yeux, il attend avec résignation le coup qui
va terminer ses souffrances. Les hommes dont
il a entendu la voix et qui marchaient sur ses
traces sont bientôt près de lui. O providence!
ce sont deux Chaykyés : iis s’empressent d’hu-
mecter de quelques gouttes d’eau ses lèvres
desséchées ; iis lui lavent les paupières; ses
yeux à demi éteints s’entr’ouvrent et reconnaissent
à peine ses amis. Cependant on se
hâte de l’enlever; on J’emporte; H est sauvé!
Ce ré c it, fait avec une naïve expression,
m’inspira beaucoup d’intérêt pour cet infortuné :
je lui donnai quelques pièces de monnaie ,
qu il reçut en nous comblant de remerciemens
et de bénédictions, «x Ah! s’écriait-ii en me
» montrant à ses compatriotes, si tous les Turcs
» ressemblaient à celui-ci, j’aurais encore mes
» oreilles. »
L’iie de Chatrab, grande et cultivée, est
située en face de Karafât La route, à partir
de là, passe au bas de quelques rochers qui se
dirigent vers le nord-est. Nous trouvâmes les
ruines d’un village abandonné. A une heure et
demie, nous atteignîmes Daiga, ancienne limite
de la province de Dongolah et de celle
de Chaykyé : une grosse muraille en pierres
froides , espèce de fortification avancée, marquait
cette limite, qui aujourd’hui a été dépassée
jusqu’à Korti. Nous entrions sur le pays
qui venait d’être le théâtre de la guerre, et
qu’Ismâyl pacha, après deux batailles, avait fait
passer sous sa domination. A demi-heure de
Daiga, les montagnes s’étendent dans le nord,
et l’on inarche sur une vaste plaine, à cinq
cents pas, du Nil, dont les rives sont sur ce
point tapissées d’acacias.
Après six heures et demie de marche, nous
campâmes à el-Harak ; c’est un groupe de quelques
cabanes construites près du fleuve, par
18° 12' 37" de latitude nord -, et 299 35' de longitude
, obtenue par des distances de la lune au
soleil. Les champs assez étendus qui en dépendent
sont bien cultivés : on n’y fait par an qu’une
récolte de dourah. Les habitans se plaignent
que le nitre surabonde dans leurs terres..
La province de Chaykyé présente, sous le
rapport agricole , un aspect qui la rend bien supérieure
à celle de Dongolah ; il n’est pas un
coin de terre qui ny atteste l’activité et l’industrie
de ses habitans. Nous n’étions plus qu’à
une petite distance de 1 armee ; nous en avions
chaque jour des nouvelles. Nous aperçûmes
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