Méroé? Sa forme, qui est à-peu-près celle d’un
triangle, ou d’un écusson, était aussi celle du bouclier
ancien , que l’on donnait à Méroé. Suis-je,
me disais-je, sur ces lieux célèbres, si vainement
cherchés par lés modernes? Les jaloux ont-ils pu
faire triompher leur imposture? ont-ils foulé les
premiers lés ruines de la véritable Méroé? S’ils
sont parvenus à ce b u t, c’est en m’obligeant par
leurs artifices à faire cinq cents lieues inutilement.
Cependant la latitude du lieu où je me trouvais
différait beaucoup de celle que les auteurs
anciens assignent à leur Méroé, dont le territoire
était, suivant eux, circonscrit par XAstaboras et
FAstapus. Barkal ne pouvait-il pas être plutôt
Napata, lieu devenu une colonie de Méroé, et
qui florissait à une époque postérieure sous le
nom de sa mère patrie, nom dont le souvenir y
est encore attaché? L’exactitude du célèbre d’An-
ville se serait-elle trouvée en défaut? aurait-il
méconnu la position de Méroé? Je répugnais à
le croire.
Toutes ces réflexions, et mille autres, éloignaient
le sommeil de mes paupières, lorsque
j’entendis au dehors un bruit de chevaux et la
voix de plusieurs hommes. Je me levai ; et comme
notre chambre n’avait point de porte, en un instant
je fus dans la cour , où je vis entrer cinq
Chaykyés à cheval. C’était le propriétaire de là
maison, accompagné de quatre voisins; ils avaient
quitté leur retraite pour venir, a la faveur de là
nuit, faire, une visite à leurs femmes. L’un de ces
hommes m’accosta d’un ton assez brusque, èn