les cheveux rouges et les yeux roux , passent
pour être méchans. On les fréquente avec répugnance
, on les méprise ; et ce préjugé défavorable
semble avoir existé de tout temps. On
prétend même que le sang de ces hommes
coulait souvent dans les sacrifices des anciens /E
gyptiens ; j’ai, en effet, remarqué plus d’une
fois dans les peintures des hypogées à Thèbes,
des personnages à cheveux rouges qui étaient
garrottés et immolés.
Les Sennâriens sont grands et robustes. Les
enfans des deux sexes, jusqu’à l’âge de douze à
quinze ans, sont généralement jolis. Les femmes
sonttrès-bien : leur démarché et leur maintien ont
quelque chosé de noble ; il est malheureux que
la plupart aient le corps et la figure couverts de
cicatrices ; car elles ont de beaux yeux et l’air
de visage agréable ; elles se maintiennent longtemps
dans leur fraîcheur. Néanmoins la vie
s’use bien vite à Sennâr : les excès auxquels on
s’y abandonne, autant que les maladies produites
par Finsalubrité du climat , contribuent à la
rendre de courte durée. La quantité dé nègres
qui affluent dans le royaume et la grande fécondité
des feriimes*sont deux ressources bien nécessaires
pour réparer les pertes immenses de la population.
Les Sennâriens sont fourbes, plus intéressés
que jaloux, très-superstitieux, quoique
peu zélés observateurs de la religion mahomé-
tane qu’ils professent. Cette indifférence pour le
culte reçu est sans doute une des premières
sources de leur dépravation. Ils ne témoignent ni
égards ni affection envers leurs femmes ; ils vendent
sans pitié les esclaves dont ils ont eu des en-
fans. Ils sont tellement infatués de l’opinion d’uné
destinée inévitable, qu’ils envisagent la mort sans
crainte et sans effroi ; j’en ai vu plusieurs perdre
la vie avec un courage éminemment stoïque.
L’usage Veut que le ro i, durant son règne,
cultive et ensemence un champ entier de sa
main : ce travail lui vaut le surnom d'homme
des champs. Les femmes sé livrent avec ponctualité
à un soin de toilette qui, disent - elles,
est nécessaire à leur santé : il consiste à se frotter
pendant long-temps, de la tête aux pieds,
avec du beurre ou de la graisse de chameau ;
celles qui sont riches ont des esclaves qui leur
rendent cet office. Après cette opération préparatoire
et l’ajustement de leur chevelure, elles
passent à une autre que l’envie de plaire peut
seule rendre supportable : un vase inséré à
fleur de terre dans la pièce où elles se tiennent ;