fut en un instant couvert de troupes. Cinq petites
barques, ies seules que l’on eût, suffisaient
a peine pour le transport de fartillerie, des bagages,
et de tout le matériel. L’espoir de combattre
bientôt, qu’on avait eu soin d’entretenir
sous main parmi íes soldats; la perspective du
pillage et d’un riche butin ; la certitude de
lutter avec àvantage contre un ennemi qui n’aurait
a opposer à leurs armes à feu que des lances
et des sabres; l’expérience qu’ils avaient faite
de cette supériorité incontestable, lorsqu’ils
avaient eu affaire aux Chaykyés; tout cela enflammait
leurs ames d’une ardeur poussée jusqu’à
l’enthousiasme. Durant trois jours, sur une
assez grande étendue, la surface du fleuve fut
couverte de chameaux , de chevaux, de Turcs
et d’Arabes qui se jetaient à la nage, les uns
soutenus par des outres remplies d’air , ou
montés sur des pièces de bois ; les autres s’accrochant
à la queue des chevaux ou grimpés sur
ies chameaux c’est ainsi que passa ¿’armée,
composée, avec les domestiques, de cinq mille
cinq cepts hommes et trois mille chameaux ou
chevaux. On peindrait difficilement le tumulte,
la confusion, le brouhaha, les cris des-hommes
et des animaux, le retentissement des coups
dont on accablait ces pauvres bêtes pour les
lancer à la nage et les faire avancer : on eût dit
une armqe en déroute poursuivie l’épée dans les
reins, et non des troupes courant avec confiance
à la victoire. Malheureusement ce zèle empressé
coûta la vie à une trentaine d’hommes, et 150
chameaux ou chevaux furent noyés. La seule
chosé qubdoive étonner, c’est que la perte n’ait
pas été plus considérable encore.
Le 30 au matin , je fis passer mes chameaux
et mes dromadaires, en leur attachant au cou
une ou deux outres,remplies d’air : un Arabe,
monté sur le derrière de l’animal, le guidait
avec un bâton; il les passa tous ainsi à ht nage
sans aucun accident. Le pacha eut l’obligeance
de me faire donner une cange, dans laquelle je
fis commodément le trajet avec mes gens et mes
bagages.
Cette pointe de te rre, qui forme l’extrémité
nord de la presqu’île du Sennâr , où l’armée
campa entre les deux fleuves, se nomme Ras
el-Gartoum ou el-Khartoum. Je pus successivement
observer le courant du fleuve Blanc et
celui du fleuve Bleu ; celui-ci a bien moins de
rapidité, et est d’un tiers plus étroit que le premier.
Je fis puiser de l’eau dans l’un et dans